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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 15:10

STCD61.JPGIl est bien gentil, Carlos Santana. Non content d'enregistrer des albums de la pire soupe depuis des années, d'inviter sur ses disques les vocalistes les plus improbables (Placido Domingo, par exemple, Roch Voisine sur la version européenne de ce nouvel album pour reprendre Under the Bridge des Red Hot Chili Peppers), le voici qui déboule donc avec son Guitar Heaven, soit un album de reprises du "meilleur de la guitare" ("The Greatest Guitar Classics of All Time", rien que ça...).

L'album de reprises, donc, passage obligé pour artiste sexagénaire (et les autres) en mal d'inspiration ou véritable nécessité, volonté de payer ses dettes à qui vous a durablement influencé, vous avez deux heures... Ici, compte-tenu de la liste des morceaux choisis, l'entreprise pue le pire opportunisme. Et je ne vous parle même pas de la pochette, qui vient confirmer les goûts souvent douteux de l'ami Carlos... Les titres donc... Sunshine of Your Love de Cream, Back in Black d'AC/DC, Riders on the Storm des Doors, Smoke on the Water de Deep Purple, Bang a Gong de T-Rex, Little Wing de Jimi Hendrix, Whole Lotta Love de Led Zeppelin ou While My Guitar Gently Weeps des Fab Four, ils sont venus, ils sont tous là. C'est incroyable d'enfoncer ainsi toutes les portes ouvertes, d'avoir aussi peu de dignité (Smoke on the Water, quoi !). Certes, on a vu pire setlist, pire tribute band à la moindre fête de la musique, mais, là, quand même, au rang des disques putassiers à zéro prise de risques, c'est presque aussi convenu que le terne Twelve de Patti Smith. Pourtant, pourtant, avouons qu'entendre Chris Cornell "remplacer" Robert Plant ou qu'écouter ce gros lourdaud de Joe Cocker reprendre Little Wing (Santana reconstituant là, dans la virtualité, un trio marquant - Cocker, Hendrix et lui-même - de l'affiche de Woodstock), ce n'est pas déplaisant. Et comme on n'oublie pas que Santana, c'est d'abord un groupe qui groove, des percussions qui claquent, les voici mises à l'honneur sur le très bon Sunshine of Your Love ou sur le remarquable Back in Black chanté par Nas, et dont on croirait la ligne de basse jouée par Flea et pompée sur les Red Hot Chili Peppers, soit un intéressant quoique involontaire mashup.


ROBERT-PLANT-BAND-OF-JOY.jpgAu même âge, Robert Plant, qui n'en est pas à son premier disque de reprises (le méconnu Dreamland - et notamment son fiévreux Hey Joe - est superbe) revient avec Band of Joy (du nom de son groupe d'avant Led Zeppelin). C'est mollasson, très... Parfois très beau pourtant... Comme si le rouquin ne s'était pas remis de son album country avec Alison Krauss, lui qui déclara il y a peu, après un concert de Them Crooked Vultures (où officie l'ancien bassiste de Led Zep, John Paul Jones) que c'était vraiment trop de boucan, que ses oreilles en avaient saigné. Alors, que Plant enfile ses chaussons, se la coule douce, apaisé, vieux papy, et qu'il règle son sonotone au minimum, ça nous fait un peu de peine mais on sauvera quand même Band of Joy pour son honnêteté. En témoigne cette reprise - complètement inattendue - du sublime Monkey de Low. Choix plus intime, reconnaissons-le, et tellement plus surprenant que tous ceux de l'entrepreneur Santana.

 

Mais pour ce qui suit - et qui commence à dater - on n'en voudra jamais complètement à Carlos...


 

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 17:04

 

The Beta Band 2 - +-copie-2

The Beta Band, Route du rock 2004

 

 

Quand je les ai vus, en 2004, à la Route du rock à Saint-Malo, je ne savais pas que le Beta Band était au bord de la rupture. Après sept ans d'activisme musical, une quarantaine de morceaux barrés, un DVD complètement fou et, surtout, quatre albums inégaux mais durablement marquants, c'était bien l'un de leurs derniers concerts...

Bien sûr, le groupe écossais ne fut jamais meilleur qu'à ses débuts, avec le cultissime The Three E.P.'s (même pas, comme son titre l'indique, un vrai album !) et je ne remercierai jamais assez un ami de me l'avoir offert à l'époque. Mais voilà, ce fut, sept ans durant, un groupe unique, influent, dont les penchants psychédélique s'accommodaient de la fréquentation des dancefloors et dont la neurasthénie probable accouchait de pop songs bizarres et brinqueballantes... À l'époque, aux États-Unis, Beck sortait Odelay, on l'adulait. En Europe, les bricolages de Steve Mason et ses potes n'eurent pas le même écho ; cela leur évita sans doute de tourner en rond, de psalmodier toujours la même chanson... Ce Beta Band méconnu, pourtant, on l'a un peu entendu sans forcément le savoir : dans la bande son de publicités grotesques pour les produits laitiers ou, plus opportunément, dans la boutique du disquaire de Haute fidélité, le film de Stephen Frears d'après Nick Hornby (voir ici, à la fin de l'extrait, les vertus magiques du morceau Dry the Rain pour relancer l'industrie du disque)...

Mais le Beta Band jeta l'éponge, dirent-ils à l'époque, faute de succès, par lassitude. Son leader, Steve Mason, s'aventura ensuite dans King Biscuit Time, sorte d'ersatz rachitique de sa première formation. Las ! Je ne sais même pas si les disques de King Biscuit Time sortirent en France. Ils étaient assez beaux pourtant, touchants dans leur dénuement, mais bien trop discrets pour raviver la flamme. Mason passa ensuite par les cases rupture, dépression, et voilà qu'aujourd'hui, alors que nous n'attendions plus rien de lui, il sort un disque sous son propre nom, et chez Domino qui plus est (le genre de label capable de le publier et de le défendre correctement).

Ce Boys Outside pourrait (presque) être un nouveau disque du Beta Band (c'est évident avec le premier single, sublime, Lost and Found). Si les morceaux de King Biscuit Time ressemblaient trop souvent à des démos, ceux de Steve Mason sont ouvragés à la perfection. On y retrouve, en embuscade d'une production léchée, ses rythmiques acoustiques envoutantes, ses mélodies évidentes portées par un timbre aussi las qu'hypnotisant. C'est dire s'il faut découvrir ce disque toutes affaires cessantes.


Album en écoute ici

 

 


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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 16:49
Il y a donc les artistes qui sortent à grand renfort de promo des albums de reprises (l'inégal Scratch my Back orchestral de Peter Gabriel qui vaut au moins pour Heroes, pour My Body is a Cage et pour son beau concept en question/réponse, invitant les artistes repris à puiser à leur tour dans le répertoire de Gabriel). Il y a aussi ceux qui se créent un side-project - et enregistrent un disque vraiment pas si anecdotique - rien que pour ça : les réjouissants Hot Rats dont je parlais précédemment...


songsofleonardcohen.pngMais il Il y a aussi le projet rigolo de Beck reprenant sur son site officiel des albums entiers en une seule journée, avec des invités aléatoires selon les sessions... À l'actif de son Record Club, ont déjà été revisités Songs of Leonard Cohen et The Velvet Underground & NIco... Dans la mesure où il s'agit d'expérimentations visant à animer un site internet assez exemplaire, on sera très indulgent en les écoutant. Car ce qui est manifeste dans cette entreprise, c'est bien - avant tout - le plaisir d'un musicien rendant hommage à des albums qui l'ont nourri et auxquels il ne se mesure que dans la quiétude d'un projet finalement assez humble... Il est par ailleurs assez agréable de découvrir ainsi des premières prises live, des musiciens qui tâtonnent, qui cherchent... Dans le Record Club, l'amusement retrouve sa place et mine de rien ça fait plaisir (surtout quand on se remémore le calamiteux concert de Beck à l'Olympia en 2008...)
http://recordclub.beck.com/recordclub/


home2.jpgEt puis, par chez nous, Philippe Katerine s'y met avec quelques complices plutôt venus du jazz, nous promettant une reprise par semaine durant toute l'année 2010... Le plus amusant étant que les titres choisis ne seront que des morceaux de pure variété envisagés sans second degré, comme ça, pour voir... Le résultat déroute parfois : bizarrement le C'est lundi de Jesse Garon sort sacrément ragaillardi de la greffe, ce tube gominé du début des années 80 dialoguant assez aisément, dans son énumération d'une morne journée, avec des morceaux de Katerine tel Borderline ou Le train de 19h... Il y a même Papayou de Carlos et La boite de jazz de Michel Jonasz, c'est dire si la barre est placée haut...
http://www.katerinefrancisetsespeintres.com/

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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 23:19

Un jour, sur son blog, Guic The Old se mit à faire des Top 5 autour des plus grands groupes de rock en proposant aussi à d’autres blogueurs d’y participer, de recenser leurs cinq chansons préférés d’artistes plus ou moins reconnus, contemporains ou classiques, rarement contestables en tout cas... Il m’attendait sur Noir Désir. Je lui fis faux bond. Pour moi, c’était Springsteen ou rien...

QueenLiveKillers.jpgEt puis, courant novembre, un beau samedi, entre Exodisc et la Librairie Parallèle, au fil d’une discussion avec Christophe (aka Mario Cavallero Jr) et Guic The Old, l’idée jaillit (quelle idée ?!) d’un Top 5 des plus snobs car il serait consacré à nos titres préférés du groupe le plus unanimement détesté sur les pages rock’n’rollement correctes : Queen. Ce Top 5 serait publié conjointement le jour de Noël, sous l’intitulé "C’est Noël : on aime tout le monde même les fans de Queen". Sauf que… Sauf que… Je suis un fan de Queen... Enfin des huit premiers albums de Queen (jusqu’à The Game, en 1980)... Sauf que je suis né vers l’âge de 12 ans quand j’ai entendu pour la première fois le "Poum-Poum-Tchak" de We Will Rock You sur le vinyle de Queen Live Killers emprunté à la discothèque de la rue Hermel dans le 18e (l'une des premières du genre). Queen, donc, balise insubmersible. Malgré Hot Space, malgré The Works et Radio Gaga, malgré un album posthume pourri et une semi-reformation contestable suivie d’un vrai nouvel album – pitoyable – en 2008. Queen… Dont le deuxième album est un chef-d’œuvre et dont les multiples tubes sont la malédiction…

Choisir cinq titres ? Christophe, Guic the Old et même le revenant Chtif se sont acquittés de cette tache difficile (voir ici et ). Moi, je suis à la bourre. Pas grave. Et même pas honte !


Bon, si je m’écoutais, les cinq titres seraient tirés de Queen Live Killers car ce double-live, copié sur une précieuse musicassette de 90 minutes qui m'accompagna longtemps, fut pour moi, à l’âge de la découverte du rock, le disque le plus important, peut-être le seul qui compta vraiment (bon, ok, je corrige : avec Born in the USA)… Get Down, Make Love, Keep Yourself Alive, Let Me Entertain You, Now I’m Here, We Will Rock You (eh oui, la seule concession que je ferai ici aux tubes vulgaires et tapageurs qui justifient amplement le dédain que d'aucuns manifestent à l'encontre de Queen)… Dans cette selection où les riffs de guitare supplantent largement le piano, on me trouverait certainement plus d’accointances avec Brian May qu’avec Freddie Mercury… Mais ce serait sacrifier Queen II… Ce serait bouder les perles de A Day at the Races... Et ça, c’est impensable…

Alors, voilà...

1 – Ogre Battle (Queen II) vidéo

2 – The March of the Black Queen (Queen II)

3 – Let Me Entertain You (Jazz) vidéo

4 – Good Old Fashioned Lover Boy (A Day at the Races) vidéo

5 – We Will Rock You Live (Queen Live Kilers) vidéo

 

 

Sur le même sujet, je ne peux que vous recommander à nouveau le Freddie et moi de Mike Dawson, belle chronique d'une adolescence vécue au rythme des albums de Queen, dont j'avais déjà parlé ici...

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18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 16:30
PICT0039En 2004, attiré par une borne d’écoute ornée d’une pochette intrigante, je découvrais des bribes de Portrait du jeune homme en artiste, au casque, dans un grand magasin culturel bien connu des Champs-Elysées. L’auteur, Arnaud Fleurent-Didier, m’était totalement inconnu, mais les arrangements savants, luxueux et atypiques, les textes pétris d’ironie et de finesse, me parurent singulièrement familiers, comme si je les avais attendus depuis tout ce temps. L’album me marqua durablement. C’était, pour moi, le grand disque français succédant à Boire de Miossec et à Remué de Dominique A, l’un des plus importants de la décennie qui s’achève. Force est de constater pourtant qu’il est demeuré un secret bien gardé (voir le titre prophétique et prémédité Mon disque dort).
C’était malgré tout un objet précieux auquel je revenais souvent. Un trésor intime, un disque à soi (en soi) comme on a en a tous quelques-uns bien au chaud dans nos discothèques. D'Arnaud Fleurent-Didier, je ne savais rien. Au recto du livret, juste une discrète photo de lui, passant dans un reflet. Et puis aussi, sur Internet, ce cliché où il apparaissait, trônant en chanteur sur un vinyle posé négligemment dans une chambre d’adolescente. Une belle mise en scène évoquant tant les premiers courts de Jean-Luc Godard (Tous les garçons s’appellent Patrick par exemple) qu’Adieu Philippine ou Du côté d’Orouët de Jacques Rozier. Arnaud Fleurent-Didier, je ne l’ai jamais vu sur scène, jamais vu en interview, je crois bien même n’avoir rien lu sur lui. Il n’y avait que ces chansons. Cela suffisait. Pourtant, un ou deux albums déjà étaient sortis sous le nom de Notre-Dame, un autre avec Ema Derton, mais ce disque-là, si dense, si profond, si drôle et bouleversant à la fois, me contentait amplement…

Les choses ont changé depuis. C’est bien. C’est mieux. Le nouveau disque, depuis longtemps annoncé, sort le 4 janvier 2010 sur un gros label (Columbia). Sur le site d’Arnaud Fleurent-Didier (La Musique du film), on peut, depuis déjà quelque temps, commander le vinyle de La Reproduction. Et France Culture, qui ouvre ce nouveau disque en une admirable épopée de mots rugueux sur ce que ne nous lèguent pas nos parents, a été dévoilé dès cet été. On parle pas mal d’Arnaud Fleurent-Didier ces temps-ci. Des petits teasers dans Télérama, dans les Inrockuptibles, avant bien sûr que ceux-ci, alimentant le buzz naissant, en parlent plus précisément à la rentrée. On a même pu, il y a une semaine, mettre un visage, un vrai, sur ce mystérieux chanteur puisqu’il fut invité dans Taratata (eh oui… voir ici et ) pour y interpréter ce nouveau titre où des cordes que l’on croirait arrangées par Jean-Claude Vannier se mesurent à un sombre talk-over qui n’est pas sans évoquer la noirceur de Mendelson et les textes de Pascal Bouaziz…

Cet aspect-là n’est pourtant pas forcément le plus saillant sur le nouvel album, l’acrimonie revenant surtout en ouverture de face B, avec le superbe Ne sois pas trop exigeant. Car à côté de ces bouffées noires et acides, La reproduction est un disque de chansons, un vrai. L’affirmation fait écho à la profession de foi parue il y a plus de dix ans sur le deuxième album de Notre-Dame sous le titre annonciateur de Chanson française. Pas de la pop, pas du rock, pas de la folk, pas de l’électro (même s’il façonne quasiment seul ses disques dans son home-studio). Non, Arnaud Fleurent-Didier n’a pas besoin d’alibi. Il assume. Il sera difficile, face à certains contradicteurs, de sauver la face en affirmant sereinement que c’est de la pop, ce fourre-tout où l’on range parfois prudemment nos préférences hexagonales. Car c’est bien de variété et de chanson que l’on cause ici, de celle que l’on boude souvent sur les blogs et les sites étiquetés "rock"… C’est normal. Arnaud Fleurent-Didier tutoie parfois les limites, le grotesque ou le kitsch, mais il se rétablit toujours grâce à une prodigieuse idée instrumentale ou grâce à une formule, une phrase renversant tête-bêche l’apparente légèreté de la forme. Pas de second degré ici, pas de connivence facile à coups de clins d'œil ou de name-dropping (du moins il ne s'en contente pas), juste une très haute idée de ce que peut (doit) être la chanson.  À savoir, pas juste un texte bien troussé (ce en quoi excellent – qu'on les aime ou non – certains de ses confrères) mais un vrai ensemble où la musique et les arrangements restent toujours au premier plan, ne sont jamais prétexte à littérature (il sera en cela toujours plus proche d'un Julien Baer que d'un Vincent Delerm).

PICT0041Tout cela paraît évident mais c’est en tout cas quelque chose de suffisamment rare pour que l’on se dise qu’Arnaud Fleurent-Didier incarne là une sorte de chaînon manquant entre Polnareff (sa tessiture de voix bien sûr, L’origine du monde évoquant  assez nettement, sur le nouvel album, Qui a tué Grand-Maman), Ferré (souvent), Mendelson (on en parlait), Gainsbourg (sporadiquement) et Michel Legrand. Et puis Jacques Demy forcément car en écoutant, sur Chansons françaises de Notre-Dame, Les Chemins de fer (une désuette histoire de départ au service militaire), on croit bel et bien voir s’agiter les marins peuplant Lola ou Les demoiselles de Rochefort.

Il y a donc un peu de tout ça dans ces trois disques, sans que jamais les références ne soient écrasantes (on ne peut le limiter à l'une d'elles, c'est toute sa force). Mais il y a aussi les trucs qui fâchent (ou, au mieux, font sourire) et que l’on ne peut taire car on sait que les détracteurs vont bientôt dégoupiller les arguments qui tuent : des choses un peu plus inattendues, donc, un peu moins nobles, un peu honteuses (ainsi, oui, j’avoue, je n’ai pu, en écoutant le début de Risotto aux courgettes – ce titre ! – m’empêcher de penser à Il était une fois...).

Assez idéalement, pourtant, les disques d’Arnaud Fleurent-Didier évoquent ce qu’aurait pu devenir la discographie d’un Michel Polnareff si celui-ci avait été fin lettré, épris de films de la Nouvelle Vague, et si le mauvais goût n’avait fini, dès la moitié des années 70, par le terrasser… Si le  deuxième disque de Notre-Dame, découvert il y a peu, lorgnait parfois, avec ses duos homme/femme, vers le Katerine première manière, force est de constater que l’écriture s’est considérablement émancipée et affinée depuis (sans parler de la voix d'AFD). Rétrospectivement, on mesure donc comme Portrait du jeune homme en artiste fut vraiment le point de basculement où le chanteur a trouvé son style propre entre humour acerbe (À l’ombre des jeunes filles en pleurs), noirceur manifeste (Vivre autrement), méta-chanson (Rock Critique, Mon disque dort) et finesse extrême dans la peinture des sentiments (Le XXIe arrondissement de Paris, Retrouvailles sans rendez-vous).

Aujourd'hui, si l’humour pince sans rire s’y installe durablement (Je vais au cinéma, My Space Oddity), si le chanteur continue assez admirablement de parler de son art, de l’écriture et de ce qui la nourrit (Reproductions, un des sommets de l’album avec son groove et sa ligne de basse imparable), la tendresse qui affleure est un peu le point faible du nouveau disque, principalement sur l’ultime morceau, Si on se dit pas tout, déclaration au père, sans doute un peu trop premier degré, un peu trop sentimentale, pour convaincre vraiment. Pas grave. Si La Reproduction n’est pas le chef-d’œuvre attendu, peu ici peuvent s’enorgueillir de jongler si habilement avec les canons d’un genre traînant force boulets et de tirer d’ingrédients  musicaux parfois triviaux les mets les plus succulents. La Reproduction n’est pas un chef-d’œuvre donc, juste un disque fabuleux, complètement à part, ailleurs, loin, très loin d'une inexistante concurrence. Et ne vous en déplaise, il se paye le luxe de nous faire aimer (à nouveau ?) la variété française...





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25 octobre 2009 7 25 /10 /octobre /2009 00:09

Il y a souvent un moment où on se lasse, où quelque chose se casse. Comme pour Zebda par le passé, le virage chanson que prit délibérément Dionysos avec l'album Monsters in Love entama doucement, progressivement, l’intérêt que je portais au groupe. Et puis il faut bien le dire aussi : si les concerts demeuraient fougueux, je commençais à me lasser de la dépense physique de Mathias Malzieu, devenue chaque soir trop prévisible. Comme chez Tim Burton, cinéaste que le leader de Dionysos vénère probablement, la patte devenait trop reconnaissable, l’univers trop singulier, les dérapages trop maîtrisés, la féérie un peu toc, le groupe finissant même par s’effacer un peu trop derrière l’univers de Joan Sfarr (illustrateur des disques et clippeur pour un temps), derrière les livres de Mathias, puis enfin, humblement, au profit des invités de La Mécanique du cœur, disque narratif contre toute attente assez convaincant malgré son casting mainstream moyennement excitant…

Quelle surprise alors, à l’écoute de Dionysos Eats Music !!!, copieux double CD d’inédits et de versions alternatives paru pour fêter les quinze ans du groupe, de constater que je suis loin d’en avoir fini avec eux.

Au fil de ces 45 titres offerts aux fans, c’est tout le spectre musical couvert par Dionysos depuis ses débuts qui s’épanouit en un ensemble paradoxalement homogène et assez cohérent. Paradoxalement, oui, car ce qui frappe le plus, c’est l’incroyable diversité de formes, d’influences et de tons abordés par le groupe. Du punk au folk en passant par la country, le hip hop et la chanson française. Et c’est cela même, cet incroyable bric à brac qu’est leur discographie qui fait bien la marque du groupe, sa signature reconnaissable entre mille.

A côté de versions live rénovant de fond en combles des morceaux que l’on aimait peu (La métamorphose de Mister Chat), de chansons revisitées en acoustique (une constante), de reprises de bon goût (Rid of Me de PJ Harvey) ou de prises alternatives souvent très instructives quant au processus créatif du groupe (voir la version d’origine piano/voix et étonnamment languissante et belle de Song For Jedi), la grande affaire de cet ensemble, ce sont bien les inédits enregistrés sur 4 pistes en 1996. Ces six morceaux passionnants, acoustiques, avec leurs instruments comme désaccordés, presque approximatifs, évoquent une sorte de dEUS dénudé des premières années. Ou encore mieux, hypothèse alléchante, des morceaux des deux premiers albums des Anversois repris par French Cowboy. Voire le Nebraska que Mathias Malzieu n’enregistrera sans doute jamais. Tout cela avec les moyens du bord, sans Steve Albini, sans John Parish, producteurs-stars qui ont croisé ensuite le chemin de Dionysos. On est, là, encore très, très loin des contes et des textes fantaisistes dans lesquels se plait Mathias Malzieu depuis quelques années, et, honnêtement, on donnerait volontiers toute La mécanique du cœur, toutes les pages de son premier roman, pour le seul Ferry Boat Shoes. D’autres titres de l’époque (en anglais pour la plupart) puis des inédits de Haïku deux ou trois ans plus tard, rappellent que Dionysos était avant tout (et est toujours, en live notamment) un foutu groupe de rock, biberonné aux Pixies et à Nirvana (le groupe de Kurt Cobain étant opportunément cité dans la dernière partie de le version live de Coccinelle ici présente), capable de convoquer The Kills pour un Old Child dont le coffret nous dévoile d'ailleurs une première version sans la voix de VV.

Enrichi de textes détaillant l’histoire de chaque morceau, de chaque version, de chaque enregistrement, Dionysos Eats Music !!! donne une idée assez nette de l’incroyable générosité du groupe., du sérieux avec lequel ce double album a été entrepris. Notre enthousiasme sera juste tempéré par les quelques inédits récemment enregistrés (La sorcière du désert, La plus heureuse des mamans du monde), moins bons malheureusement et confirmant les teintes gentiment variet’ que peuvent parfois prendre la musique et les textes de ce groupe pourtant précieux…

 

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14 octobre 2009 3 14 /10 /octobre /2009 15:46
Depuis quelques jours, quand je fais la vaisselle, un disque m’accompagne idéalement. Oh ! non, ce n’est pas se moquer que d’écrire cela. Alors que je n’attendais plus rien, mais alors vraiment plus rien, de Air, leur plaisant Love 2 est venu s’inviter plusieurs fois dans la cuisine au moment de la quotidienne et exaltante tache ménagère qui nous permet, quelques minutes durant, de pleinement profiter du disque que l’on écoute alors. Sans doute cette agréable galette (une jolie tapisserie auditive diront certains, et ils n'auront pas tort) viendra-t-elle même squatter le salon un de ces jours. Si, si, je vous assure.
J’ai l’air de plaisanter comme ça, mais le fait est que le dépit consécutif à leur piètre Pocket Symphony (Ah ! Mer du Japon, qui me rappelait tant le générique de San Ku Kai) laissait pas mal de possibilités de rabibochage entre les Versaillais et moi. Ça n’a pas loupé. En durcissant un peu leur son, en ressortant la basse au médiator chère à Herbie Flowers, en préférant les longues plages instrumentales à leur indéniable savoir-faire pop, Air se réconcilie – mollement certes mais quand même – avec ceux qui ne se sont jamais vraiment remis de 10 000 Hz Legend, leur chef-d’œuvre.
Bien sûr, Jean-Benoît chante (qui a dit zozotte ?) encore un peu trop et on se dit, pendant les chouettes singles Sing Sang Sung ou So Light is Her Footfall (et sa basse monstrueuse), que "french touch" ne devrait pas rimer avec accent anglais hésitant. Même si c'est craquant, même si c'est charmant. Heureusement, en douce, les instrumentaux ont aussi repris l’avantage (ouais !!!), et tout cela vaut mieux qu’un nouveau disque de Darkel, décevant et anecdotique side-project solo de Jean-Benoît Dunckel.
Ici, Air flirte très directement avec l’illustration sonore seventies, son génie et sa vulgarité (Tropical Disease, clin d'œil au cinéaste Apitchapong Weerasethakul et à son sublime Tropical Malady ?), et c’est souvent assez jouissif, notamment quand leurs bricolages érudits ravivent le souvenir du Soul Impressions de Janko Nilovic (Do the Joy) ou de chouettes B.O. aux intonations moriconiennes (c'est frappant bien sûr avec les guitares de Be a Bee ou de Eat my Beat).
Bref, Love 2, ce n’est pas le grand disque qu’on n’attend malheureusement plus de Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, mais une digne face B à la fantastique B.O. de Vampyros Lesbos signée Manfred Hübler et Siegfried Schwab. C’est déjà pas mal, en fait…
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16 juin 2009 2 16 /06 /juin /2009 15:52
Il est toujours particulièrement agréable, quand rien ne nous y a préparé, de découvrir, au détour d'un article, qu'un de ses groupes fétiches - un véritable compagnon de route - a sorti un nouvel album. Ainsi, juin 2009 m'offre un nouveau disque de Sparklehorse alors que je ne m'y attendais vraiment pas, me consolant de la toujours trop longue absence de Mark Linkous dans les douces mélodies du Delano Orchestra. Un nouveau Sparklehorse, donc... Enfin, pas tout à fait... Un disque de Sparklehorse et du producteur Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz...) accompagné d'un livre de visuels de David Lynch et agrémenté d'une floppée d'invités. Un projet se déclinant aussi en installation, bientôt à Los Angeles.
On se méfie des disques collectifs déroulant leur carnet d'adresses avec arrogance, mais vous conviendrez, si vous l'avez vu sur scène, que l'arrogance n'est pas vraiment le terme le plus à même de qualifier le fragile et délicat Mark Linkous. Alors, voilà, malgré la présence d'un rescapé de Grandaddy, malgré les Flaming Lips, Iggy Pop, Frank Black, les chanteurs de The Shins ou des Strokes, Suzanne Vega, Vic Chesnutt ou Nina Persson, c'est bel et bien à un nouvel album de Sparklehorse que l'on a affaire sur la majorité des plages. La plupart des titres auraient pu trouver leur place sur un successeur de Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain (produit, justement, par Danger Mouse). Et si les apparitions de Frank Black, d'Iggy Pop et de Julian Casabancas convainquent moins, c'est justement parce qu'elles dénotent un peu trop par rapport aux tonalités habituelles de Sparklehorse, parce que la greffe (évidemment parfaite pour Wayne Coyne ou Jason Lytle) prend avec eux un peu moins bien...
Précisons qu'un litige entre Danger Mouse et EMI empêche la sortie physique de l'album. Dark Night of the Soul est donc pour l'heure, et sans doute pour toujours, un livre de David Lynch vendu avec un CD vierge sur lequel l'album, téléchargeable gratuitement un peu partout, pourra être gravé... Cruel paradoxe pour le disque de Mark Linkous qui, vertu du net, sera sans doute le plus écouté mais le moins rétributeur...

Album disponible ici.

Lire aussi ici et .
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31 mars 2009 2 31 /03 /mars /2009 17:49
On ne se remet jamais tout à fait d’avoir découvert les Yeah Yeah Yeahs au Trabendo, le 6 avril 2002, à l’époque de leur premier EP. Ce soir-là, on était venu voir le Jon Spencer Blues Explosion, mais c’est subjugué par Karen O, furie de première partie, qu’on était reparti. Dès lors, on ne dirait plus jamais que les premières parties nous gavent, mais qu’elles peuvent au contraire nous offrir les plus belles surprises. C’est rare, mais ce soir-là, ce fut inespéré. Je n’avais pas entendu parler des Yeah Yeah Yeahs, rien n’avait "fuité" en France, il n’y avait pas tant de blogs musicaux, je ne téléchargeais pas encore, c’était une vraie découverte.
Non, vraiment, Russell Simins, Judah Bauer et Jon Spencer auraient pu se faire porter pâles qu’on ne leur en aurait même pas voulu.
Le lendemain, donc, encore tout estourbi, on trouve au rayon import du Virgin des Champs-Élysées le fameux EP. Cinq titres déments pour un groupe dont le premier vrai album (Fever to Tell) viendra, un an plus tard, confirmer la passion qu’on lui porte. À ce moment-là, dans nos têtes, l’équation est simple. Il y a eu Patti Smith, PJ Harvey. Il y a désormais Karen O. Les Yeah Yeah Yeahs m’ont alors tellement stupéfait que, par la suite, quand ils viennent jouer Show Your Bones en mai 2006, je fais même un aller-retour Cannes-Paris, en plein festival, pour ne pas rater leur passage à l’Elysée Montmartre. Il y a des groupes, comme ça, dont on a l’impression qu’ils sont "à nous", qu’on ne peut plus les rater. Vraiment n’importe quoi, vous dis-je.
Trois tee-shirts plus tard (un noir, un blanc, un vert), quelques miettes de fond de tiroir pour faire patienter (Is Is EP), et voici que déboule enfin le troisième album, It’s Blitz. J’ai parfois l’impression qu’il n’y a que moi qui l’attends. Même si on a beaucoup parlé d’eux entre 2002 et 2004, même si Fever to Tell fut considéré comme le meilleur album de 2003 par le New York Times, les Yeah Yeah Yeahs demeurent un groupe assez sous-estimé. En France en tout cas. Et, avec le disgracieux It’s Blitz, cela ne risque guère de changer. Je crois surtout que quiconque n’a jamais vu Karen O, Nick Zinner et Brian Chase sur scène ne peut comprendre l’engouement et l'émoi que ce trio de grande classe a pu provoquer chez quelques-uns.
It’s Blitz, donc, est déconcertant. Pour le moins. Moins de guitares, plus de claviers, des sonorités eighties dialoguant, à distance, avec celles que Franz Ferdinand a privilégié pour son excellent et autrement réussi Tonight. À lire les quelques chroniques qui accueillent ce disque ces jours-ci, on dirait que les Yeah Yeah Yeahs sont un peu devenus l’ambulance sur laquelle les blogueurs et chroniqueurs de bon goût vont se faire un plaisir de tirer. Comme si les Yeah Yeah Yeahs devaient payer aujourd’hui le fait d’avoir tant incarné la "hype", le renouveau de la scène rock new-yorkaise au début du XXIe siècle. En s’acoquinant avec Dave Sitek de TV on the Radio, pourtant un complice de longue date, les Yeah Yeah Yeahs pactisent avec la personnalité la plus emblématique de l’Ennemi nouvellement désigné ici et là : le producteur. C’est peut-être le gros handicap de cet album. Si Dave Sitek est l’orfèvre maniaque derrière le son des puissants TVOTR, c’est aussi le metteur en sons qui habilla le très mauvais disque de Scarlett Johansson l'an dernier, révélant par là-même tous ses trucs, tous ses gimmicks, comme aucun prestidigitateur ne devrait jamais le faire. Alors, si depuis des années les allers-retours entre YYY et TVOTR sont pourtant incessants (les clips des uns réalisés par les autres, des participations croisées aux albums des autres), le mariage peut paraître contre-nature tant ce qui plut d’abord chez les Yeah Yeah Yeahs fut leur son rêche, dépouillé et punk.
Pourtant, la tentation pop et le penchant coupable pour la joliesse étaient là depuis le début, nichés derrière les assauts soniques et les feulements de Karen O. Même Arcade Fire a repris Maps, c’est dire… Eu égard à ce qui précéda, It’s Blitz est ainsi relativement cohérent, pas si différent, malgré ses accents électros, ses claviers soudain mis au premier plan, son goût pour les ballades éthérées mettant en avant le chant de Karen O (voir ainsi les belles versions acoustiques en bonus du nouvel album).
Quand j’ai découvert Zero, le nouveau single, je me suis dit "Et merde !". Et bizarrement, en y revenant, passée la surprise, j’ai adoré ce morceau. Alors, oui, les Yeah Yeah Yeahs évoluent. Objectivement, c’est sans doute moins bien qu’avant, mais le mec qui, ce soir d’avril 2002, s’est pris ce trio de plein fouet et en plein cœur ne peut décemment écrire que cet album est mauvais. Commercial, ok, mauvais, non…

Voir le clip de Zero : ici

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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 21:41

A Mains d’œuvres (Saint-Ouen) la semaine dernière, on le pressentait confusément. L’énergie était déjà là, écrasante, alors que beaucoup découvraient seulement les morceaux. Les poings se levaient. Déjà, les refrains de Purger ma peine ou de Maintenant montaient aux lèvres de l’assistance. Début de tournée… Zone libre, Casey, Hamé… La résistance s’organise… L’écoute de L’angle mort, l’album sorti lundi, le confirme. En joignant leurs forces – entre rap et rock noise – le flow impressionnant de l’une et la plume acérée de l’autre trouvent l’écrin idéal dans les distorsions ouvragées par les trois artificiers de Zone libre, groupe jusqu’alors exclusivement instrumental. Contre les guitares de Serge Teyssot-Gay et de Marc Sens, s’appuyant sur les rythmiques de Cyril Bilbeaud, les mots du leader de La Rumeur et ceux de Casey ricochent, haranguent, interpellent, réinventent l’urgence et l’engagement au gré de neuf titres dont les refrains s’imposent souvent – déjà – tel des hymnes pour les luttes à venir. Les mots, Teyssot-Gay (guitariste de Noir désir, faut-il le rappeler ?) les aime, lui qui adaptait les récits de captivité de Georges Hyvernaud pour son bel album On croit qu’on en est sorti. Les mots, ceux de Lydie Salvayre, déjà Marc Sens et Serge Teyssot-Gay leur offraient leurs guitares, leurs samplers, en contrepoint, dans les formidables livres/disques Dis pas ça et Contre (tous deux parus aux Editions Verticales)… Aujourd’hui, après un premier album que l'on écoutait il y a deux ans comme une possible réponse  aux maelströms soniques de Godspeed You Black Emperor !, ce sont les maux de la banlieue, de l’exclusion et des préjugés qu’ils accompagnent…

Dans L’angle mort, Hamé et Casey chantent séparément, parfois ensemble, mais d’une seule voix toujours. Neuf morceaux durant, Zone libre – indispensable ingrédient pour faire monter la sauce – leur dispense, à grand renfort de riffs et de larsens, cette aire de rage en laquelle elle et lui peuvent s’ébattre (se battre). Et de cette rencontre entre le chant plutôt posé de Hamé et la scansion beaucoup plus funky de Casey surgissent de belles collisions, joutes enfiévrées stimulantes, entraînantes, résonnant comme en écho à ces deux guitares maltraitées jusqu’au vertige.

Sur son album solo, Distorted Vision, sorti en 2008, Marc Sens reprenait, aux guitares, le thème minimaliste d’Assaut, le chef-d’œuvre de John Carpenter. Une passionnante réappropriation de la part d’un musicien que l’on devinait nourri de cinéma de genre (entendre les atmosphères oppressantes qu’il sculptait ou encore les titres évocateurs de ses morceaux – Samouraï, Giallo, Piège – pour s’en convaincre). En écoutant E.L.S.A., chanson de combat sur les drones qui sillonnent les cieux du 9-3, en entendant les appels à la révolte martelés par Hamé, le parallèle s’avère évident, la colère ici brandie évoquant par moments les œuvres les plus virulentes du réalisateur de They Live. Le tout-sécuritaire est là, on le sait, on le déplore. Et le rock reste – pour combien de temps encore ? (demandez à Hamé en butte aux poursuites du Ministère de l’intérieur depuis trop d’années) – cette utopique zone libre que ces cinq-là ont choisi d’organiser en bastion… De John Carpenter à Jean-François Richet (auteur d’un estimable remake d’Assaut, justement), on pense souvent, dans L’angle mort, au fond insurrectionnel de MA6T va cracker, film fondateur dont certaines paroles ravivent ici le souvenir…

On allait voir L’angle mort en concert pour Zone libre, et c’est armé d’une rage salutaire qu’on en est ressorti. Comme si, à travers la confrontation avec ces trois musiciens, le rap se réinventait une jeunesse. Bien loin des clichés, abattant les frontières, retrouvant fougue et nécessité au contact de l’électricité. Tellement plus mordant, au fond, que Joeystarr intégrant, dans son disque solo, de timides guitares, avant d'empocher l'an dernier les euros des trentenaires nostalgiques du plus grand groupe de rap français des années 90. D’emblée, avec L’angle mort, le mélange sonne juste, naturel, évident, et l’on ne sait plus trop si ce sont les musiques et les arrangements qui ont inspiré Hamé et Casey pour leurs textes ou l’inverse. Alors, force est de constater que si Zone libre paraissait sur scène un brin en retrait (normal dès lors qu’il y a des chanteurs que l’attention se porte sur eux), ce disque aussi humble qu’ambitieux est bien celui – adulte, accessible, malpoli et citoyen – que l’on n’attendait plus vraiment du rock français.




Site officiel : http://langlemort.la-rumeur.com/
Assault on Precinct 13
par Marc Sens à écouter par là : http://www.myspace.com/marcsens


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