Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Raconte toi


PICT0024-copie-1.JPGQuand on lui demandait le genre de musique qu’il aurait aimé jouer, les chansons qu’il aurait aimé écrire, il pensait invariablement à Yves Simon. Au chanteur des années 70, précisait-il toujours, celui qui rêvait Juliet dans les diabolos menthe, qui citait Polanski et Higelin dans une poignée de vers, celui qui posait en tee-shirt Jefferson Airplane sous sa vieille veste en jean. Celui, surtout, dont les mots, les silhouettes et les visages familiers arpentaient les rues de son propre quartier : de Barbès à la place de Clichy, de la rue Clignancourt à la place des Abbesses, de Rochechouart à la Goutte d’or. Dans ses chansons, il rêvait de New York et de Manhattan, mais il était de Paris. De Paris 75. Il chantait si bien cette ville : ses nuits, ses petits riens, ses passagers clandestins.
On lui avait dit aussi qu’il lui ressemblait. C’était surtout la pochette de Respirer, chanter... qui leur avait fait affirmer cela. La barbe sans doute.
On trouve de ces ressemblances parfois... Ceci dit, depuis qu’il avait coupé ses cheveux, c’était quand même beaucoup moins net. Dommage. La comparaison était plutôt flatteuse. Cette pochette d’un disque paru alors que lui ne marchait même pas encore, elle l’avait surtout conforté dans le sentiment que certaines de ces chansons lui parlaient directement, tout bas dans le creux de son oreille. Elles étaient à lui. Il aurait aimé y vivre. "Raconte toi", lui intimaient-elles doucement...
Puis il y eut les années 80, quand le chanteur changea de vie pour devenir écrivain, chantre du mitterrandisme et intellectuel de salon. Moins rock’n’roll a priori. D’ailleurs, il arrêta de se produire sur scène et chroniqua souvent à Libé.
Il lui conservait toutefois toute son affection. Et quand, bien des années plus tard, un certain Julien Baer sortit son premier album, il entendit dedans tout ce qui le fascinait tant dans ces vieux vinyles achetés à dix francs chez Boulinier. Même timbre de voix, mêmes arrangements seventies mais enrichis de sonorités soul que son héros de Barbès avait, lui, peu explorées. La relève était prête. Le public suivit peu.
Enfin, il y avait cette chanson. A une époque où Zelda évoquait bi
en plus un jeu vidéo que la femme tragique de Francis Scott Fitzgerald, il se serait bien vu baptiser sa fille de ce beau prénom. Las ! Avant que l’éventualité se présente, celle qui fumait des Gauloises bleues avait changé de peau dans sa nuit américaine.
Alors, il jouait certains morceaux à la guitare, il y revenait souvent. Il avait tout de même encore un peu de mal avec les arpèges de Raconte toi

Yves Simon, lui, avait finalement sorti un disque décevant à la fin des années 90. Un objet trop chic, trop clinquant, à la production déjà démodée. On avait dit ensuite qu’il devait tourner un long métrage avec une belle actrice à la voix rauque. Trente ans plus tôt, il chantait "la Dorléac". A l’orée du siècle, il devait filmer "la Mouglalis". Rien ne vint. Jusqu’à ces jours-ci… *




* Le nouveau disque d’Yves Simon s’intitule Rumeurs. Il est sorti le 1er octobre.


Bonus Tracks :

free music
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Merci beaucoup, jdm.
Répondre
J
Belle plume et cette écriture vénitienne où la pudeur s'avance masquée...
Répondre
T
Un interprète intéressant ...
Répondre
A
j'aquiesse des deux mains à cette optique tendance fictionnelle, subjective, assumée - c'est comme ça qu'on dit peut-être au mieux les émotions...?
Répondre
S
Merci, encore une fois, pour vos remarques et pour vos encouragements. Vous avez bien compris ce que j'essaye de faire et ça me fait vraiment plaisir. Vos retours me touchent car écrire ainsi sur la musique est, pour moi, assez récent.Trouver d'autres moyens, passer par le filtre de la fiction pour y mettre un peu plus de moi-même, c'est le but de cette nouvelle rubrique "Songbook". Il existe des revues, des journaux et d'autres blogs qui parlent très bien des disques qui sortent, des concerts qui passent. J'essaye de faire autre chose, de parler autrement des musiques que j'écoute... Je pars aussi du principe qu'un blog n'est pas un ersatz de magazine ou de journal. C'est un support qui a sa spécificité et qui n'est pas forcément fait pour que l'on y lise le même type de textes que dans les journaux papiers.Ce qui ne veut pas dire que les textes sur les clips, les photos de concerts (les deux choses qui étaient les fondations de ce blog) s'arrêteront... J'aurais du mal, d'ailleurs, à ne poster que des textes comme Raconte toi ou Mixtape et musicassette... Mais c'est vrai, ainsi que le relève Christophe, que sur ces deux derniers textes, c'est un chouilla mélancolique . Il faudrait que je revienne à un peu de légèreté. :-)C'est aussi, pour cela, Ama-L, que je ne pense pas faire d'article spécifique sur Rumeurs. J'aime bien l'album, mais j'avais plus envie de parler de mon rapport à Yves Simon... (et je savais que quelques personnes venant régulièrement ici partageait mon affection pour ce chanteur). Par contre, si vous écoutez le disque, parlons-en ici, dans les "commentaires" ou parlez en sur votre blog : ça serait bien que, petit à petit, on remette Yves Simon à la juste place qui est la sienne dans le cadre de la chanson française...Enfin, Nadine, je te remercie très chaleureusement pour ta contribution. On n'est pas frère et soeur pour rien. ;-) Par contre, c'est marrant, si nous avons tellement partagé Higelin, j'ai peu de souvenirs d'avoir écouté Yves Simon avec toi en voiture ou à la maison. Sans doute étais-je trop petit lorsque tu l'écoutais...
Répondre