Slalom Dame, le nouveau disque de Jeanne Balibar, lui offre son meilleur rôle et confirme les qualités de chanteuse de la comédienne, après Paramour, bel album où elle offrait sa voix singulière aux textes et aux musiques de Pierre Alféri et Rodolphe Burger. Ici, Alféri et Burger ne sont présents que sur deux titres (dont le très rock Ton diable), laissant la place à Dominique A (pour L'irréparable et Néologie) et surtout à Fred Poulet, véritable maître d'oeuvre et metteur en sons de l'album avec sa complice (contre)bassiste Sarah Murcia.
Slalom Dame se présente vite comme l'antithèse de l'autre disque de comédienne paru en cette rentrée. Si le 5:55 de Charlotte Gainsbourg restait enfermé dans son écrin "chic" et éthéré, Balibar ne vampirise jamais, par son image ou par son hérédité, les compositions des autres. Il y avait dans 5:55 de Charlotte Gainsbourg un beau casting certes mais un écran entre les morceaux et l'interprète, une ratée de production peut-être, un aspect lisse qui tenait toujours à distance. Rien de tel avec Jeanne Balibar qui s'adapte aux univers qu'on lui dessine, aux arrangements qu'on lui a amoureusement façonné. Autre différence avec 5:55 : les textes en anglais se font plus rares (deux seulement) alors qu'ils étaient majoritaires dans Paramour. Surtout, l'actrice, en apportant beaucoup d'elle (sa voix, sa présence affectée), enrichit les compositions des autres, leur apporte une beauté inespérée.
Depuis Vingt à trente mille jours de Françoiz Breut (qui, avec Philippe Poirier, Dominique A, Katerine et Jérôme Minière convoquait de la même façon la crème des auteurs français indépendants), on n'avait pas vu une telle osmose entre une interprète et ses faire-valoirs. Sur ce disque qui donne une idée de ce que Barbara aurait pu chanter si elle s'était mise à écouter du rock, Jeanne Balibar slalome avec grâce et jamais ne tombe. Elle en sort grandie, définitivement plus chanteuse qu'actrice.
Jeanne Balibar et Rodolphe Burger - Avis de KO social, Paris, septembre 2004