en photo : Katerine à la Cigale, le 21 mars 2006
Le concert de Katerine à l’Olympia est complet. Tant pis. Je ne le verrai pas une quatrième fois cette année. Mais Katerine rempile en mars 2007… au Zénith. Katerine au Zénith ?! Il y a quelque chose qui cloche, non ?
Je me réjouis du succès récent de Katerine et en même temps il m’inquiète. Il m’inquiète parce qu’il y a quelques mois les Victoires de la musique, cette sinistre cérémonie, en faisait l’un des prétendants au titre de « meilleur album révélation ». Alors que son premier album date de 1992, alors qu’il en a enregistré six autres depuis, sans compter ses collaborations nombreuses avec Héléna, Anna Karina, etc. Ce succès soudain m’inquiète parce que Robots après tout n’est certainement pas son meilleur disque et parce que que la formule basique de l’album (arrangé avec une simple groovebox) ne doit pas devenir un système. Les chansons sont d’ailleurs devenues encore plus jouissives sur scène dès lors que les anciens Little Rabbits – accompagnant Katerine dans sa tournée – leur ont apporté une vraie énergie rock.
Toujours est-il que Katerine, sans vraiment le faire exprès, a trouvé la formule du succès. Mais le personnage est si atypique, si particulier, qu’il faut sans doute se plonger dans sa discographie pour l’appréhender correctement, pour éviter les contresens, pour bien comprendre, surtout, qu’au-delà de ses deux tubes de 2006, c’est une œuvre d’une vraie profondeur qui s’écrit depuis de nombreuses années.
Alors, est-ce de sa faute ? Non, car les chansons potaches, une certaine trivialité (Je vous emmerde, Comme Jeannie Longo, son hymne non-officiel de l’Euro 2004) ont toujours été une composante essentielle de ses albums. Et c’est aussi pour cela – pour cette dérision admirablement dosée – qu’on l’aime. Mais quelque chose dérange depuis que Katerine est courtisé par la télévision. Il a quand même passé dix minutes dans l’atroce émission de Cauet (ici), s’en tirant d’ailleurs plus que bien. Il a fait « En aparté », avec Pascale Clark (ici) . Mais il paraît évident qu’on l’envisage, dans ce contexte, comme un « bon client », comme une sorte de Brigitte Fontaine au masculin, avec ses étrangetés, ses lubies, sa bizarrerie. Katerine se prête à ce jeu, rentre dans ce manège ironique avec délectation, jamais dupe sans doute du rôle qu’on lui fait jouer. Je ne m’inquiète pas quant à son intégrité, mais il est quand même assez irritant d’entendre le plus infect des animateurs télé lâcher qu’il « adore ce mec ». Pourquoi ne l’a-t-il pas reçu, alors, au moment de la sortie de Peau de cochon, ce beau film intime dont on ressort maintenant des extraits pour illustrer, hors contexte, la bizarrerie de son auteur (la – trop ? – fameuse scène des étrons) ?!
On remarque aussi, dans les récents concerts de Katerine, un rajeunissement impressionnant du public, on entend des ados ou des enfants hurler « Et je coupe le son ! » comme il chanteraient tel ou tel truc cynique sur Zidane. Et l’on oublie la délicatesse pop de Huitième ciel, la noirceur des Créatures et de L’homme à trois mains…
Ce contresens que l’on fait sur Katerine me fait penser à celui qu’a subi Zebda. Groupe politiquement très engagé, Zebda ne s’est jamais vraiment remis de Tomber la chemise, leur tube démago du troisième album, cultivant dès lors une image de groupe nostalgico-festif alors que de nombreuses chansons (à commencer par Le bruit et l’odeur) en avaient fait, au milieu des années 90, un groupe de rock « citoyen » essentiel. Je ne m’inquiète pas pour l’avenir de Katerine. Il est trop malin pour souffrir de cette soudaine notoriété. Mais il est évident qu’il rallie désormais un public qui, sans Louxor, j’adore ou 100% VIP, ne l’aurait jamais écouté.