Ainsi, on l’a appris ce matin, Sting jouera le 12 novembre, veille de la date-anniversaire que l’on sait, au Bataclan. Sting, c’est bien, c’est un symbole fort, un artiste « populaire », une star, l’ancien leader de... Police (ce qui, ironiquement, devrait rassurer).
Imaginez, ça aurait pu être bien pire : Eagles of Death Metal ou Pete Doherty par exemple (oh ! pardon, on me souffle que Pete D. jouera justement au Bataclan quelques jours plus tard, le 16...).
Mais je ne comprends pas. Depuis des mois que l’on annonce cette réouverture je ne comprends pas. Ou si. Je comprends trop bien. Malheureusement...
Je ne m’explique pas que la décence n’interdise pas cette réouverture à la date anniversaire – à un jour près, ne chipotons pas ! – des attentats du 13 novembre 2015. Je ne comprends pas que cela se fasse à ce moment-là, quand l’espace médiatique sera saturé du souvenir de cette soirée funeste, des témoignages des uns, des autres, des commémorations, des numéros spéciaux et des émissions spéciales.
Mais j’apprends aujourd’hui que le groupe Lagardère – qui vient de tenir une conférence de presse (était-ce bien nécessaire ?) – détient 70% des parts de la salle et je crois alors trop bien comprendre... Le sang aura séché, la vie doit continuer, show must go on ? On a donc rénové, on a refait la salle, sa façade. On commémore dignement, on reverse les recettes à deux associations de victimes (beau geste de Sting). Et après, quoi ?
Qu’on le veuille ou non, le Bataclan ne sera plus jamais une salle de spectacle comme une autre. Ni pour moi évidemment (qui n’y retournerai sans doute jamais), ni pour quiconque vivait à Paris, en France, en 2015. Il ne s’agit pas de souhaiter la fermeture de la salle, sa muséification, il ne s’agit pas de baisser les bras, d’abdiquer, non, bien sûr ! Il fallait rouvrir, continuer, laisser à nouveau siffler les larsens, mais peut-être fallait-il tout changer justement, comme cela a semble-t-il été fait à l’Elysée Montmartre, une autre salle sinistrée et depuis peu rouverte. Mais surtout le faire à un autre moment que celui-ci, en prenant le temps, sans se laisser prendre au piège du calendrier et de la communication.
D’aucuns voient un symbole, un vibrant hommage aux victimes dans la réouverture du Bataclan un an après les faits, c’est leur droit. D’autres, comme moi, y voient un calcul cynique, ou pour être gentil une consternante maladresse. Ça changeait quoi d’ouvrir en décembre 2016, en janvier, en février 2017 ? Ça changeait quoi au fond ?