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Le grand incendie

Il y a six ans jour pour jour, je me rendais, au sortir du travail, dans un magasin dit "de produits culturels" pour acquérir le nouvel album d’un groupe français depuis tristement silencieux.
Une poignée d’heures plus tôt – de la bouche d’un collègue puis de celles, proliférantes et affolées, d’Internet, de la radio, de la télé – j’apprenais qu’à New York deux avions venaient de… Enfin, vous connaissez l’histoire…

Ce soir-là, on avait plutôt envie de vite rentrer chez soi, de ne pas braver trop longtemps la gueule fumante de transports en commun soudain redevenus menaçants, encore moins de s’attarder dans un lieu public pourvoyeur de déflagrations soniques et de musiques amplifiées.

Oui mais voilà, Des visages des figures arrivait juste dans les bacs tandis que Manhattan se réveillait défigurée. La planète pouvait s’arrêter de tourner, les plus noirs desseins se réaliser, l’album tant désiré était à portée de main. Je me souviens de ce soir-là, des dix minutes de marche, cotonneuses, étrangement irréelles, jusqu’à la gare Saint-Lazare, de l'entrée craintive dans le magasin, du passage express en caisse, de la découverte, un peu plus tard, dans les journaux télévisés, d’images d’effondrement diffusées en boucle, de l’horreur de ces corps tombant, bravant la pesanteur. Je me souviens avoir pleuré. Je me souviens moins bien, forcément, de la découverte du disque. Mais je sais l’avoir écouté le soir-même.
On se rappelle bien entendu que l’album avait été en partie enregistré à New York par Nick Sansano et surtout que le deuxième morceau portait un titre prémonitoire. S’y déployait un champ sémantique où s'entrechoquaient des mots aussi opportuns en cette funeste soirée que "feu", "incendie", "sirènes", "pompier" ou "explosion". Pour moi, d’emblée – et indépendamment de ce qui se passait en Amérique – ces accords basiques et heurtés, ce chant presque parlé, haranguant l'auditeur, rappelaient furieusement ceux du Paris New York, New York Paris d’Higelin. En deux chansons, un raccourci textuel autant que spatial.

Yves Simon rêvait New York. Soudain, on le cauchemardait. On a ensuite beaucoup glosé sur ce titre – pas le meilleur du groupe d’ailleurs – sur ces paroles qu’une paresse lexicale m’inciterait à qualifier d’ "incendiaires".

C’était il y a six ans. C'était un mardi.

Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien.
 
 
 
 
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T
Je suis d'accord avec toi, on peut dire que l'aventure est terminée. Il ne peut pas y avoir de relève non plus, si les groupes font du Noir Désir, il n'y a pas d'intérêt. Par contre, on peut attendre une qualité et une émotion équivalente. Un groupe aussi fédérateur...  A voir. Ou plutôt à écouter.
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S
Je n'avais pas d'emblée donné mon avis. Allons-y... Encore qu'il ne soit pas tranché... A priori, je n'ai guère envie que le groupe se reforme, ce serait étrange. Surtout, ils prêteraient le flanc à des critiques assez malsaines et je les pense trop intelligents pour tomber dans ce piège. Ont-ils seulement envie de rejouer ensemble, de reprendre le fil d'une histoire interrompue dans de telles circonstances ? Pas sûr... Dificile aussi pour nous - sur de nouveaux morceaux, dans un nouveau contexte - d'écouter chanter Bertrand comme avant...Même quand on est fan, je me dis qu'il faut savoir se dire qu'il y a un moment où c'est fini. Reste que la relève se fait attendre. Elle manque cruellement. Et ce n'est pas Luke, malgré ses qualités, qui viendra combler le manque (d'ailleurs Thomas Boulard, le leader de Luke, n'a de cesse de déclarer combien la comparaison lui pèse...).Noir Désir reste et restera un groupe que j'adore mais je me dis que c'est une histoire qui a touché à sa fin. Peut-être Cantat fera-t-il autre chose, artistiquement, peut-être pas. Cela, on ne peut pas le savoir. Du côté de Serge Teyssot-Gay, les projets menés de front sont passionnants (collaborations avec Lydie Salvayre, Interzone, Zone Libre), pas de quoi s'inquiéter... Les deux autres membres du groupe se sont faits plus discrets : "Silence Radio", comme Serge Teyssot-Gay intitula son premier album studio...
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L
personnellement "la suite"de noir desir ne me déplairait pas. il est vrai que l'on percevra ce groupe forcément diferemment...mais nous vivons dans une société tellement conformiste que pour moi de tels groupes doivent continuer à vivre. Malgré le triste épisode de bertrand cantat. mais aprés voila,est ce juste qu'il sorte de prison aussi tot sans avoir purgé sa peine jusqu'au bout....mais la aussi c'est un autre débat.
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A
je me suis posé la même question ska, d'autant qur je suis à la fois musicalement fan de ND et militant féministe.je crois surtout que ce sotn les concerts qui auraient un côté glauque, mais ne même temps, ND sans concert c'est plus vraiment ND. De toute façon depuis que cantat est en prison on sait que ND ne pourra plus jamais être ce qu'ils ont été.m'étonnerait pas qu'il devienne principalement écrivain, ou guest sur les disques des autres.mais c'est encore un autre débat.
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A
C'est pas si bête que ça, comme question, maintenant que la liberté conditionnelle pour Cantat est une hypothèse envisageable.À vrai dire, je n'en sais rien, en ce qui me concerne ça dépend principalement de ce que les principaux intéressés ont envie de faire. S'ils ont envie de se retrouver pour recommencer à faire de la musique ensemble, alors oui. Mais la reformation "patrimoniale", pour gérer l'héritage, me décevrait plus qu'autre chose.Ici aussi c'est relookage de rentrée à ce que je vois ! C'est chouette :-)
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