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Du "vigilante"... (Gran Torino vs The Watchmen)

Entre les Watchmen de Zack Snyder et Gran Torino de Clint Eastwood, et quelques mois après The Dark Knight de Christopher Nolan, le cinéma hollywoodien s’interroge plus que jamais sur la figure du "vigilante", quitte à théoriser désormais très clairement sur les ambiguïtés droitières qu’il gommait jusqu’alors sous le vernis du divertissement et des figures imposées par le genre.
De Dirty Harry à Gran Torino, il y a pourtant un gouffre, qui passe notamment par l’abandon du genre policier au profit de la chronique banlieusarde. Si Eastwood joue toujours au justicier, s’il impressionne les sauvageons par sa seule dégaine, le détour par la fable humaniste, par les bons sentiments, vient rendre "acceptable" et "drôle" son personnage de vieux bougon raciste. On aime Gran Torino, certes, mais on est aussi en droit de le trouver plus qu'ambigu (lire ici une voix discordante plutôt bienvenue au sein de l’enthousiasme critique).
De l’autre côté, la bande dessinée d’Alan Moore et Dave Gibbons a plus de vingt ans, se déroule dans des eighties uchroniques, et pourtant on se dit, à la vision de cette adaptation plutôt réussie, que les questions passionnantes qui étaient soulevées par le scénariste de V pour Vendetta valaient bien qu’on s’y arrête encore aujourd’hui et qu’il n’y a guère que le look des justiciers et certains choix plastiques qui paraissent aujourd’hui anachroniques.
Revenant sur des mythologies populaires typiquement américaines – celle des super héros et celle du justicier dans la ville – les films de Snyder et d’Eastwood stimulent par leur manière de retourner soudain les coutures convenues du divertissement d’action hollywoodien, d’interroger ses fondements et sa propension à l’apologie de l’auto-défense. Plaisir du vieil acteur ridé à composer le pire des salauds, à jouer sur les souvenirs d'un spectateur compagnon de route, à ressortir la punchline assassine et le rictus afférent comme il le faisait, sans y réfléchir, il y a tant d’années. Mais comme pour se trouver des excuses, déplaçant le personnage ambigu des seventies dans les atours du cinéaste à Oscars (celui qu’il est devenu depuis Bird et auquel tout le monde excuse aujourd’hui ce retour du refoulé qui est aussi, sans doute, très calculé). Alors, cure de jouvence, petit film craché dans l’urgence, film de vieux réactionnaire ou tour de passe-passe auteuriste pour théoricien eastwoodien, Gran Torino pose toutes ces questions passionnantes sans jamais vraiment y répondre. À l’inverse, The Watchmen (comme l’été dernier The Dark Knight) se veut très lisible dans ses intentions et ne parle finalement que du pacte paradoxal liant les justiciers à leurs ennemis jurés, l’existence du Mal ayant pour principale et paradoxale vertu de légitimer leur fonction (voir les scènes entre Rorsach et Moloch, et bien sûr les motivations complexes du meurtrier, révélées dans la dernière bobine)…
Hasard du calendrier, ces deux films passionnants, et dont on n’attendait pas qu’il correspondent ainsi l’un avec l’autre, sont visibles en salles en même temps...

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S
G.T. --> Oui, je suis allé lire chez toi... Et j'ai réagi... Je maintiens que si je n'aime pas certains raccourcis de Morain, je trouve que, sur le fond, son agacement est compréhensible... Il y a dans Gran Torino un miracle de la mise en scène, et surtout de l'incarnation : j'aurais, je le sais, très bien pu détester le même scénario, la même histoire, avec un autre metteur en scène et surtout avec un autre corps pour incarner Kowalski... On ne peut, face à ce film, faire abstraction du passé cinématographique d'Eastwood (c'est grâce à ça que le film tient debout ; avec un autre acteur, je crois bien qu'il nous sortirait par les yeux) ; lui-même joue consciemment de ça, de sa mythologie, et du capital de symathie que le public a pour lui (le film ne cesse de convoquer ses précédentes incarnations, de Dirty Harry au Highway du Maître de guerre, en passant - dans la topographie même du film - par des scènes de western...). Car Gran Torino, qu'on le veuille ou non, c'est un peu du méta-cinéma et le questionnement - par le truchement du "personnage" eastwoodien - de tout un pan du cinéma hollywoodien et de son histoire...Guic' the Old ---> Même si le film est touffu, on peut - j'en ai été le témoin - l'apprécier et le comprendre sans avoir lu la BD... Bien sûr, il ya quelques détails et subtilités qui peuvent échapper, mais le film demeure compréhensible même pour qui n'a pas (re)lu la BD avant d'aller le voir... Encore un point validant la qualité de cette adaptation...
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G
J'ai enfin vu le Watchmen (j'attendais d'avoir fini ma relecture de l'original, et... Franchement, je me demande si le film est vraiment compréhensible pour quelqu'un ignorant tout du truc. Le passage avec Dr Manhattan qui revit sa vie, qui prend quand meme quasiment tout un chapitre, est traité si vite que si on le connait pas déjà je me demande si c'est jouable de réussir à suivre quand meme par exemple...Mais bon, c'est quand meme bien pour quelque chose réputé inadaptable!!
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G
J'ai enfin vu ces deux-là (j'attendais le "printemps du cinéma")... j'ai adoré Gran Torino, et trouvé les watchmen pas inintéressant, mais imparfait... assez d'accord avec ce que tu dis et ce que dit Christophe, par contre, j'ai trouvé l'article de JB Morain non pas "bienvenue", mais affligeant... à tel point que je n'ai pu résister à faire un article pour l'exprimer... 
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L
De V for Vendetta je n'attendais rien, d'ailleurs je n'avais pas lu la BD, et j'ai été très surpris, positivement. À tel point que je l'ai revu une deuxième fois peu de temps après sa découverte et que pour l'instant je marche à 100%. On verra ce qu'en dira un troisième visionnage. (ça fonctionne tellement bien sur ma petite personne qu'il me fout la larme à l'oeil à une ou deux reprises, dingue !)
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S
C'est vrai que moi aussi, je sauverais juste V pour vendetta... Qui avait le mérite d'être une très digne adaptation, extrêmement fidèle de surcroit...From Hell était assez plat. Vraiment pas à la hauteur de la richesse du roman graphique.Et La ligue des gentlemen extraordinaires, c'était juste inepte et catastrophique... (mais ce n'est pas non plus ce que Moore a écrit de mieux...).Je ne sais pas trop s'il y a eu d'autres choses... À moins que l'on considère le premier Batman de Tim Burton comme une adaptation à peine déguisée de Souriez ! Mais, là, on est ailleurs, pas avec les faiseurs depuis employés aux adaptations des BD de Moore (puisque, en 1989, pendant une toute petite dizaine d'années Burton sera quand même un immense cinéaste)...
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