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6 avril 2018 5 06 /04 /avril /2018 14:59

Quitte à passer pour un monomaniaque springsteenien, on pourrait commencer par écrire, volontairement hors-sujet, que quiconque n'a jamais vu sur scène Jacques Higelin ne peut comprendre la ferveur, la fidélité animant son public, et la générosité qu’il prodiguait en retour.

Plus précisément, j’ai pour ma part commencé à écouter ces deux-là, Springsteen et Higelin, à peu près à la même période, mais je n’ai vu le Boss sur scène que quatre ans après mon premier concert du chanteur français.

Ce premier concert, c’était en 1988, à la Grande Halle de la Villette, autour de l’album Tombé du ciel. Ce ne fut pas le meilleur concert, parmi la grosse quinzaine auxquels j’ai assisté, mais c’est sans doute le plus mémorable. Car c’était le premier, après quelques années déjà à fréquenter les chansons d’Higelin. Avant ce concert, donc, il y avait le triple album Higelin à Mogador, dont la copie cassette fut généreusement usée au gré des trajets en voiture, pour des weekends, pour des vacances, sur le walkman à double prise casque de ma grande sœur. Et puis il y avait un morceau mineur, Cult Movie, qui, au milieu des années 80, m’obsédait avec son harmoniciste en transe, son chant hurlé, son rythme trépidant. Et les vinyles de ma sœur, donc. Puis ceux – les mêmes, et d’autres – que j’achèterai par moi-même quelques années plus tard.

Higelin était pour moi comme un compagnon de route, un intime depuis plus de trente ans. C’était le chanteur français implanté dans mon cœur depuis le début de l’adolescence, le plus familier, le plus proche, en somme. Comme Springsteen, donc, dans un autre registre.

J’achetais toujours ses disques, les attendais encore quand, sans maison de disque au milieu des années 90, il tardait à sortir un nouvel album. Depuis Amor Doloroso, en 2006, sa production s’était faite plus régulière (quoique tout aussi inégale qu’avant), il avait trouvé en Rodolphe Burger un compagnon de jeu l’aidant enfin à produire correctement ses disques. Inégaux toujours, donc, mais dignes. On les achetait toujours, sans plus les écouter beaucoup. Mais peu importait. C’était sur scène que ça se passait. Et on s’était fait à l’idée depuis longtemps que ses meilleurs disques resteraient de toute façon ceux des années 70. Mais le tout dernier – où, déjà, il jouait avec l’idée de sa mort – réussit presque à faire vaciller cette certitude. Le chanteur se retournait sur BBH75 – l’un de ses meilleurs disques – en célébrant ses 75 ans. Celui que l’on cantonnait à quelques tubes, celui que l’on qualifiait un peu trop paresseusement à mon goût de « troubadour », de « poète », de « fou chantant », retrouvait l’urgence du rock et une noirceur qui jamais ne l’avait quittée (pochette éloquente, pour le moins). C’était un beau dernier album donc, rehaussant d’un cran l’intérêt pour le bonhomme. En même temps, une très belle biographie à deux voix menée par Valérie Lehoux et un recueil de textes inédits (Flâner entre les intervalles), parutions en forme d’inventaire, semblaient déjà précipiter les choses. C'était il y a deux ans.

Alors, oui, quelques heures après la nouvelle de sa mort (que l'on redoutait voir arriver, on le savait malade...), Jacques Higelin nous laisse orphelin. Mais il nous a tant donné. Et nous, nous l’avons tant aimé.

 

 

Jacques Higelin (6 avril 2018...)
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