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10 février 2007 6 10 /02 /février /2007 11:37

 

Dès l'entame, qui n'est peut-être qu'une fin ("If today was tomorrow"), un personnage inquiétant, comme échappé de Lost Highway, déclare "chercher un accès". On ne saurait mieux dire. Car à la vision d'Inland Empire de David Lynch, il y a cette impression inédite d'avoir trouvé l'accès, d'ouvrir la porte d'un pays du Cinéma jusqu'alors inexploré et où il est à la fois déconcertant et fascinant de s'aventurer.

Replis, envers, recoins. Les seuils à franchir, les dimensions parallèles, les brouillages de l'espace et du temps sont justement au coeur d'un film dont la texture formelle hybride vient attaquer nos habitudes, pervertir les codes du bon goût et brouiller la cartographie qu'on avait jusqu'alors dressé avec peine du paysage "lynchien". Dépasser Mullholland Drive paraissait inenvisageable. Inland Empire réalise l'impossible et part encore ailleurs, tout en restant dans le prolongement de la trilogie entamée avec Twin Peaks, Fire Walk With Me...

S'il fallait chercher un équivalent à cette expérience de spectateur incroyablement stimulante, ce serait une émotion de lecteur, celle ressentie il y a quelques années à la lecture du livre-vertige de Mark Z. Danielewski, La Maison des feuilles. Des espaces qui se retournent, qui communiquent dans une paradoxale logique, le refus de la linéarité, la remise en cause du repère-personnage pour privilégier abstraction, émotions, intuitions et affects. Deux oeuvres/mondes, croisant les disciplines artistiques, où l'on n'a pas fini de se perdre...

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8 février 2007 4 08 /02 /février /2007 00:31
Coffee and Cigarettes

De Jim Jarmusch

 

Coffee and Cigarettes, quand il est sorti, n'était pas tout à fait un nouveau film puisque certains des sketches le composant avaient déjà été montrés quelques années auparavant en festivals. Pourtant, même si Jim Jarmusch y avait rassemblé des courts métrages réalisés à différentes époques autour d’un même principe (deux personnages, autour d’une table, dans un café), le film sortant en salles frappait avant tout par son caractère parfaitement homogène.

Loin de l’assemblage hétéroclite, Coffee and Cigarettes s’impose ainsi en projet mûrement réfléchi, une sorte de long métrage pensé, séquence après séquence, sur le long terme. Cet opus n’est donc pas un film à sketches comme l’était Night on Earth, ni un simple programme de courts. Ici, les différents films – certains connus, la plupart inédits – se fondent dans une nouvelle norme de durée et leur nature initiale d’œuvres brèves s’atténue doucement. C’est cette transformation de plusieurs courts en une seule oeuvre qui surprend, car ces sketches prennent bien tout leur sens une fois assemblés les uns aux autres, le dispositif exhibé ici dans sa répétition finissant même par bonifier des segments parfois anecdotiques dans leur unicité. D’un sketch à l’autre, des rimes visuelles (les plans en plongée sur les tables) ou sonores (une phrase réutilisée telle quelle dans la bouche d’un autre personnage) créent une discrète cohérence, les propos échangés dans ces cafés rebondissant d’un duo à l’autre, d’un lieu à l’autre, en parfaites discussions de bistrots.

Dans Coffee and Cigarettes, la « Jarmusch’s touch » est plus que présente, relayée par des acteurs complices croisés ailleurs et par des chefs opérateurs (Frederick Elmes, Robby Müller, non des moindres) sculptant un noir et blanc superbe. Jarmusch profite surtout de la simplicité de son dispositif pour laisser le champ libre aux comédiens et aux mots. Les saynètes filmées dans Coffee and Cigarettes frappent par leur tonalité dérisoire (des discussions de bistrot, disions-nous) tout en conservant, en filigrane, cette mélancolie dont ne s’est jamais déparé son cinéma. Très drôle aussi, ce film est un festival de répliques absurdes et de vacheries larvées (mention spéciale au sketch savoureux mettant en scène Iggy Pop et Tom Waits dans leurs propres rôles). C’est bien la première fois qu’un film de Jarmusch fait autant rire, les rencontres improbables qu’il met en scène (Bill Murray et le Wu-Tang Clan ; la lisse Cate Blanchett et son double dépravé ; Alfred Molina et Steve Coogan) redoublant le plaisir d’un film qui profite, il est vrai, beaucoup du riche carnet d’adresses du cinéaste new yorkais.

Par ailleurs, si le film est dédié à Joe Strummer, leader des Clash décédé en 2002, son côté ouvertement rock, loin d’être gratuit, témoigne aussi de la passion du réalisateur pour une musique qu'il connaît bien. Prenant autant de plaisir à filmer Jack et Meg White écoutant le Down on the Street des Stooges qu’à laisser Steve Buscemi énoncer sa théorie du jumeau maléfique d’Elvis, le film dresse des ponts entre plusieurs figures d’une culture populaire dans laquelle s’ancre tout le cinéma de Jarmusch. Coffee and Cigarettes, du coup, pourrait très bien être lu comme le titre de l’abum que le cinéaste n’a pas enregistré. Un disque de producteur, un disque de reprises où des duos invités rejouent chacun à leur manière une même chanson. Sur cet album imaginaire, on se plait à penser que chaque sketch serait un nouveau morceau, ou plutôt une variation sur un même thème. Et si les arrangements et les musiciens changent, au fond, tournant dans le juke-box, c’est toujours le même vieux blues, s’appuyant sur trois accords basiques : le café, les cigarettes, le noir et blanc.

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12 janvier 2007 5 12 /01 /janvier /2007 22:36

Annoncé par l’album Idlewild, le film éponyme, sorti discrètement ce mercredi, s’avère une cruelle déception, décidément pas à la hauteur des chansons composées pour l’occasion par Outkast.

Terriblement ennuyeux, Idlewild n’est pas la comédie musicale attendue. C’est plutôt un film de gangsters rétro dans lequel se glissent quelques numéros musicaux, quelques chansons du duo. Nuance. Les séquences chantées – plus ou moins réussies d’ailleurs – s’intègrent à la narration simplement parce que le personnage incarné par Big Boi est propriétaire d’un cabaret dans lequel il est lui-même l’attraction principale et où André 3000, autre moitié du duo, joue du piano… D’utilité dramatique, les séquences chantées n’en ont aucune, elles paraissent tout simplement plaquées sur un scénario convenu qui n’a même pas besoin d’elles. On sent finalement le réalisateur Bryan Barber très mal à l’aise avec le genre, ne sachant trop quoi filmer, et entrecoupant presque systématiquement les séquences chantées/dansées de courts inserts dramatiques recentrant sur l’action. Pas de place, ici, pour que les morceaux existent, pour que la danse prenne l’ascendant sur le reste. On a l’impression à l’entame de chaque chanson qu’il faut en finir au plus vite. Et ne parlons pas de cette scène grotesque de poursuite automobile rythmée par une chanson du duo et où le réalisateur n’arrive même pas à décider si Big Boi, au volant, doit faire mine de chanter ou se taire. Du coup, dans un plan il chante, dans l’autre non. C’est absurde. Pour toutes ces raisons, Idlewild est une très mauvaise comédie musicale.

Par contre, le film, par la bande, dit beaucoup de choses sur ce duo qui au fond n’en est plus un. Depuis Speakerboxxx / The Love Below, Big Boi et André 3000 travaillent séparément. Ce double album extraordinaire était en fait composé de deux albums solos, chacun réalisé par l’une des deux moitiés du duo. L’exercice fut probant. Il l’est moins dans le cadre d’un long métrage. Ici, les deux comparses n’ont que deux scènes ensemble. Le reste du film ne cesse de les suivre en parallèle, abusant du montage alterné et de rimes visuelles reliant artificiellement les séquences d’André 3000 à celles de Big Boi. Ils ne chantent pas ensemble, ne jouent pas ensemble. Pour un peu, on pourrait dire qu’ils ne figurent pas dans le même film. A André 3000 la comédie romantique. A Big Boi le film de gangsters. Et tout cela, finalement, communique très peu puisque chacun dans son coin joue sa partition.

Pourtant, il faut voir le poids symbolique des deux séquences qu’ils ont en commun. La première les met en scène devant une tombe (celle du groupe Outkast ?). La seconde, vers la fin du film, explicite clairement que le duo est arrivé à un tournant : Big Boi y encourage André 3000 à quitter le club qu’il dirige et à tenter sa chance en solo, à Chicago. Pas difficile de lire entre les lignes, d’autant que les incursions de André Benjamin au cinéma ces dernières années nous avaient mis déjà sur la voie d’une possible reconversion… Alors, Outkast survivra-t-il à Idlewild ? Pas sûr.

On se consolera en revoyant le clip jubilatoire et déjà fort rétro de Hey Ya, réalisé en 2003 par un Bryan Barber alors un peu plus à l’aise…


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6 janvier 2007 6 06 /01 /janvier /2007 11:30

Qu'est-ce qu'un film rock ? (suite)

Mods de Serge Bozon - dont je parlais dans Bref en 2003 - pourrait, à sa manière très singulière, apporter quelques éléments de réponse...

59 minutes, à peine une heure, cela pourrait être la durée d'un double vinyle si l'on était encore à l'orée des années 70 (le film se déroule en 66-67) et si l’on sacrifiait le format de la chanson de deux minutes au long cours d’un album complet. C'est en tous cas la durée atypique qu’a choisi Serge Bozon, pilier de « La Lettre du cinéma », pour son deuxième film après L'amitié.

D’un abord intimidant (un rien hautain, à l’image des personnages principaux, deux jeunes militaires butés en visite sur un campus pour secourir leur frère atteint d’une mystérieuse maladie) et s’il pourra en agacer certains par son dandysme revendiqué, Mods est pourtant un film plaisamment futile où l’exhibition de précieuses influences sixties participent pleinement du bonheur que l’on prend à le voir. Comme le suggère déjà son titre référentiel, Mods est un film résultant, dans sa structure et son rythme, d’une véritable approche musicale du récit, et qui, tout naturellement, nous invite à l’appréhender sous cet angle précis. C’est aussi, soulignons-le, une de ces œuvres où des extraits musicaux scrupuleusement choisis n'obéissent pas à une logique « juke-box » de simple empilement mais s’affichent, plutôt, comme des objets fétichisés que l'on devine longuement choyés par un cinéaste livrant avec eux une bonne part de lui-même.
Mods, pourtant, s'il est bien un film musical, n'est pas une comédie musicale (on y danse parfois mais on n'y chante pas ; la musique, hors champ, n'est jamais motivée par un contexte). Et Mods n'est surtout pas un film « mode » : la référence à ces jeunes prolétaires anglais tirés à quatre épingles qui s'opposaient violemment aux rockers dans le soin porté à leur apparence et dans leur goût pour le rythm’n’blues et la soul music américaine prend à contre-pied tant ce courant immortalisé par Pete Townshend avec Quadrophenia (le disque en 73, puis le film en 79) reste, si l’on s’en tient à la musique, en marge du revival rock dont se gargarise la presse spécialisée ces temps-ci. L'aspect décalé et déstabilisant du film de Bozon vient en partie de là, de l'étrangeté qu'il y a à le voir ressusciter par la bande mais avec opiniâtreté un tel courant sans qu’on puisse non plus le soupçonner d’être dupe du caractère profondément nostalgique de sa démarche. De manière significative, les quatre mods qui interviennent ponctuellement comme une sorte de chœur antique commentant l'action sont presque toujours – du moins dans la première partie du film – saisis en plans fixes, dans des postures savamment étudiées, comme des icônes arrachées à un passé immortalisé par de nombreuses photos et témoignages. Pourtant, Mods ne ressemble pas à un film singeant les années 60, mais bien – hypothèse – à une œuvre incroyablement moderne qui aurait traversé telle quelle trois décennies pour parvenir sur les écrans aujourd'hui.

Mods est maniéré mais pas maniériste. Si le rythme du film, son découpage en couplets-refrain à la simplicité typiquement « pop », se lit assez facilement, l'aisance avec laquelle Bozon et sa scénariste Axelle Roppert parviennent à restituer l’esprit d’une période fantasmée est assez miraculeuse. Spectateur en 2003 de ce film supposé se dérouler plus de trente ans auparavant, on en accepte très vite les conventions sans jamais avoir l'impression de se retrouver face à un film d'époque ou face à un film en costumes. C’est que l'action de Mods se situe en fait dans une sorte de bulle, un cadre intemporel qui est tout bonnement celui de la chanson populaire et de son cortège de doutes et d’amours déçus.

Pour filer la métaphore musicale, ce film progresse comme un disque rayé (des situations qui se répètent, l’apparent sur-place de la narration) et pourrait – avec ses reprises, ses ponts, ses effets de réverbération et ses solos – s'apparenter à un long morceau s'étirant sur une heure (jeu sur les voix et les intonations, répliques redites mot pour mot à quelques séquences d'intervalle par un autre personnage que celui qui les a prononcées la première fois). Mais il traduit aussi à sa manière le contenu dérisoire de bien des chansons, la toile de fond du film – la maladie qui gagne par contagion le campus, ce mal métaphysique qui plonge dans le désarroi son lunaire médecin – n'étant rien d'autre qu'un spleen adolescent consécutif à une peine de cœur.  Face à cet événement que tout le monde cherche à décrypter, l’humour distancié des dialogues combiné au sérieux de l’ensemble des personnages apporte un décalage salutaire à un film dans lequel l'acteur Bozon, sorte de Droopy neurasthénique se pensant vacciné contre le sentimentalisme (« Il n'y a vraiment que des chochottes ici », dira-t-il avec dédain), n'est pas le dernier à s’illustrer.

Mods procède d'une greffe étrange entre le burlesque, la danse et un humour délicieusement absurde. Les séquences chorégraphiées très peu découpées, ne cédant jamais aux facilités du genre et jouant tantôt sur un effet de répétition proprement fascinant, tantôt sur la feinte difficulté des danseurs à assumer un corps aux prises avec la musique (cette scène très belle où les deux héros dansent en pyjama dans la chambre de leur frère), orientent le film vers une étrangeté rarement de mise dans le film musical. Derrière ces chorégraphies minimales et souvent mécaniques, rencontre troublante entre le spectacle vivant et le cinéma, couve une passion, une tension que le cinéaste, surtout intéressé par l’incompréhension de ses deux militaires pour le petit monde étudiant qui les entoure, prend un malin plaisir à ne pas filmer. Jusqu’au tout dernier numéro musical, le seul qui soit directement narratif puisqu'il explique et condense en deux minutes de temps une histoire d'amour, son firmament et son échec, soit la raison pour laquelle le mystérieux Edouard s'est réfugié dans le mutisme. Avec cette scène le mystère se dissipe et la vie, sur le campus, peut reprendre son cours normal. Décidément, derrière le foisonnement de ses arrangements et sa structure très élaborée, Mods est bien, comme on le pressentait, un film futile. Et probablement fier de l’être.

S.K.

(texte initialement publié dans Bref n°57, été 2003)

 http://www.brefmagazine.com/index.html

 

Acheter le dvd de Mods (ici)

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14 décembre 2006 4 14 /12 /décembre /2006 10:55
Qu'est-ce qu'un film-rock ? Il y a sans doute autant de réponses que de sous-genres contenus dans ce courant musical. À en croire chaque mois la rubrique cinéma de Rock & Folk, les films-rock seraient souvent des trucs un peu beaufs, très masculins, des films de genre souvent. Manière plutôt étriquée d'envisager le cinéma (et principal point faible d'un excellent magazine, juste à côté de son penchant insistant pour une nouvelle scène rock parisienne).
Faute de temps, revenons donc aujourd'hui sur deux textes déjà publiés par ailleurs et consacrés à deux films qui, à leur manière, répondent chacun à mon interrogation liminaire. Deux œuvres fort différentes qui dialoguent pourtant à plusieurs décennies d'intervalle en interrogeant très précisément le processus de création d'un morceau musical.


ONE + ONE (Sympathy for the Devil) de Jean-Luc Godard
(texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma à l'occasion de la sortie du film en dvd)

Evénementielle, la sortie en dvd du rare One + One l’est assurément. À l’heure où les Rolling Stones s’apprêtent à investir une énième fois les stades du monde entier, les (re)découvrir filmés en studio en 1968 permet de remettre certaines choses en perspective. Derrière la légende et les tubes, les Stones furent d’abord un groupe au travail. C’est ce que su capter Godard en filmant l’enregistrement laborieux de Sympathy for the Devil lors des sessions de l’album Beggars Banquet. On y voit des musiciens hésitants, faisant des fausses notes, tâtonnant, Charlie Watts à contretemps à un moment crucial. Si One + One dévoile bien la genèse d’une chanson, il ne cède jamais à l’efficacité et se plait au contraire à privilégier ce que l’on ne montre pas normalement : les moments de doute, les plantages. Il est d’ailleurs significatif que l’objet de la dispute entre Godard et ses producteurs, à l’issue du tournage, ait résidé dans la réticence du cinéaste à intégrer au film la version définitive de la chanson.
Les images de l’enregistrement sont parsemées de séquences parasites dévoilant le projet du cinéaste : se saisir de l’image d’un groupe de rock emblématique pour illustrer, en une série de collages « pop », les bouleversements sociaux à l’œuvre à l’époque et les utopies révolutionnaires de la période (Beggars Banquet est aussi l’album sur lequel figure la chanson opportunément titrée Street Fighting Man). Le fan des Rolling Stones ne s’y retrouvera pas forcément tant le film avance tiraillé entre cette « Godard’s Touch » et la puissance d’images documentaires exceptionnelles. Tout sauf hagiographique, One + One dévoile les coulisses, le cheminement qui aboutit à un chef-d’œuvre en le replaçant, par le biais de la métaphore et du film militant, dans un bouillonnant contexte politique. Peu probable, aujourd’hui que les Stones se laisseraient filmer d’une telle manière, qu’ils se laisseraient ainsi instrumentaliser. Toujours est-il que One + One demeure un prodigieux document musical où l’on entend naître les riffs du solo à venir alors que Keith Richards gratte négligemment sa guitare durant une pause, un film où les « alternate takes » pleuvent, et où le morceau se (re)construit véritablement sous nos yeux. Impossible, pour le spectateur contemporain, de ne pas penser à la série de dvd « Classic Albums » revenant sur l’enregistrement des plus grands disques de l’histoire du rock. Mais quand ces précieux documentaires se contentent le plus souvent - faute d’images d’archives - de replacer des artistes ou des producteurs aux cheveux blanchis devant la console pour nous faire écouter les bandes de l’époque, One + One nous offre le privilège d’être dans le studio, d’épier le groupe dans son intimité, saisi aux heures même de l’enregistrement d’un morceau phare. A posteriori - car là n’était pas le but de Godard - ce fantasme de fan, One + One le réalise véritablement.
Les longs travellings dans le studio d’enregistrement, les moments de latence entre les prises (peut-être les meilleures scènes du film), dévoilent aussi la place de chacun dans le processus créatif. L’implicite passage de flambeau entre Brian Jones et Keith Richard y est manifeste, le blond guitariste, singulièrement absent, se contentant de parties rythmiques quasiment inaudibles tandis que Richards prend littéralement les choses en main, imprimant à tous moments sa marque sur le morceau (on le voit aussi à de nombreuses reprises jouer de la basse, le pauvre Bill Wyman, déjà si nonchalant, se contentant des percussions). Revanche du guitariste le moins doué des deux tandis que l’autre, déjà bouffi par les abus de drogue et d’alcool, sera bientôt évincé du groupe et mourra dans des circonstances mystérieuses quelques mois plus tard...
Le dvd, agrémenté dans ses suppléments des érudits commentaires de Jean Douchet et Christophe Conte ainsi que d’un portrait de Godard réalisé à l’époque du tournage, nous éclaire aussi sur les différences entre deux versions du film heureusement visibles sur le même disque : One + One (celle de Godard) et Sympathy for the Devil (qui fut remontée à son insu par les producteurs). Deux films en un, donc (jaquette du dvd à l’avenant), et une belle ironie du sort puisque rarement une œuvre aura autant mérité son titre d’origine.



LES INVISIBLES de Thierry Jousse
(texte initialement publié dans Bref, le magazine du court métrage)

Le film s’ouvre sur un prodigieux vertige. En quelques secondes, plusieurs couches sonores se juxtaposent en un fascinant maelström de voix s’interpellant sur un réseau téléphonique. L’une d’elles sera au cœur de ce film travaillant la matière sonore comme l’ont fait avant lui Conversation secrète de Coppola ou Blow Out de De Palma.
Le jour de Noël, premier court métrage de Thierry Jousse, mettait en scène un guitariste : la voix – et par extension le chant – n’était pas encore au centre des débats. En témoignait la première séquence où Noël Akchoté ne cessait d’interrompre la ballade de sa compagne par l’intrusion brutale de sonorités extérieures (la radio) ou d’accords dissonants joués à la guitare ou au piano. Deux ans plus tard, la voix d’une chanteuse perçait dans la deuxième partie de Nom de code : Sacha, le second film de Jousse, via le timbre délicat de Margot Abascal, avant que la parole, plutôt que le chant, ne se déploie ensuite avec les intonations si particulières du dialogue à deux voix de Julia et les hommes. (1) Dans Les invisibles, première incursion du cinéaste dans le long métrage, tout part d’une voix entendue au téléphone. Mais si Katerine filmait Sacha avec sa DV, Bruno (qu'interprète Laurent Lucas), musicien triturant les sons prélevés dans son environnement pour les retraiter en musique électronique, préfère à l’image de Lisa sa voix numérisée sur MD. D’un film à l’autre, et bien que la femme aimée y soit interprétée par la même actrice, le rapport s’inverse en un effet miroir saisissant. Car si le court s’achevait sur une chanson interprétée par Margot Abascal, la voix de celle-ci point dans Les Invisibles dès les premières secondes.
La ligne téléphonique - ici, le réseau permettant des rencontres - est le lieu d’où jaillit la fiction. La conversation orale démultipliée par le nombre d’esseulés connectés a l’intérêt d’ouvrir, d’un point de vue sonore, sur un véritable vertige, sur un imaginaire sexuel tout autre que celui, plus contemporain, lié à la rencontre sur Internet. Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? À cet envers du miroir, tapi dans l’ombre du réseau, Bruno ouvre un accès en confiant son numéro. Alors, quand Lisa le rappelle et lui (or)donne son premier rendez-vous, s’ouvre la brèche entre les deux mondes. Leurs rencontres auront lieu dans cette « interzone » que symbolise la chambre d’hôtel, un espace comme en marge du défilement du film, ainsi qu’en témoigne poétiquement la plongée dans l’obscurité qui y est systématiquement associée et la mise entre parenthèses de tout autre enjeu dramatique (l’enregistrement du disque de Bruno notamment).
En Sacha, Margot Abascal était d’abord une présence physique (son numéro de strip-tease filmé sans faux-semblants). Dans Les Invisibles, elle est une voix. Aux étreintes rythmant leurs rendez-vous se superpose pour Bruno un autre enjeu : enregistrer ses mots, ses soupirs, pour les sampler et les intégrer au morceau qu’il compose. (2) Lisa, au contraire de Sacha, se dérobe à la lumière. On ne peut que l’imaginer. Jusqu’à ce que, en un clin d’œil assumé à Eurydice, elle disparaisse du film parce que Bruno a enfin vu son visage. Alors survient une étrange disjonction narrative. Le disque se raye, saute, et le film déraille, empruntant soudain une direction moins convaincante. Jousse y sample à son tour des thèmes empruntés à Lynch ou Cocteau pour une digression fantasmagorique que les propos tenus par un étrange concierge mélomane – Michaël Lonsdale, très drôle – éclairent rétrospectivement (« Je préfère rêver en écoutant la musique que cauchemarder en essayant de la composer »). Dans la dernière scène, sa quête amoureuse vaguement résolue, Bruno enregistrera finalement ce morceau autour duquel il n’avait cessé de tourner. Là était sans doute le vrai sujet des Invisibles. Et plus qu’à Lynch ou Coppola, c’est alors à One + One de Godard, le plus beau film qui soit sur l’enregistrement d’une chanson, que l’on pense.
On retrouve, dans l’appétit de cinéma se manifestant ici par un souci de filmer beaucoup de choses à la fois, ce qu’on a aimé à la lecture de l’auteur dans Les Cahiers du cinéma. S’il échoue dans certaines de ces tentatives, la précision avec laquelle Jousse dépeint le milieu du disque, de bien belles idées de mise en scène et le jeu invariablement excellent d’un Laurent Lucas plus que crédible font de ce premier long aux maladresses attachantes un film assez remarquable.

 
(1) De discrètes rimes sonores relient les films. Lisa, la « femme-mystère » se fait aussi appeler Sacha (du nom du personnage joué par Margot Abascal dans le deuxième court de Jousse). La chanson à l’eau de rose provoquant la colère de Bruno à la réception de l’hôtel est interprétée par Katerine, etc.
(2) Il est amusant de constater que l’étrange court réalisé par Margot Abascal en 2002, La voix de Luna, mettait en scène une chanteuse ayant perdu sa voix, tandis que la réalisatrice y apparaissait, pour une courte séquence, dans le rôle d’une muette.

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9 novembre 2006 4 09 /11 /novembre /2006 00:02

Plus encore qu'avec ses propres films ou avec ceux d'Hitchcock, Brian de Palma continue, dans Le Dahlia noir, de dialoguer avec le cinéma de Dario Argento... Ci-dessous, quelques associations qu'encourage l'ultime tiers, bouillonnant, de son dernier film...


Mal voir / Re-voir


Les frissons de l'angoisse de Dario Argento - Snake Eyes et Le Dahlia noir de Brian de Palma

Une scène fondatrice que l'on croit avoir vue et qu'il faut revoir, analyser, pour comprendre ce qui s'y est joué...

La vérité dans le tableau

 

Les frissons de l'angoisse de Dario Argento

Comme dans le film d'Argento, la vérité éclate, dans Le Dahlia noir, dans la deuxième vision d'un visage difforme représenté sur un tableau : celui de Gwynplaine, l'Homme qui rit de Hugo. Comme dans Les frissons de l'angoisse, aussi, la meurtrière est une femme qui meurt sitôt son forfait révélé... Comme dans Les frissons de l'angoisse, enfin, les indices sont trouvés dans un lieu oublié et condamé : derrière un mur chez Argento, dans une cabane abandonnée chez de Palma...


Défigurations


D'un de Palma l'autre : Phantom contre fantôme

William Finley, fidèle de de Palma, tient le rôle crucial de George Tilden dans Le Dahlia noir. George Tilden ? Un homme qui fut défiguré... comme Winslow Leach dans Phantom of the Paradise.

Quant aux lèvres noircies du fantôme, n'annoncent-elles pas déjà celles, figées dans un rictus, de l'homme qui rit incarné par Conrad Veidt et dont l'image est clairement convoquée par de Palma pour venir dénouer la tortueuse intrigue du Dahlia noir ?

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23 septembre 2006 6 23 /09 /septembre /2006 19:08

A propos de Peau de cochon de Philippe Katerine

(texte initialement publié dans Bref n°65)

 

Fourre-tout foutraque ou émouvant puzzle biographique, quoi que l’on en pense, Peau de cochon ne laisse pas indifférent. Faisant suite aux convaincantes incursions d’un Katerine fictionné dans les films de Thierry Jousse (Nom de code : Sacha, Julia et les hommes), il prolonge l’expérience d’1 km à pied, le court réalisé par le chanteur dans la série « Portraits » (diffusée sur Arte) : un homme, une caméra dv et douze plans-séquences autonomes composant un long métrage où se mêlent traces biographiques et obsessions intimes, expérimentations et petites fictions, le tout dénudant un homme se livrant là plus encore que dans ses chansons. De musique, il sera peu question ici, si ce n’est dans une savoureuse séquence d’ouverture où Dominique A fait écouter à l’homme à la caméra ses premières armes d’auteur/compositeur, une cassette enregistrée à 13 ans. C’est à la fois drôle (sa voix d’avant la mue ; la note d’intention d’époque) et émouvant (ce qu’on lit dans son regard ; sa façon de doubler la voix de l’adolescent qu’il était), un peu à l’image de tout ce film étrange.

Car étrange, le film l’est vraiment. Irritant, ne ressemblant pas à grand-chose de connu, il frôle parfois le je-m’en-foutisme, mais sait presque toujours retomber sur ses pieds. Les saynètes Hélicoptère 1 & 2 constituent un bon exemple de ses manières de funambule. Dans la première, Katerine filme sa fille minaudant et racontant une histoire sans queue ni tête. Elle est mignonne, on cherche les ressemblances, mais ce n’est guère passionnant. On attend, perplexe. Ce qui suit – Katerine racontant, au mot et à l’intonation près, la même histoire – apporte alors une dimension toute autre, presque théorique, à cet Hélicoptère 1 qui ne ressemblait qu’à un film de famille. Entre le remake « fait maison » d’Une sale histoire et la posture du chanteur se frottant, pour une reprise, à un texte qui n’est pas sien, le réalisateur finit par tirer son épingle du jeu, toujours sur le fil du dérisoire.

Si le film gagne sur la longueur une densité que les scènes isolées n’avaient pas nécessairement, c’est peut-être aussi parce que Katerine est plus un auteur d’albums qu’un faiseur de singles. Quand il fait du cinéma, il lui faut du temps, variations et digressions sur un même thème – ici des déambulations pédestres, des discussions alcoolisées – pour que se déploie son univers et que sous la légèreté affleure la gravité. Ce qui était patent au fil du double album Les créatures & L’homme à trois mains trouve ici une nouvelle illustration, l’aspect rudimentaire et peu aimable de la mise en image rappelant le second cd du diptyque de 1999, celui qu’il enregistra seul chez lui. Si bien que si l’on se piquait de regarder Peau de cochon comme on écouterait un album non-officiel de sa discographie, on constaterait que les duos l’ont emporté. Comme si ce film donnait à Katerine l’occasion de s’effacer pour dresser une sorte d’inventaire sentimental où l’on croise aussi bien Héléna Noguerra, Thierry Jousse ou le bassiste des Little Rabbits que des proches plus anonymes.

Impudique jusqu’au malaise, le film refuse la facilité, n’hésitant pas à montrer l’auteur sous un jour peu glorieux (sa lâcheté, sa jalousie, ses étranges habitudes scatologiques), brouillant souvent les pistes jusqu’à ce que l’on ne sache plus distinguer le vrai de la fiction.  Sur le registre intime, Peau de cochon ne saurait toutefois rivaliser avec les fulgurances formelles du beau Tarnation de Jonathan Caouette . Ce n’est d’ailleurs pas son but. Et au fond, on n’aime pas Peau de cochon comme on aime un grand film, car le fait qu’il se serve là d’une caméra plutôt que d’une guitare ne fait pas de Katerine un cinéaste. On se gardera donc d’affirmer qu’il s’agit là de sa meilleure production. Ce qui est sûr par contre, c’est qu’on a regardé Peau de cochon en dvd comme on a goûté ses chansons et comme on va écouter son prochain album. Rien n’interdira, comme pour tout disque que l’on aime, d’y revenir régulièrement, de préférer, au gré de l’humeur, telle séquence plutôt que telle autre, de l’oublier un moment, puis de le redécouvrir…

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6 septembre 2006 3 06 /09 /septembre /2006 16:04
À propos de Miami Vice de Michael Mann
Texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma
http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=4217
 
 
« Le détail qui tue », énième résurgence. Lors de leur escapade romantique à La Havane, le flic Sonny Crockett (Colin Farrell) et la mystérieuse Isabella (Gong Li) dégustent leurs mojitos dans un bar cubain à l’ambiance musicale enfiévrée. Suit une scène de séduction et de danse rappelant malheureusement les moments les plus kitchs du Mission : Impossible 2 de John Woo. Problème : devant les inserts du groupe cubain et du chanteur à l’œuvre, il est criant pour le spectateur qu’il n’a pas affaire ici à une prise directe de la musique, que ce que l’on entend n’est qu’une bande maladroitement plaquée sur des images voulant donner l’illusion du « live ». Le contexte filmé nécessitait une prise de son réaliste. On l’a remplacée par une facilité de post-production particulièrement choquante à l’oreille. Comment a-t-on pu laisser passer cela au mixage ? Ce hiatus soudain entre ce qui est vu et ce qui est entendu surprend d’autant plus quand on connaît le soin apporté aux moindres nuances sonores par Michael Mann dans les scènes de fusillades (tant dans Heat que dans Miami Vice, où les crépitements réalistes des armes à feu font déjà 50% de l’efficacité de ces séquences).
 
Pourtant, à bien y réfléchir, ce détail sonore – moins anodin qu’il n’y paraît – trahit surtout un problème plus général : le statut des deux personnages principaux interprétés par Colin Farrell et Jamie Foxx qui souffrent, à mon avis, d’être « surprotégés » par le scénario. Ainsi, tant dans la fiction (ils s’infiltrent au sein d’une organisation criminelle, jouent donc un rôle) que dans le déroulement du film, le simulacre et plus précisément le playback – c’est-à-dire, pour un chanteur, l’assurance de ne pas se tromper – semble être le « modus operandi » choisi par les acteurs et par le réalisateur. D’un côté, Mann « sécurise » son projet et nuance ses stimulantes velléités expérimentales en recourant plus que de raison à des morceaux FM fort embarrassants mais venant au moins reposer le spectateur malmené par un montage trépidant. De l’autre, Farrell et Foxx jouent leur partition sans se forcer et en gardant toujours l’œil sur un scénario qui, malgré son apparente précipitation, jamais ne les prendra de cours. Du look de mannequin « porte-fringues » arboré par Farrell au déploiement de moyens de transport dernier cri en passant par cette bande-son déjà datée où Moby (habile sampleur lui aussi) remplace avantageusement le Phil Collins de la série télé, l’artifice, la démonstration d’un luxe tapageur et le toc ne cessent d’interférer avec le traitement réaliste voulu sur le papier par Mann.
Dans Miami Vice, pourtant, la photo est sublime, l’ambition affichée du réalisateur est prometteuse : tout glisse à la vitesse de l’éclair (dans l’air, sur la mer, sur les routes), selon des enchaînements rythmiques et un montage heurté apparentant Mann à un stupéfiant DJ (tout du moins durant les vingt premières minutes, proprement ahurissantes). Le scénario, elliptique, dégraissé des moindres scènes de transition, ne privilégie que les mouvements, la pulsation, les gestes, les postures, les tronches et la dépense physique. Pourquoi pas. Mais cela, qui séduit au départ, handicape le film dès lors qu’il prétend nous intéresser à ses personnages et à leur psychologie de bazar.
 
Surtout, nos deux héros déroulent leur savoir-faire sans presque jamais risquer – littéralement – leur peau. Il est rare, dans ce type de polar, de ne pas voir les héros, saigner ou souffrir, bref être mis, à un moment ou un autre, physiquement en danger. En cela, Foxx et Farrell apparaissent comme les antithèses d’acteurs masochistes tels Clint Eastwood, Bruce Willis ou Mel Gibson. Pures surfaces iconiques (voir les affiches), ils paraissent toujours en léger décalage avec la violence de leur environnement. Point de torture ni de passage à tabac ici – peu, non plus, de contacts physiques avec autrui si ce n’est pour deux scènes de cul assez ratées – on risquerait de froisser les belles fringues du duo… Loin, donc, des flics pourris et vulnérables de William Friedkin, loin même du policier cabossé incarné par Al Pacino dans Heat, les deux acteurs planent au-dessus du film, icônes frimeuses pour magazine de mode (ah ! les tongs de Farrell !). Dans la sécurité de ce schéma redoublant, dans la direction d’acteur, le principe du playback, Foxx/Tubbs et Farrell/Crockett assurent tranquillement, avec professionnalisme, souvent à distance (mails, téléphones, etc.). Les autres morfleront pour eux. En l’occurrence les femmes. Dans la dernière demi-heure (assez prenante, avouons-le), la souffrance et la mise en danger sont transférées, de façon fort symétrique, sur les compagnes des deux héros, tour à tour prises en otage par de vilains trafiquants, néo-nazis de surcroît. Résultat : les deux héros archétypaux, qui jamais n’ont dérogé aux figures imposées (sagesse et retenue pour Tubbs ; passion et tentation pour Crockett), sortent du film immaculés, comme si les événements n’avaient pas vraiment eu de prise sur eux. Comme dans la série télé, ils sont prêts à rempiler pour une nouvelle mission, pour un autre épisode. Et rien n’aura vraiment changé. D’où cette impression persistante de simulacre, d’une mission effectuée sans vraiment se mouiller, assurée par un constant filet de sécurité.

Sans doute est-ce à cause de ce manque d’implication des personnages que Miami Vice sonne si creux. C’était déjà l’absence de réelle mise en danger de Foxx dans Collateral – le choix aussi d’y privilégier l’humour à la tension (la scène où il se faisait passer pour le tueur à gages) – qui trahissait la grosse faiblesse d’un film surévalué et dont le scénario banal ne valait pas une mise en scène si brillante. De mon point de vue, Michael Mann ne fut jamais aussi bon qu’au début des années 90 (Le dernier des Mohicans, Heat), paradoxal point mort de sa carrière. Il abandonnait alors le maniérisme esthétique des années 80 (La forteresse noire, Manhunter) et la cohérence du récit primait encore sur les expérimentations en HD entamées avec Collateral. C’était avant que l’industrie hollywoodienne – et la critique – lui offrent le siège en or du « super-auteur-dynamitant-les-règles-des-studios », cette place qu’un John McTiernan ou un Brian de Palma n’auraient jamais dû perdre…

Pour en revenir à Miami Vice, on pourra toujours s’amuser de l’ironie qui rattrapa l’invincible Colin Farrell dans la vraie vie. Faisant, côté coulisses, l’expérience d’une vulnérabilité méconnue par son avatar Sonny Crockett, il fut en effet, durant le tournage même, victime d’une grave surdose. Un comble pour un acteur jouant le rôle d’un flic infiltré dans une organisation de trafiquants de drogue…
 
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