Sur des blogs voisins, ça et là, des playlists électorales fleurissent. L'idée me trottait aussi dans la tête depuis un moment. A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, il est plus que temps. Je m'en tiendrai ici aux chansons françaises et à une sélection affective et partiale, mais vos suggestions et commentaires sont les bienvenus... Pour chaque morceau, un lien vidéo ou audio permettra, le cas échéant, de se rafraîchir la mémoire.
La ballade des gens qui sont nés quelque part (Georges Brassens)
Qu’il s’agisse de la version originale de Georges Brassens ou de celle de Tarmac, moitié ponctuelle de Louise Attaque, une chanson qu’il fait bon écouter en ces temps où les candidat(e)s ne trouvent rien de mieux à faire que de s'empoigner autour de la notion d’identité nationale…La belle reprise de Tarmac est en écoute ici. Et c'est toujours mieux que La Marseillaise... même en reggae...
On le préférait avant qu’il fasse la chasse aux fumeurs et aux « bobos », quand il chantait Les charognards et qu'il ne mélangeait pas tout comme il le fit récemment sur le titre Elle est facho (une copie actualisée et ratée de Socialiste).
Hexagone, titre salutaire du Renaud première époque, récemment repris sur scène par les Têtes Raides, ce serait un peu la version « énervée » de La ballade des gens qui sont nés quelque part. D’ailleurs, Renaud a consacré l’un de ses meilleurs disques à des reprises de Brassens…
Poulailler’s Song (Alain Souchon)
Avec ses airs de ne pas y toucher, Souchon sait se faire engagé. Dès ses débuts avec ce Poulailler’s Song sarcastique. Plus tard avec C’est déjà ça. Et puis il a consacré une chanson à Arlette Laguiller. On peut ne pas être convaincu par son approche (L.O. envisagé juste comme un truc gentiment folklorique), mais il y a une indéniable constance dans ses idées. Pensons même à ce soleil qui « donne la même couleur aux gens » chanté par son complice Voulzy…
Du sépia plein les doigts (Vincent Delerm)
De Souchon à Delerm, les parentés ont souvent été pointées. Du sépia plein les doigts fait un peu écho à la verve du Souchon de Poulailler’s Song. Certes, Vincent Delerm en irrite beaucoup, mais cette chanson – de loin la meilleure de son dernier album – tape avec justesse sur une tendance avérée, depuis quelques années, à l’exaltation d’un patrimoine pré-pompidolien. Que Simone Veil citée ici soutienne désormais l’ennemi public numéro 1 ne peut que nous attrister.
Cette chanson, elle fut enregistrée avec Bertrand Cantat au moment où les Têtes Raides décidaient clairement de retourner vers le rock de leurs débuts. Bel hymne rageur à un Paris métissé, cette chanson s’est imposée dès sa première écoute comme l’une de celles qui m’accompagneraient très longtemps.
FFF fut un très grand groupe, une machine scénique exténuante, un groupe qui aurait pu devenir une sorte d’équivalent frenchy de Rage Against the Machine. Sur leur troisième album, le dernier avant la chute d’un ultime disque indigne, figurait ce Barbès au riff entêtant. Cette déflagration d’amour aux quartiers populaires, j’aimais la faire tourner à fond quand j’habitais dans le 18e arrondissement…
Sinon, Barbès a eu son groupe (L’Orchestre National de Barbès) et fut aussi évoqué dans les années 70 dans quelques chansons remarquables d'Yves Simon (Les héros de Barbès, Paris 75, Africain)
Un jour en France (Noir Désir)
Que dire sinon qu’en 2007 Noir Désir manque plus que jamais…
La version radio de ce titre était diffusée sans le triste discours que Chirac tint à Orléans en 1991 et qui était pourtant placé à l’entame de la version présente sur l’album. Grand groupe citoyen, Zebda consacra sur le même disque un titre au leader du FN (La bête). Ceci dit, pour le groupe toulousain, de Double peine au Pont du Carroussel en passant par Tout semble si ou Arabadub (à écouter ici), on avait l’embarras du choix. Comme Noir Désir, Zebda manque… Mais Magyd Cherfi vient tout juste de sortir un nouvel album…
Sa reprise ironique du Douce France de Trénet avec son groupe Carte de séjour avait fait grincer bien des dents dans les années 80. Depuis, Taha a mis un peu d'eau dans son vin en privilégiant la musique (excellente toujours) ou le retour à ses racines plutôt que les textes ouvertement politiques tel ce cinglant Voilà, voilà... Et dire que Faudel, qui s’illustra avec lui et Khaled, dans le fameux concert « 1, 2, 3 Soleil » soutient aujourd’hui officiellement Sarkozy… Enfin, Faudel, je n’ai jamais aimé. C’est moins triste que Bernie Bonvoisin, chanteur « antisocial » de Trust qui soutient Bayrou…
A force, avec sa coda « La jeunesse emmmerde le Front National », on ne sait plus si c’est une chanson de manif ou un vrai morceau… Les Berus eux-mêmes s’y sont perdus puisque dans ce concert récent capté aux Transmusicales de Rennes, ils intègrent au morceau quelques slogans bien connus…
C’est tout simple. Et on ne s’en lasse pas.
C’était il y a longtemps. Le Maire de Paris d’alors n’était pas encore Président de la République. Et pourtant, quelque chose me dit que l’écho de cette chanson on n’a pas fini de l’entendre ces prochaines années…
Les p’tits papiers (Rodolphe Burger)
Le détournement malin d’une chanson de Gainsbourg devenue sous les doigts de Burger un hymne pour la régularisation des sans-papiers. Le morceau avait d’abord été chanté lors d’un concert de soutien au GISTI (groupement d’information et de soutien des immigrés) par Burger et quelques autres (Noir Désir, Jeanne Balibar, Blankass, etc.).
C’est grâce à ce titre que j’ai acheté son album. Que je ne trouve pas tout à fait à la hauteur. Mais à un tel niveau, on peut lui pardonner. Surtout quand on regarde cette impressionnante prestation live.
Le Brestois a le sens de la formule. Le dernier couplet de la chanson est à tomber par terre. Et je me souviens de l’avoir vu - peut-être pour la première fois - à la Fête de l’Humanité, reprenant, narquois, La fille à qui je pense de Johnny Hallyday. Oui, Johnny, celui qui soutenait alors Chirac, qui est toujours loin d'être communiste, et qui aujourd’hui se prépare à « allumer le feu » pour son copain de Neuilly…
La facture d’électricité (Miossec)
Une chanson plus parlante que mille reportages pour dire la détresse du chômage et de la précarité (« Ne me secoue surtout pas car je suis plein de larmes »).
On était tellement de gauche (Miossec)
Une autre aurait appelé ça « Génération désenchantée ». Miossec dresse, sur son deuxième album, un constat assez noir au terme de deux septennats mitterrandiens mais laisse in fine entrevoir une lueur d’espoir ("et quand vous apprenez un jour par la poste que de vous / de vous on ne veut plus / vous repensez alors au cocktail molotov / ça ne serait pas arrivé si on s'était battu /mais c'est trop tard pour rechausser les idées qu'on croyait perdues / c'est désormais bon pour les gosses / allez les enfants / foutez le raffut")…
Mon père était tellement de gauche (Les Fatals Picards)
Sans doute le titre est-il un hommage à celui de Miossec. La chanson est drôle, certes, mais à quelques jours du premier tour, étrangement, elle ne me fait plus autant rire…