Je sais, on ne se parlait plus trop ces derniers temps.
Mais hier soir, il faut que je vous dise, je suis retourné à un concert.
Un concert sans interruption, sans balles qui claquent et sans odeur de poudre. Et si mes oreilles ont sifflé encore un peu ensuite, c’est juste parce que voulant toujours tout entendre très distinctement (hyper-vigilance, quand tu nous tiens...), je ne les avais pas, cette fois, comme à l’accoutumée, protégées.
Pour vous, ultimes lecteurs d’un blog déliquescent, qui je vis hier importe peu. Pour moi, c’était essentiel. Il fallait un nom, une affiche, susceptible de me redonner et l’envie et le courage. Si Bruce Springsteen s’annonce dans un mois à Bercy, si très tôt après ce soir funeste de novembre je pris quand même des places pour The Cure cet automne, retourner hier au concert, eh bien c’était une première fois. Rien n’est réglé, loin de là, quelque chose est définitivement brisé, mais le plus surprenant est d’avoir réussi à vivre pleinement ce moment au présent. Pas au passé (hanté par un souvenir douloureux), pas au conditionnel (submergé par mes craintes), non, au présent.
Depuis six mois, les concerts ne me manquaient vraiment pas. Comme la musique au casque, dans les transports en commun ou dans la rue, je m’en passais très bien. D’ailleurs, une salle comme l’Olympia, sa fosse, c’était bien le dernier endroit au monde (ou presque) où j’avais envie de me retrouver. Mais la perspective, il y a un peu plus d’une semaine, de peut-être y voir un groupe qui se séparait quand j’entrais dans l’adolescence, un groupe mythique (écrivons-le) même recomposé aux trois quarts seulement, cela eu raison de mes peurs. Enfin, pour un temps seulement car la semaine qui suivit l’acquisition du précieux sésame fut un redoutable grand huit d’émotions paradoxales.
Mais on y est allé donc. Avec Bernard, avec Hélène surtout, laissant les enfants à la maison. Puis le concert a enfin commencé. Et face à ce groupe souvent moqué mais dont les morceaux ponctuent, avec ceux de quelques autres, la bande-son de ma vie, face à ce groupe dont l’ultime album est peut-être le premier disque de rock que j’ai vraiment désiré et possédé, quelque chose s’est envolé. Pour un temps. Et j’ai crié (Crache ton venin), et j’ai chanté (Un autre monde), et j’ai dansé (Le vaudou). Crié, chanté, dansé, comme un con, même – et surtout ? – sur La bombe humaine dédiée... aux « frères de Charlie et du Bataclan ». Cela aurait pu me heurter, m’irriter, cela aurait pu me bouleverser. Ça m’a juste fait plaisir. Simplement. Si tu avais su, Jean-Louis, hier, là, à ta droite près de la scène, pas loin de l’issue de secours évidemment...