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19 septembre 2017 2 19 /09 /septembre /2017 11:51

Dans les deux derniers épisodes de Twin Peaks : The Return, David Lynch s’est aventuré de nouveau dans la sombre forêt de Fire Walk With Me, offrant un contrechamp et surtout une prolongation inattendue à des scènes tournées il y a vingt-cinq ans (un peu, finalement, on ne l’a pas beaucoup dit, comme Marty McFly se retrouvait témoin de scènes du premier Retour vers le futur dans une suite directe où il finissait, dans un fabuleux jeu de miroirs, par interagir avec celles-ci). On n’a pas encore su décider si l’expérience était réussie chez Lynch, toujours est-il qu’elle résonnait involontairement avec les tentatives plus ou moins probantes de cinéastes revisitant leurs propres films à coups de grands liftings numériques ou à force d’énièmes “director’s cut”.

Mercredi dernier, dans l'après-midi, sans que rien nous y ait préparé, une tentative comparable s’est, pour notre plus grande joie, manifestée sur Internet à travers la publication d’un clip réalisé par John Carpenter. Le réalisateur d’Halloween n’avait pas tourné depuis The Ward (2011), son dernier long métrage si raté qu’il n’avait même pas eu les honneurs d’une sortie en salles en France. C’est dire si recevoir des nouvelles de sa part, derrière la caméra, a pu ravir ses fans. D’autant plus, sans doute, quelques semaines après les disparitions successives de George Romero et de Tobe Hooper, deux autres immenses figures du cinéma fantastique des années 1970-80.

Pourtant, on n’avait pas du tout perdu la trace de John Carpenter, bien au contraire. Celui qui signa les musiques mémorables de la plupart de ses films s’était transformé sur le tard en musicien à part entière, enregistrant ces dernières années deux albums de compositions originales (Lost Themes 1 & 2), s’incrustant sur un récent disque de Jean-Michel Jarre en invité de marque (A Question of Blood sur Electronica 1) et se produisant sur scène avec son groupe pour revisiter ses thèmes les plus fameux et interpréter de nouveaux morceaux (en 2016 par exemple au Grand Rex).

Un cinéaste ne tournant plus et préférant enregistrer sa musique sur des labels indépendants, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? C’est en effet, avant le retour à Twin Peaks, ce que fit David Lynch, avec deux albums assez fascinants, à mille lieues, pour le coup, des deux disques de “Big John”, sympathiques dans l’esprit, mais finalement assez médiocres avec leurs envolées “heavy metal” en totale contradiction avec le minimalisme synthétique de ses musiques pour Assaut, Fog ou New-York 1997.

C’est dire comme la perspective de ce troisième album à paraître en octobre et voyant le cinéaste revenir aux sources pour revisiter les thèmes musicaux de ses plus grands films nous excitait un peu plus. Il y avait sans doute de quoi puisque résida là peut-être aussi le déclic – ou le prétexte – permettant à Carpenter de retourner derrière une caméra.

Le clip que l’on vient de découvrir revisite donc Christine – pas l’un de ses meilleurs films, d’ailleurs – par l’image et pas seulement, comme on le pensait, par la musique. C’est un euphémisme de dire que l’on retrouve dans ces quatre minutes de cinéma la patte de Carpenter, son sens de l’espace, ses lumières, jusqu’à un caméo le voyant apparaître au volant de la mythique Plymouth en un malicieux sacrilège.

Une semaine avant la sortie très médiatisée de Ça, (adapté, comme Christine, d’un roman de Stephen King), on se doute qu’il y a là autant, sinon plus, de marketing que de désir. Mais on ne serait pas contre une déclinaison visuelle des différents morceaux de John Carpenter's Anthology : Movie Themes 1974-1998 sous la houlette du maître. Une manière, pourquoi pas, même si on n’y croit guère, d’amorcer enfin un vrai retour de cinéaste ?

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14 septembre 2016 3 14 /09 /septembre /2016 21:32

A propos de City Lights, un clip de Michel Gondry pour The White Stripes

 

Quand on regarde le nouveau clip de Michel Gondry réalisé pour les White Stripes (ou plutôt, pour être juste, pour l’album rétrospectif et acoustique de Jack White, sorti la semaine dernière), on est subjugué par sa beauté. Mais on se demande aussi si tout cela n’est pas trop beau pour être vrai. On se demande, comme le spectateur face à un magicien faisant son tour, « s’il y a un truc ». L’époque sans doute veut cela : on se méfie des images, on se demande ce qui se cache derrière elles, on sait bien que tout se truque, on ne veut pas se faire avoir et on a un peu trop oublié comme cela était bon parfois, la candeur.

Dans le champ du clip, plus qu'ailleurs peut-être, la méfiance s'est imposée dès lors que la performance est devenue un argument commercial, le motif de propagations virales inouïes pour des groupes n'en méritant pas tant. Sur Internet, espace de diffusion privilégié du clip, il faut marquer, impressionner, se distinguer. Pensons aux clips délirants (et devenues pénibles à force de surenchère) du groupe OK Go, songeons aux nombreuses vidéos réalisées, dit-on, en un seul plan-séquence (qu'il soit truqué ou non – et Gondry, justement, pour Massive Attack ou pour Kylie Minogue, en fut précurseur). Autant de clips que l’on regarde surtout en se demandant comment c’est fait. À tel point que, peut-être, nous ne saurions plus nous laisser émouvoir par la beauté se dégageant d’images toutes simples sans les questionner, sans les mettre en doute. À tel point qu'on en oublierait comme un clip réussi est avant tout la combinaison idéale des images avec une musique précise. Ce que Gondry a toujours compris, et mieux qu'avec d'autres avec les White Stripes (revoir, pour s'en convaincre Fell in Love With a Girl ou The Hardest Button to Button, les deux meilleurs parmi les quelques clips qu'il avait déjà réalisés pour eux).

Alors, revenons-y, City Lights est-il truqué ? On s’en fiche, là n’est pas le sujet. City Lights est d’abord le plus beau clip (le plus beau film ?) que l’on ait vu depuis des lustres, une chose si pure, si évidente, si émouvante, qu’elle renvoie tout ce qu’a pu faire Gondry depuis quinze ans – quand il filme la musique du moins – à des bégaiements ou à des redites. On veut y croire, croire aussi au « storytelling » accompagnant la mise en ligne de City Lights (Gondry l’aurait réalisé en secret, tout seul, pour l’offrir au groupe), on veut suivre cette histoire dessinée à la main sur la porte d’une douche, embrasser cette proposition poétique, à mi-chemin entre enfance et mélancolie, avec candeur et confiance. Et se laisser porter, s’abandonner. Comme c’était le cas quand Gondry, du haut d’un immeuble, filmait la foule de Mad World pour Gary Jules. City Lights émeut précisément car sa simplicité apparente en fait un objet familier, presque intime et faussement banal (qui n'a jamais tracé des dessins sur une vitre embuée ?), loin, très loin des prouesses physiques ou techniques de ces clips-performances évoqués plus haut.

Michel Gondry, aujourd’hui, n’est pas un mauvais cinéaste, loin de là. Mais Gondry, un temps, fut un génie. Le retrouver juste là où il se situait il y a quinze ou vingt ans – quand presque chaque nouveau clip de sa main jaillissait d'un concept lumineux, original et incroyablement stimulant – n’est pas la moindre des surprises. C’est tout aussi surprenant, oui, que l’exhumation par Jack White d’un titre inédit des White Stripes, duo séparé depuis 2011, rappelons-le. Que Gondry, bel et bien à l'image et « à nu » derrière l'écran de vapeur, ait filmé pour accompagner les fragiles arpèges de City Lights rien de moins que le passage du temps, la buée s’évaporant ou l’éphémère du recommencement est sans doute la raison pour laquelle ces quelques plans nous touchent tant.

 

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4 mars 2015 3 04 /03 /mars /2015 10:33

A la demande d'Upopi, portail pédagogique de Ciclic (livre, image et culture numérique en région Centre), j'ai écrit et monté un sujet autour du plan-séquence dans le clip.

Où les lecteurs habitués de 7and7is retrouveront certaines idées développées par le passé, autour notamment des clips du Twenty Two Bar de Dominique A et de Come Into my World de Kylie Minogue. Avec aussi, en vrac, OK Go, Michel Gondry, Yann Tiersen, Bob Dylan, Brian de Palma et Orson Welles.

Et puisque l'exercice voulait que l'on coupe dans ce qui ne devrait, par nature, pas être morcelé (des plans-séquences donc), l'ensemble des clips évoqués et les liens permettant des les visionner dans leur intégralité sont là : http://upopi.ciclic.fr/analyser/d-un-ecran-l-autre/en-un-plan-c-est-plus-fort

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11 juillet 2014 5 11 /07 /juillet /2014 13:45

Alors, comme ça, Bruce, tu as fait un film ? Tu as donc coréalisé un court métrage ? Avec Thom Zimmy qui signa, pour toi, quelques beaux documentaires ?

Bon, comment te dire, on a regardé... On a tenu les dix minutes. Oui. Et, bon, c’est un clip, ton truc. Un pas très bon d’ailleurs. Comme d’habitude en fait...

Bruce, je t’explique. Ce n’est pas parce que tu gratifies ton morceau d’une intro vaguement narrative de cinq minutes que ça fait un film, tu sais. Surtout, si c’est pour, après, te vautrer dans le tout-venant de la vidéo musicale avec la chanson qui déroule, des plans de toi qui chante face caméra avec, montée en parallèle, une très vague (et très soft) fiction post-apocalyptique dont on peine à saisir le sens et l’enjeu. Sinon, c’est sûr, les images sont jolies. Jolis effets de flare (c’est à la mode), jolis plans de nature (c’est facile, ça mange pas de pain) et puis, ah oui faut que je t’en parle, des flashbacks au ralenti... Voilà, voilà… Tu sais que c’est interdit depuis les années 80, ça, les flashbacks au ralenti dans les vidéos musicales ?! Sur des enfants qui jouent qui plus est ! J’imagine que c’est Thom Zimmy qui a réussi à te dissuader de passer ces séquences en sépia, c’est déjà ça… Tu me diras, tu boucles la boucle : après avoir intitulé un de tes hymnes Badlands, tu rends là, par l’image, hommage à Terrence Malick. Hunter of Invisible Game, finalement, c’est un peu ton mash-up de La route et de Tree of Life. En moins bien, quoi…

On savait déjà que tu n’étais pas un très bon acteur, on sait maintenant – mais on s’en doutait – que tu n’es pas un très bon réalisateur. C’est ton premier film, on ne t’en veut même pas, et quelque chose me dit que ce sera le seul. Comme une récréation après une tournée marathon, et tu as bien le droit. D’essayer des choses, d'explorer d’autres moyens d’expression (ton roman, quand ?). Mais tes scénarios, à l’avenir, fais-en plutôt des chansons (jusque-là, ça t’avait plutôt bien réussi).

 

Directed by...
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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 18:03

Il y a un truc assez déplaisant dans le clip de Paul McCartney dévoilé avec tambours et trompettes ce jour. Une manière d’auto-célébration assez irritante (en avait-il besoin, franchement ?) où, d’emblée, dès son enregistrement recréé pour les besoins du clip, ce morceau assez passe-partout nous est donné comme un tube fédérant les plus grandes stars (enfin, plus ou moins grandes... de Meryl Streep à Johnny Depp en passant par Sean Penn, Kate Moss ou Jeremy Irons plus quelques autres que je n’ai absolument pas identifiées mais puisqu’on nous dit que ce sont des stars, soit…). Un morceau donc que même Johnny Depp il dodeline de la tête en l’écoutant dans son iPod, alors tu penses, si toi aussi tu veux être super cool comme Jack Sparrow, tu vas l’adorer le nouveau single de Paulo ! Ben oui, quoi, tu as envie d’en être, ils ont l’air tellement heureux tous ces gens présents dans le studio d’Abbey Road (Abbey Road, forcément…) en position d’écoute attentive d’abord (Depp, Penn : les meilleurs…) puis à se dandiner dans la deuxième partie du clip (Streep : encore en sur-régime même pour un caméo…). Donc, résumons. Paul enregistre tranquillou (il sifflote en descendant l'escalier jusqu'au piano, c'est dire s'il est cool) et, parallèlement, le clip met en scène dans une dimension parallèle une sorte de frénésie portée par des people qui font tous allégeance à ce morceau tellement génial qu’ils écouteront, dont ils se délecteront jusqu’à plus soif, et qui, même, remplacera Get Lucky dans la bande-son de leurs soirées dansantes. Ouais, ouais. Ok.

Macca avait bossé avec Michael Jackson, on s’en souvient, et son petit caprice prétentieux sous ses dehors faussement sympathiques (un cameo, c'est toujours super sympa parce qu'on le prend comme un clin d'œil à notre intention, une invitation à nous joindre à la fête de l'entre-soi), son petit caprice donc nous rappelle le clip de MJ pour Liberian Girl, clip « all stars » assez démesuré (voir ici) mais finalement plus modeste parce que bien plus naïf, où le chanteur/réalisateur, enfant gâté dans sa bulle de star, convoquait le gratin de la pop eighties et même un peu plus (au hasard, Steven Spielberg…) pour montrer au monde 1) comme il était simple et sympa 2) comme il avait des potes super cools… C’était con, mais c’était touchant. Et surtout très impressionnant. Aujourd’hui, on ne s’étonne même pas que Sir Paul, comme on dit, ait pu faire venir tous ces gens-là… Mais son clip est nul, sinistre et prétentieux. Comme un passage en force pour montrer au consommateur comme ce single est un événement. On aura bien compris qu’il n’en est rien. D’ailleurs, vous l’avez écouté, vous, le nouvel album de McCartney ? Vous allez l’écouter ? Bon, alors, vous voyez…

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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 16:52

Ça commence par la fin, par ce moment où l'on pose religieusement le disque sur la platine. Avant cela, ce disque, il a fallu l'enregister, puis le presser. Le nouveau clip des Arctic Monkeys met à l'honneur le vinyle à venir, album produit, comme le précédent Humbug, par Josh Homme. Surtout attaché à l'objet et à sa confection, on remarque que le groupe zappe à dessein l'étape peu glamour de la commercialisation et du déversement industriel dans les bacs des disquaires. Pas plus mal. En sautant cette étape, entend-il nous dire que - comme Radiohead ? - il aimerait se passer d'intermédiaire, s'adresser directement aux fans ? Accessoirement, il nous confirme la puissance d'évocation du vinyle, ce disque que l'on peut regarder tourner (que l'on peut filmer), que l'on peut déshabiller, et sur les livrets duquel on peut rêver en grand format. Un objet que ses défauts, surtout, rendent émouvant, attachant, autrement désirable que les galettes uniformisées au format CD... Hier, à la Fn*c, je découvrais que l'enseigne offrait 20% de ristourne aux moins de 20 ans sur les vinyles...  Surprenant, non ? Si la résistance à la dématérialisation passera, pour quelques esthètes (en gros, les gens qui continuent d'acheter des disques, soit une minorité de "consommateurs" de musique), par le "retour du vinyle" (un enjeu commercial comme un autre, après tout), avouons que ceci n'est pas une très bonne nouvelle pour nos déménagements à venir...

 

 

 

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22 janvier 2009 4 22 /01 /janvier /2009 16:35

 

 

Un samedi soir, en 1983...

 

 

On l’a tous vu en même temps. À la télévision. Sur le service public. Dans la plus familiale des émissions de variétés. Avec le plus gentil des animateurs d’alors (et d’aujourd’hui). Moi, j’avais dix ans. C’était, je pense, la première fois que je voyais un loup-garou et des morts vivants sur un écran. En vrai, ça serait un peu plus tard…
Michael et son cuir rouge. Ses yeux maléfiques, le regard caméra du dernier plan. L’aimable "teen movie" qui tourne mal. La mise en abyme maline bien avant Scream. Ça faisait un peu peur. Pas trop. Mon premier film d’horreur sans doute... Je ne connaissais rien de Vincent Price, encore moins de John Landis. Roger Corman, la Hammer, évidemment ça ne me parlait pas. Les films de zombies de Romero non plus. Quant à l’album, je ne sais plus trop si ma grande sœur s’était procuré la cassette avant ou après cette diffusion. En version petit format pour petit frère, le 45 tours, j’imagine que c’est bien plus tard que je suis allé l’acheter – tout seul je crois – au Prisunic de la rue du Poteau. (lire la première partie)
Ce clip, donc. Le premier de l’histoire du genre, affirme-t-on souvent depuis. Le premier ? Pas tout à fait, non, mais plus certainement le premier à lorgner si ouvertement vers le long métrage, le premier à excéder largement la durée du single, débauchant un réalisateur et un maquilleur encore tout auréolés du succès du Loup-garou de Londres et de son incroyable séquence de transformation à vue (ici). Le premier clip, oui, surtout pour nous, jeunes téléspectateurs scotchés devant les déhanchements déments de celui qui s’emploierait méthodiquement, la décennie suivante, à devenir un vrai monstre, son visage transformé en effet spécial permanent ainsi que le suggérait finement le critique Luc Lagier il y a quelques années.
À l’époque, ils n’étaient pas nombreux ceux qui possédaient un magnétoscope, ceux qui purent capturer ce moment unique. Ce samedi-là, je m’en souviendrais longtemps sans avoir à nouveau les images sous les yeux. Dailymotion, YouTube, séances de rattrapage permanentes, je n’imaginais même pas que ça puisse exister un jour. Tout au plus tomberais-je par la suite, de temps en temps, devant une version expurgée du clip, devant des extraits/madeleines le plus souvent. Dans son intégralité, Thriller, je n’ai dû en fait le revoir que grâce à Internet, il y a quelques années…
Il suffit de demander à ceux qui ont 35 ans aujourd’hui. Beaucoup se rappellent parfaitement de ce soir-là, de l’émission hebdomadaire dont ce souvenir précis, précieux, atténue la redoutable ringardise. Champs Élysées, donc. Et la première diffusion de ce vidéo-clip de Michael Jackson en France. Avec l’avertissement de Drucker. Et les parents qui, pourtant, nous laissent regarder. Ça sentait le soufre, la subversion s’introduisant dans les foyers. Et peut-être, pour quelques-uns, le goût qui naît soudain, devant ces images inhabituelles, pour un genre de cinéma qui n’avait alors pas droit de cité à la télévision. On s’en souvient bien, oui. Un peu comme de la découverte de L’étrange créature du lac noir de Jack Arnold, en relief, dans La Dernière séance (avec les lunettes 3D achetées en bas chez le marchand de journaux). Ou comme, quelques années plus tard, du premier passage – avec le carré blanc – de L’Exorciste sur FR3 (et nous qui baissions le son, de peur que les parents déjà couchés changent d’avis en entendant la possédée hurler les pires insanités). Des marqueurs. Repères d’un temps où la découverte d’œuvres ou de chansons se conjuguait au pluriel et impliquait simultanéité et communion d’une bonne part du pays. Parce que c’était la télé. Parce que c’était la radio. Parce que la consommation des images n’était pas si éclatée, si diversifiée qu’elle l’est aujourd’hui… On en parlait le lendemain dans la cour de l’école, du collège. On avait vécu ce truc en même temps. Et si nous avions alors eu des téléphones portables, sûr qu’on aurait directement échangé nos impressions par SMS…

Le premier passage de Thriller à la télé en 1983 fut donc une sorte d’événement fondateur pour pas mal d’enfants d’alors. Non seulement parce qu’on y apprenait que l’on pouvait danser comme ça (!), mais surtout parce que le "king of pop" entrouvrait, pour nous qui n’avions pas encore l’âge de nous y aventurer, la porte d’un territoire imaginaire insoupçonné… Ce genre de saisissement lié à la réception collective et simultanée d’une œuvre (oui car ce clip, fut une bizarrerie qui réussit à dépasser d’un coup le champ de la musique, du cinéma et de la danse !), est-ce que ça existe encore aujourd’hui ? Point de nostalgie dans cette question faussement naïve ; il faudra juste qu’on pense à le leur demander, dans 25 ans, aux mômes d’aujourd’hui…



Voir le clip ici
 
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24 novembre 2008 1 24 /11 /novembre /2008 16:40





De Cyann & Ben à Sonic Youth, une maison, un appartement, investis par un groupe. Le terrain de la fiction, celui que le clip a depuis 25 ans artificiellement opposé aux musiciens, se trouvant dans ces deux clips réinvesti par ceux-ci...
Ce n'est pas le disque que l'on passe, ce n'est plus une bande-son, c'est le groupe qui joue. Bel et bien. Là, chez toi. Pour toi. Sans que tu les aies invités, comme si de rien n'était.
Words et 100%, où comment en finir avec la principale plaie du clip, cette facilité usante consistant à parasiter une vidéo par des plans toujours très artificiels du groupe ou de l'artiste, désynchronisés, toujours pièces rapportées d'une fiction qui rêve de se la jouer cinéma...
En finir donc avec cet arbitraire montage parallèle entre trame fictionnée et contractuelle captation de la performance live, lot ingrat de bien des vidéos musicales.
Mais alors, de Words à 100%, doit-on envisager l'image du groupe comme une simple bande-son ici mise en situation ? Ou sont-ce au contraire ce couple et ces teenagers, que le dispositif renvoie à leur statut de pantins audiovisuels dont la présence n'est manifeste, contextualisée quelques minutes durant, que pour illustrer deux chansons ?
Deux clips, où comment, en quelques minutes, par la confrontation paradoxale de deux univers (celui des musiciens/celui des acteurs) réaffirmer la place primordiale de l'artiste/du groupe et renvoyer à son triste  sort le "personnage" de clip...

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6 mai 2008 2 06 /05 /mai /2008 19:26
Est-ce que ça vaut vraiment le coup de parler ici du nouveau clip de Justice ? En parler, c'est alimenter la polémique, celle-là même, recherchée, pour laquelle il a été balancé il y a quelques jours sur Internet.
Pourtant, oui, ça vaut le coup. Parce qu'on est le 6 mai 2008. Parce que l'irresponsabilité et l'immaturité politique, ça va bien ! Parce que les fictions qui viennent légitimer les discours les plus vils me foutent en rogne. Et parce que le morceau - excellent - ne méritait pas pareil traitement.


Ce clip, donc, est signé Romain Gavras, pillier du collectif Kourtrajmé. Pour aller vite, on pourrait dire que c'est un peu le refoulé de La Haine (d'ailleurs, rappelons que Mathieu Kassovitz et Vincent Cassel comptent parmi les parrains de ce collectif féru de cinéma tape-à-l'oeil et de culture hip hop). Il met en scène une bande de jeunes venant semer la zone dans Paris. Des jeunes de quartiers "sensibles" forcément, des noirs et des arabes bien sûr (!). Mais tu vois, il y a de la distanciation, les jeunes, là, ils viennent dans des cuirs griffés Justice. On donne à voir au spectateur ce qu'il a envie de voir, on le confronte aux représentations qu'il se fait du monde, de la banlieue. Et puis surtout, tu vois, il y a le message trop rebelle à la fin, quand la bande, jusqu'alors filmée en caméra subjective, se retourne contre le journaliste, le roue de coup et l'invective pour dénoncer la propension des médias à filmer la violence. Trop forte, la dénonciation, les mecs ! Belle hypocrisie, surtout. C'est bien, finalement, de l'avouer par inadvertance dans votre clip, cette fascination pour les images de chaos que vous partagez avec votre double de fiction planqué derrière la caméra. Comme une prise de conscience soudaine, une belle manière de se tirer une balle dans le pied... Le prétexte éculé de la critique des médias (qui fleure bon la démagogie rance du "tous pourris") servait déjà à Ruggero Deodato pour justifier, il y a près de trente ans, les atrocités filmées dans son impressionnant Cannibal Holocaust (plus récemment, on pensera aussi à la posture du complaisant donneur de leçons Michael Haneke dans Funny Games).
Cette posture qui, au final, sert à se dédouaner à peu de frais rend encore plus antipathique ce clip, même pas fichu d'assumer jusqu'au bout ses penchants punks et nihilistes, même pas foutu, surtout, de suivre jusqu'au bout ses personnages... Ouais, tu vois, nous, en fait, on cautionne pas, hein ! On met en garde. C'est notre rôle d'artistes, tu vois... Très bien, mais, vous savez, c'est pas super fin votre discours, les gars... Certains pourraient mal l'interpréter... Et puis, en même temps, on se souvient tout d'un coup que les deux musiciens de Justice viennent de Versailles (en banlieue, non ?), qu'on les écoute sans doute bien peu dans ce qu'ils imaginent être "la banlieue" et qu'ils sont un peu en manque de "street credibility". Faut les comprendre, les pauvres... D.A.N.C.E., le tube bubblegum tout gentil, tout rose, leur colle tellement aux semelles qu'ils lui font même un sort (à 4' 53) dans ce nouveau clip révélant enfin leur côté sombre...

Par ailleurs, plus que La Haine (qu'on l'aime ou pas, le film était novateur et porteur d'un discours respectable), le clip de Romain Gavras me paraît viser un diptyque essentiel du cinéma américain des années 70 : Assaut de John Carpenter et Les Guerriers de la nuit de Walter Hill. Certains morceaux de Justice évoquait d'ailleurs déjà les compositions minimalistes de John Carpenter pour ses films. The Warriors et Assault on Precinct 13, donc, se répondaient : l'un statique (prototype du film de siège), l'autre en mouvement constant (et préfigurant les jeux de plateaux). Quand l'un proposait une variation, sur le mode Rio Bravo, du film fondateur de l'horreur contemporaine (La nuit des morts-vivants de George A. Romero), l'autre inventait le jeu vidéo transposé au cinéma alors que les consoles et les ordinateurs personnels n'en étaient pour le grand public qu'à leurs balbutiements. Dans ces deux films, la stylisation extrême mettait à distance le réalisme et la fascination des réalisateurs pour les phénomènes de bandes urbaines. Juste retour de choses, Carpenter se souviendra d'ailleurs très bien du film de Walter Hill et de sa déambulation d'un quartier à l'autre, des affontements contre différents adversaires (une nouvelle bande correspondant à chaque nouvel espace), quand il tournera peu de temps après New York 1997...




Cette distance, cette stylisation, ce sens de la mise en scène venant sublimer de pauvres arguments de série B, c'est bien ce qui manque au nouveau clip de Justice. Cette vidéo, on n'a vraiment pas envie de  la regarder avec n'importe qui tant elle vient - au corps défendant de ses auteurs, j'en suis sûr - alimenter tous ces discours abjects que l'on nous sert depuis trop longtemps sur l'insécurité.

Problème presque similaire, finalement, pour un autre clip récent signé Romain Gavras, misant déjà tout - et trop - sur le spectaculaire, l'effet pour l'effet...


Signatune
, pour DJ Medhi, avait, c'est certain, de l'allure (comme le clip de Stress). Il était même assez drôle. Mais il y avait déjà là-dedans un truc embarrassant, ce regard condescendant de celui qui vient filmer les trognes, les tronches des non-professionnels (ici des adeptes du tuning), pour que le téléspectateur se marre à peu de frais. On imagine les séances de castings de Signatune et de Stress et on a juste envie de vomir face à tant de cynisme. Une sorte de syndrome Strip-Tease (cette série de documentaires belges souvent peu respectueux de ceux qu'ils filment) appliqué au clip musical...

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20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 22:24
 
Bêtement, j’en avais un peu marre de tous ces articles sur Justice, du buzz que les Inrockuptibles et d’autres avaient fait monter au fil de leurs numéros printaniers (logiquement, le duo électro tête à claques est en couverture dudit hebdomadaire cette semaine).

C’était avant d’écouter l’album. Entre les Daft Punk (sans les fautes de goûts eighties), les Chemical Brothers (l’incroyable dyptique Stress/Waters of Nazareth), les bandes originales de John Carpenter (Phantom et One Minute to Midnight) et quelques relents disco presque hors-sujet (D.A.N.C.E, Dvno), la rumeur était finalement plus que justifiée. Justice est un juke-box fou, une enthousiasmante machine à faire danser. Tout au plus pourra-t-on tiquer sur le manque d’originalité de l’ensemble. Pas grave : depuis le début de la soirée, le disque tourne en boucle. J’en oublierais presque le pourtant formidable Era Vulgaris des Queens of the Stone Age et Icky Thump des White Stripes. Un comble pour un projet « french touch » que j’étais parti pour ne pas aimer…

La vidéo du single D.A.N.C.E. – tube de l’été annoncé – permet de reparler un peu de clip ici, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps.
Bon, le morceau n’est pas vraiment représentatif d’un disque finalement assez sombre. Et il ne vaut pas les délires pop de The Go! Team (ici) ou les samples déglingués de The Avalanches (), mais indéniablement cet hommage barré aux Jackson 5 fonctionne.
Avec le clip de D.A.N.C.E., le duo parisien avance à visage découvert. Il s’agit de look. De rien d’autre. On l’avait bien compris, d’ailleurs, depuis que les Inrocks avaient consacré, il y a quelques semaines, leur très dispensable page « Style » au décryptage du look des deux garçons.
Ici, semble-t-il, il s’agit surtout de vendre des tee-shirts, le clip retrouvant son rôle initial de film publicitaire, ce statut que quelques chef-d’œuvres avaient permis de mettre en sourdine (le clip trouvant au tournant du XXe siècle, grâce à Gondry, Jonze et consorts, la porte d'entrée vers les lieux et les écrits de cinéma).
Les vidéos musicales, il y a quelques années, servaient à vendre des singles. Mais aujourd’hui que la musique se télécharge « illégalement » ou dans le meilleur des cas virtuellement, que reste-t-il à vendre ? Ça n’a pas loupé. À une époque où les jeunes – qu’ils soient fans des Klaxons ou des Naast – se sont jetés dans la course aux looks, avec un exponentiel budget jean slim & gel capillaire, certains tee-shirts créés pour le clip existent désormais dans le monde réel et sont en vente notamment chez Colette (oui, chez Colette, car Justice, c’est chic et bobo… et puis parce que Pedro Winter, leur manager, est marié à la responsable de la communication de la boutique…).

Allons, Justice, ce n’est pas que du marketing, me dira-t-on, il y a là une démarche artistique cohérente puisque les deux musiciens sont d’anciens graphistes. Admettons.
Paradoxalement, on nous a saoulé avec le look des deux justiciables mais on ne voit pas les visages de Xavier de Rosnay et Gaspard Augé dans le clip. Pourtant, ils sont bien là – en creux – en prescripteurs de tendances.
Justice : groupe à la mode ou groupe de défilé ?
Ce qui est certain, c'est que l'on peut dire du directeur artistique du label Ed Banger, So_Me - qui a dessiné les tee-shirts - qu’il est l’auteur du clip autant que Jonas et François, les deux réalisateurs crédités.

D.A.N.C.E., donc, est un clip formidable dont on aurait vraiment aimé trouver le concept. Mais c’est surtout une page de publicité de trois minutes. Il faut le savoir avant de le visionner. 

 

 
 

PS : Pour être honnête, des tee-shirts de groupes, j’en ai pas mal… et le « Internet killed the video stars », vous pouvez me l’offrir, je le porterai…


http://www.myspace.com/etjusticepourtous
 

 

 
 
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