Annoncé par l’album Idlewild, le film éponyme, sorti discrètement ce mercredi, s’avère une cruelle déception, décidément pas à la hauteur des chansons composées pour l’occasion par Outkast.
Terriblement ennuyeux, Idlewild n’est pas la comédie musicale attendue. C’est plutôt un film de gangsters rétro dans lequel se glissent quelques numéros musicaux, quelques chansons du duo. Nuance. Les séquences chantées – plus ou moins réussies d’ailleurs – s’intègrent à la narration simplement parce que le personnage incarné par Big Boi est propriétaire d’un cabaret dans lequel il est lui-même l’attraction principale et où André 3000, autre moitié du duo, joue du piano… D’utilité dramatique, les séquences chantées n’en ont aucune, elles paraissent tout simplement plaquées sur un scénario convenu qui n’a même pas besoin d’elles. On sent finalement le réalisateur Bryan Barber très mal à l’aise avec le genre, ne sachant trop quoi filmer, et entrecoupant presque systématiquement les séquences chantées/dansées de courts inserts dramatiques recentrant sur l’action. Pas de place, ici, pour que les morceaux existent, pour que la danse prenne l’ascendant sur le reste. On a l’impression à l’entame de chaque chanson qu’il faut en finir au plus vite. Et ne parlons pas de cette scène grotesque de poursuite automobile rythmée par une chanson du duo et où le réalisateur n’arrive même pas à décider si Big Boi, au volant, doit faire mine de chanter ou se taire. Du coup, dans un plan il chante, dans l’autre non. C’est absurde. Pour toutes ces raisons, Idlewild est une très mauvaise comédie musicale.
Par contre, le film, par la bande, dit beaucoup de choses sur ce duo qui au fond n’en est plus un. Depuis Speakerboxxx / The Love Below, Big Boi et André 3000 travaillent séparément. Ce double album extraordinaire était en fait composé de deux albums solos, chacun réalisé par l’une des deux moitiés du duo. L’exercice fut probant. Il l’est moins dans le cadre d’un long métrage. Ici, les deux comparses n’ont que deux scènes ensemble. Le reste du film ne cesse de les suivre en parallèle, abusant du montage alterné et de rimes visuelles reliant artificiellement les séquences d’André 3000 à celles de Big Boi. Ils ne chantent pas ensemble, ne jouent pas ensemble. Pour un peu, on pourrait dire qu’ils ne figurent pas dans le même film. A André 3000 la comédie romantique. A Big Boi le film de gangsters. Et tout cela, finalement, communique très peu puisque chacun dans son coin joue sa partition.
Pourtant, il faut voir le poids symbolique des deux séquences qu’ils ont en commun. La première les met en scène devant une tombe (celle du groupe Outkast ?). La seconde, vers la fin du film, explicite clairement que le duo est arrivé à un tournant : Big Boi y encourage André 3000 à quitter le club qu’il dirige et à tenter sa chance en solo, à Chicago. Pas difficile de lire entre les lignes, d’autant que les incursions de André Benjamin au cinéma ces dernières années nous avaient mis déjà sur la voie d’une possible reconversion… Alors, Outkast survivra-t-il à Idlewild ? Pas sûr.
On se consolera en revoyant le clip jubilatoire et déjà fort rétro de Hey Ya, réalisé en 2003 par un Bryan Barber alors un peu plus à l’aise…