Dès l'entame, qui n'est peut-être qu'une fin ("If today was tomorrow"), un personnage inquiétant, comme échappé de Lost Highway, déclare "chercher un accès". On ne saurait mieux dire. Car à la vision d'Inland Empire de David Lynch, il y a cette impression inédite d'avoir trouvé l'accès, d'ouvrir la porte d'un pays du Cinéma jusqu'alors inexploré et où il est à la fois déconcertant et fascinant de s'aventurer.
Replis, envers, recoins. Les seuils à franchir, les dimensions parallèles, les brouillages de l'espace et du temps sont justement au coeur d'un film dont la texture formelle hybride vient attaquer nos habitudes, pervertir les codes du bon goût et brouiller la cartographie qu'on avait jusqu'alors dressé avec peine du paysage "lynchien". Dépasser Mullholland Drive paraissait inenvisageable. Inland Empire réalise l'impossible et part encore ailleurs, tout en restant dans le prolongement de la trilogie entamée avec Twin Peaks, Fire Walk With Me...
S'il fallait chercher un équivalent à cette expérience de spectateur incroyablement stimulante, ce serait une émotion de lecteur, celle ressentie il y a quelques années à la lecture du livre-vertige de Mark Z. Danielewski, La Maison des feuilles. Des espaces qui se retournent, qui communiquent dans une paradoxale logique, le refus de la linéarité, la remise en cause du repère-personnage pour privilégier abstraction, émotions, intuitions et affects. Deux oeuvres/mondes, croisant les disciplines artistiques, où l'on n'a pas fini de se perdre...