Alors voilà, Michel Polnareff a sorti un nouveau single. Et c’est une catastrophe qui ferait presque regretter son précédent délit, le sirupeux Je rêve d’un monde en 1998. Tant d’années d’attente et les rumeurs sur son perfectionnisme l’empêchant de livrer un nouvel album pour en arriver à cette chanson atroce…
Déjà que la Star Academy avait, ces derniers mois, dénaturé ses chansons les plus belles et ressorti ses pires daubes. Heureusement que les places pour Bercy étaient toutes vendues avant le démarrage de la nouvelle saison de l’émission : ça évitera les malentendus. Encore que… TF1 sponsorisant les concerts, on n’est pas à l’abri de l’irruption sur scène d’un(e) recalé(e) de la télé-réalité…
Mais revenons à cette nouveauté au titre hideux : Ophélie Flagrant Des Lits. Globalement, la discographie post-eighties de Polnareff ne vaut pas grand chose, mais à l’écoute de ce morceau-là on est tenté de réévaluer ses pires chansons (même LNA HO, c'est dire !). Avant Bercy, en mars, le chanteur à bouclettes voudrait doucher l’enthousiasme de ses fans qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Il ne manquerait plus qu’il sorte réellement un nouvel album – comme je l’ai lu récemment – en février… Ben, non, finalement, Michel, t’es pas obligé. Ou alors, promets-nous d’oublier Pro-Tools, de lâcher ton home-studio et de réembaucher Pierre Grosz pour les textes…
Bon, il y a quand même pour ladite chanson un clip visible sur le site officiel du chanteur (www.polnaweb.com). Il est au moins aussi affligeant que le texte qu’il illustre. Mais il est aussi extrêmement révélateur. Polnareff y cultive cette absence, cette distance qui sont devenues sa marque de fabrique : à sa voix noyée, transformée sous des couches d’effets répond toujours cette volonté de ne pas apparaître, de ne plus se montrer, de jouer la carte du mystère (seule entorse à cette règle, son duplex il y a quelques mois dans le journal télévisé de TF1 pour annoncer son retour en France). Du coup, ce titre apparaît encore plus clairement pour ce qu'il est, comme une parodie involontaire de ce que le chanteur composa de pire. Avatar actualisé d’une star d’antan, Polnareff semble cultiver aujourd’hui une image qui n’a plus grand rapport avec ce qu’il est devenu. Il n’est physiquement nulle part, inaccessible, et sa musique semble, elle, bel et bien perdue dans les années 80 (voix retraitée au vocoder, rythmiques synthétiques, on se croirait revenu aux oubliables albums Bulles ou Incognito…). Les affiches de Bercy présentent d’ailleurs un visage stylisé, flou, aux contours fluos renvoyant à son look d’alors. Intemporel, certes, mais aussi cruellement à côté de la plaque aujourd’hui…
Parlons enfin du plus intéressant dans ce clip, avec l’apparition de Jean-Paul Rouve pour jouer durant quelques secondes le rôle de Polnareff. Oui, l’ex-Robin des Bois, celui-là même qui interprétait un sosie du chanteur dans l’infâme Podium de Yann Moix. Cette image altérée du chanteur, elle est d’abord fugace, diffusée par un écran d’ordinateur planqué dans un coin du cadre. Cela rappelle bien évidemment les apparitions déjà fantomatiques de Polnareff dans les écrans du clip de Goodbye Marylou, sa dernière chanson à peu près digne. Pourtant, le problème, c’est que de ce jeu sur le sosie, le clip ne fait rien. C’est juste un clin d’œil débile, sans intérêt, une façon de raccorder l’esthétique année 80 avec le cynisme du XXIe siècle. Dans un clip d’Emilie Chedid pour –M– Vincent Lindon jouait, sur un principe proche, le rôle du chanteur à la coupe étrange durant les trois quarts d’une excellente vidéo (à voir ici). Le développement du récit justifiait l’utilisation de cet avatar, quand le faux Polnareff d’Ophélie n’est qu’un rappel malin et opportuniste à destination des jeunots qui ne connaissent de lui que son sosie de cinéma.
A Bercy, Polnareff ne pourra plus se planquer derrière les images et les masques. La légende – bien entamée ces jours-ci – risque d’en prendre un coup. Réponse le 2 mars…