La dernière fois qu’on les a vus, c’était il y a treize ans, un peu plus même, au Zénith. Et ce n’était pas bien. La salle était trop grande et, surtout, le concert faisait suite au quatrième CD studio du groupe, intitulé Vierge… et qui aurait dû le rester…
Mais hier soir, c’était autre chose. FFF s’était donc reformé pour un concert à la Cigale, juste en bas de chez moi, pas loin de Barbès, ce "quartier populaire" qu’ils chantèrent si bien en 1996. Ils tournaient déjà depuis quelques jours, se chauffant pour ce rendez-vous parisien tant attendu. Ce soir, ça continue, ce soir, ça recommence, ils passent au Bataclan (deuxième show complet à Paris) et il y a un paquet de dates à suivre, notamment au gré des festivals d’été. Ils annoncent même tranquillement bosser sur de nouveaux morceaux, sans échéance de sortie, sans se mettre la pression. C’est, semble-t-il, une reformation pour le plaisir, pour vibrer à nouveau, longtemps après un ultime album à bout de souffle et plus que dispensable.
Etait-ce une bonne nouvelle, cette reformation ? On ne savait pas trop, mais la perspective de revivre en live l’ivresse procurée jadis par de nombreux hymnes ne nous fit pas hésiter une seconde au moment d’acheter le billet, il y a quelques mois déjà. Il faut dire qu’on gardait avec FFF le souvenir de concerts prodigieux au Bataclan ou à l’Olympia, quand le groupe était à son sommet (entre le deuxième et le troisième album, ceux qu’il joua majoritairement hier). Alors, d’accord, on avait hier soir quinze ou vingt ans de plus ; Yarol était récemment devenu directeur artistique sur une tournée de Johnny ; Marco s’était transformé un temps en personnage médiatique à mille lieues de la fonck en tant que juré de la "Nouvelle star", mais j’étais confiant.
À raison. Epaulés par un percussionniste, deux cuivres et un clavier, les quatre membres historiques de FFF ont toujours, il faut d’emblée l’écrire, cette incroyable présence : Nicolas Baby halluciné, Yarol Poupaud habité, Krichou Montieux affable et imposant et Marco Prince toujours aussi charismatique. Deux heures de concert et l’ennui seulement pendant Mauvais garçon, morceau pénible (subi presque à chaque fois), mais peu importait puisqu’il vint en troisième position, après Le pire et le meilleur et, surtout, après Silver Groover (c’est dire si j’avais besoin de souffler et comme il ne tomba pas si mal…). Après ça, pas de temps mort : les morceaux de Free For Fever et de l’album éponyme de 1996 s’enchaînent harmonieusement, ponctués par un medley issu de Blast Culture, ce premier album dont on aurait quand même aimé entendre un peu plus en live. Le public a un peu vieilli, ok, ils sont moins nombreux à pogoter vraiment et la majorité d'entre-nous jumpe un peu plus tranquillement qu’il y a vingt ans. Pas grave, le cœur y est et l’esprit est positif, toujours à la fête, en dépit des idées brunes dans l’air depuis toujours et particulièrement en ce soir d’entre-deux tours d’élections municipales. D’ailleurs, c’est aussi pour ça qu’on a toujours aimé FFF, parce que c’était un groupe citoyen, engagé (j’en vois qui grognent…), et hier soir Barbès, AC2N ou Niggalize It, résonnaient, comme toujours, fort à propos. Entre un appel clair à aller voter dimanche, un retour de Marco en jupe au rappel (pour faire plaisamment écho aux débats sur le genre), on ne fut pas déçu sur ce plan. Pas avare de leurs efforts, slammant à plusieurs reprises dans le public (je me suis pris deux fois Marco au-dessus de la tête, une fois Niktus et une fois Krichou – putain, celui-là, le morceau !), recyclant des petits gimmicks ("Est-ce que vous êtes vivants ?!") de leur faramineux album live, on se serait cru revenu dans les années 90 et j’ai vite oublié que je n’avais plus vingt ans, comme on dit.
Bon, d’accord, faut le dire aussi, il y avait quand même un problème. Ce son fadasse qui aplanissait un peu tout et cette gratte qui, en conséquence, manquait de mordant, toujours en dedans, jamais éruptive comme elle aurait dû l’être, rendant la première version de Barbès un chouilla décevante. La première version de Barbès ? Eh bien, oui, car FFF revint au rappel par l’arrière de la fosse, traversant la foule (ce ne sont pas les premiers à le faire, loin de là, mais ça a toujours son petit effet), accompagné par une fanfare de cuivres sortie d’on ne sait où. Et la foule de scander sans se faire prier, pour la deuxième fois de la soirée, le refrain de Barbès. Et une fois sur scène, soutenu juste par la foule, par les percus et par les cuivres, c'était reparti. C’était magnifique.
Alors, non, au final, ce ne fut pas un grand concert. Mais ce fut un immense plaisir. Le sentiment de remonter le temps. Un peu. Pour le meilleur, pas pour le pire. On était là il y a vingt ans. On était là hier soir. Et je ne vois vraiment pas pourquoi je bouderai mon plaisir la prochaine fois. Alors, one more time, "FFF est dans la place !".
Le concert de la Cigale est visible dans son intégralité sur le site d'Arte : http://concert.arte.tv/fr/fff-de-retour-la-cigale