Dans les deux derniers épisodes de Twin Peaks : The Return, David Lynch s’est aventuré de nouveau dans la sombre forêt de Fire Walk With Me, offrant un contrechamp et surtout une prolongation inattendue à des scènes tournées il y a vingt-cinq ans (un peu, finalement, on ne l’a pas beaucoup dit, comme Marty McFly se retrouvait témoin de scènes du premier Retour vers le futur dans une suite directe où il finissait, dans un fabuleux jeu de miroirs, par interagir avec celles-ci). On n’a pas encore su décider si l’expérience était réussie chez Lynch, toujours est-il qu’elle résonnait involontairement avec les tentatives plus ou moins probantes de cinéastes revisitant leurs propres films à coups de grands liftings numériques ou à force d’énièmes “director’s cut”.
Mercredi dernier, dans l'après-midi, sans que rien nous y ait préparé, une tentative comparable s’est, pour notre plus grande joie, manifestée sur Internet à travers la publication d’un clip réalisé par John Carpenter. Le réalisateur d’Halloween n’avait pas tourné depuis The Ward (2011), son dernier long métrage si raté qu’il n’avait même pas eu les honneurs d’une sortie en salles en France. C’est dire si recevoir des nouvelles de sa part, derrière la caméra, a pu ravir ses fans. D’autant plus, sans doute, quelques semaines après les disparitions successives de George Romero et de Tobe Hooper, deux autres immenses figures du cinéma fantastique des années 1970-80.
Pourtant, on n’avait pas du tout perdu la trace de John Carpenter, bien au contraire. Celui qui signa les musiques mémorables de la plupart de ses films s’était transformé sur le tard en musicien à part entière, enregistrant ces dernières années deux albums de compositions originales (Lost Themes 1 & 2), s’incrustant sur un récent disque de Jean-Michel Jarre en invité de marque (A Question of Blood sur Electronica 1) et se produisant sur scène avec son groupe pour revisiter ses thèmes les plus fameux et interpréter de nouveaux morceaux (en 2016 par exemple au Grand Rex).
Un cinéaste ne tournant plus et préférant enregistrer sa musique sur des labels indépendants, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? C’est en effet, avant le retour à Twin Peaks, ce que fit David Lynch, avec deux albums assez fascinants, à mille lieues, pour le coup, des deux disques de “Big John”, sympathiques dans l’esprit, mais finalement assez médiocres avec leurs envolées “heavy metal” en totale contradiction avec le minimalisme synthétique de ses musiques pour Assaut, Fog ou New-York 1997.
C’est dire comme la perspective de ce troisième album à paraître en octobre et voyant le cinéaste revenir aux sources pour revisiter les thèmes musicaux de ses plus grands films nous excitait un peu plus. Il y avait sans doute de quoi puisque résida là peut-être aussi le déclic – ou le prétexte – permettant à Carpenter de retourner derrière une caméra.
Le clip que l’on vient de découvrir revisite donc Christine – pas l’un de ses meilleurs films, d’ailleurs – par l’image et pas seulement, comme on le pensait, par la musique. C’est un euphémisme de dire que l’on retrouve dans ces quatre minutes de cinéma la patte de Carpenter, son sens de l’espace, ses lumières, jusqu’à un caméo le voyant apparaître au volant de la mythique Plymouth en un malicieux sacrilège.
Une semaine avant la sortie très médiatisée de Ça, (adapté, comme Christine, d’un roman de Stephen King), on se doute qu’il y a là autant, sinon plus, de marketing que de désir. Mais on ne serait pas contre une déclinaison visuelle des différents morceaux de John Carpenter's Anthology : Movie Themes 1974-1998 sous la houlette du maître. Une manière, pourquoi pas, même si on n’y croit guère, d’amorcer enfin un vrai retour de cinéaste ?