Under Great White Northern Lights est d’abord un film d’Emmett Malloy. C’est ensuite un album assez dispensable, le premier live officiel
des White Stripes, enregistré en 2007 durant la toute première tournée du duo (qui fêtait alors ses dix ans d’existence) à travers le Canada. Jack White, que l’on a toujours aimé en concert, et
que l’on sait depuis revigoré par la fréquentation de Brendan Benson (avec The Raconteurs) ou d’Alisson Mosshart (avec The Dead Weather), y apparaît fatigué, la voix au bord de l’épuisement, de
la rupture (calamiteuse version de Blue Orchid).
Dans le film, Jack et Meg White paraissent parfois s’amuser : lorsqu’ils investissent, pour y jouer, des
lieux improbables (un bowling, un bateau, une maison de retraite). Mais le plus souvent, c’est une profonde lassitude qui se superpose aux images de prestations turbulentes, où les solos de White
ne convainquent plus vraiment, trop alambiqués, trop déstructurés, trop pleins d’une rage venant malmener des compositions qui, ici restituées sèchement, sonnent beaucoup moins bien qu’en studio.
Comme si Jack White, sur cette tournée, avait déjà la tête à ses autres projets, à d’autres collaborations, comme si Meg déjà savait qu’elle arrêterait de marteler sa batterie à l’issue de ces
concerts…
On sait que les White Stripes ne tournent plus, n'enregistrent plus. Que Meg a eu besoin d’une pause. Une
pause... La sortie d’un live en lieu et place d’un nouvel album semble augurer ce que tout le monde pressentait. Cela apparaît de façon manifeste dans le film, qui est moins une célébration d’un
groupe au sommet de son art qu’un chant du cygne douloureux. Sur la pochette, sur l'affiche, les White Stripes sont d’ailleurs figurés par de simples silhouettes, de dos, déjà presque
effacées. Dans le film, 1h30 durant, il suffit de regarder Meg, mutique, pour comprendre. Elle est comme la figurante d’un projet en lequel elle ne croit plus, ses poses de poupée, ses mouvements
de métronome – jadis marque de fabrique craquante – traduisant soudain le gouffre entre un Jack hyperactif et une batteuse qui semble déjà savoir que tout sera fini bientôt.
Meg, dans les séquences d’interviews, dans les scènes de transition (voyages, accueils, rencontres avec les
responsables locaux) est dans le plan, toujours, mais sa présence crée une tension permanente, paradoxale, comme si elle souhaitait avant tout s’en échapper, disparaître dans un fondu enchaîné,
laisser à Jack la lumière, toute la lumière. Plus le film se déroule, plus l’inadaptation de Meg nous rend mal à l’aise. On a envie de l’entendre, de la brusquer un peu, on n’en peut plus de voir
quelle torture cela semble être pour elle de devoir figurer, ailleurs que sur les planches, la deuxième moitié d'un duo ne se conjuguant pratiquement plus au pluriel. Seules les scènes de concert
la raniment un tant soit peu. Bizarrerie du film de Malloy, les (très) rares moments où Meg s’exprime sont sous-titrés, comme s’il s’agissait de signifier encore plus clairement que cette femme
n’est plus là, ne parle plus la même langue. Le procédé est assez déplaisant, je ne me l’explique toujours pas...
Les lumières du Grand Nord nous révèlent un fantôme. La malaise est patent. C’est un film triste, très
triste. À l’image de son ultime séquence, bouleversante (voir ci-dessous), qui, tel un adieu, ne peut avoir été placée juste avant le générique de fin par hasard…
La lecture de cet article de "Libération" ouvre la perspective d’un film imaginaire absolument
idéal.
On y apprend qu’il y aurait eu deux doublures, et non une seule, lors du tournage de la fameuse scène de
douche du Psychose de Hitchcock. S’y ajoute la révélation selon laquelle la doublure de Janet Leigh, ancienne strip-teaseuse que l’on a dite depuis assassinée, n’est pas celle que l’on a
crue.
Cette histoire – avérée ou non, c’est autre chose – ouvre des perspectives de récit et de mise en scène
ahurissantes.
On en viendrait presque à penser que l'enquête du journaliste Robert Graysmith a été commanditée par un Brian
de Palma en rade de sujets pour pouvoir revenir une dernière fois à ses obsessions hitchcockiennes, pour nous laisser entendre que, somme toute, il avait raison de la fouiller depuis des
décennies cette scène, d'y revenir encore et toujours.
On imagine alors une sorte d’œuvre définitive, où le jeu–devenu
routinier–sur les thèmes du double, du complot et des faux-semblants (on pense à Body Double évidemment, mais aussi à Sœurs de sang, à
Obsession ou au Dahlia noir) y serait amplifié par cette ultime variation sur la scène de douche de Psychose, image-source parmi quelques autres du cinéma de De Palma,
scène maintes fois revisitée, maintes fois rejouée, telle la pierre angulaire de son maniérisme et de son fétichisme de cinéaste-cinéphile.
De Palma nous révélant les leurres et les mensonges dissimulés derrière le rideau de douche... Je n'ose y
croire...
Fantasme cinéphilique absolu, proposition vertigineuse. Comme si toute cette œuvre, souvent mal comprise,
devait finalement (fatalement ?) mener jusque-là.
Alors, je referme les yeux et je laisse le film se dérouler…
Le film que Joann Sfar consacre à Serge Gainsbourg n’est pas un mauvais film, c’est surtout un film
ambitieux mais raté, qui, ne sachant vraiment sur quel pied danser, se condamne d’emblée à l’échec. À la vision du film, on demeure pourtant assez surpris qu’un tel projet ait pu se monter (qui
plus est s’agissant d’un premier film) tant les intentions de Sfar, excellentes mais diffuses, ne suffisent jamais à contaminer complètement un scénario, qui, dans sa deuxième partie
principalement, finit par tomber dans l’écueil de l’illustration vaine, de l’imitation, et du postiche pour tout horizon de jeu.
C’est vraiment dommage car la première heure, pourtant bourrée de défauts, emporte plutôt l’adhésion :
c’est l’enfance pendant la guerre, l’apparition du double enraciné dans la propagande anti-juive, la jeunesse bohème de Lucien Ginsburg, apprenti-peintre et pianiste de bar, les premières
chansons écrites pour d’autres (la savoureuse séquence avec les Frères Jacques, la belle intuition fantastique juste avant la rencontre avec la féline Juliette Greco). Durant cette première
heure, Sfar, le dessinateur de BD, est bel et bien là, se permettant des scènes si gonflées qu’on leur pardonne des maladresses passagères (Yolande Moreau en Frehel, était-ce vraiment
nécessaire ?). Durant cette première heure, Eric Elmosnino est, c’est vrai, épatant. C’est que les années 50 et le début des années 60 de Gainsbourg sont, pour nous, moins documentées, que
les images filmées en sont plus rares que pour les deux décennies suivantes. Du coup, le comédien a du champ pour jouer, on se moque de la ressemblance, encore plus de la vraisemblance. Le film
s’apparente alors à une rêverie où les éléments biographiques avérés, les mensonges et la fantaisie totale se mêlent. La fiction s’en porte d’autant mieux… Peut-être Sfar n’aurait-il pas dû
filmer le Gainsbourg d’après… Ou peut-être aurait-il dû s’affranchir de la chronologie, en rester à un assemblage impressionniste…
Las ! Dès lors que le film doit devenir plus raccord avec le personnage public, les archives
audiovisuelles et la mythologie afférente, il s’enlise. À la moitié du film, les maigres articulations narratives entre les époques deviennent mécaniques, voyantes et incombent surtout à la
succession métronomique des égéries (France Gall, Brigitte Bardot, Jane Birkin puis Bambou), plus jamais à la musique, à l’itinéraire de l’artiste. Dans le récit, le chanteur cède clairement la
place au séducteur et le parcours musical passe au second plan. Pourquoi pas, c’est un parti pris, mais comme le film veut aussi remplir le cahier des charges jusque dans ses marges, il se fait
catalogue servile, petit précis de fétiches, boulevard, surtout, pour les courtes performances d’actrices succombant sous le poids des clichés. Laetitia Casta et Lucy Gordon viennent singer leur
modèle et ce n’est vraiment pas très heureux (palme de l'embarras face à Laetitia Casta ne réussissant à créer la moindre distance par rapport à un modèle si archétypal – BB – que la moindre des
choses eût été de le malmener plutôt que lui servir la soupe).
Dans la deuxième heure de Gainsbourg (vie héroïque), l’absente de marque, c’est la musique. On ne
cesse de l’entendre, mais on ne la comprend jamais. On est bien loin des jolies intuitions du début où Sfar filmait un duo imaginaire entre Boris Vian chantant Je bois et Gainsbourg
chantant Intoxicated Man en dépit de tout bon sens chronologique. Je t’aime moi non plus est réduite à un sketch pour Chabrol qui cachetonne, on fait l’impasse totale sur
Histoire de Melody Nelson, sur le cinéma de Gainsbourg et il ressort de ceci une sorte d’affadissement assez regrettable puisque gommer cela c’est aussi nier les propositions les plus
provocantes du chanteur… Passé 1966, les chansons deviennent juste des signes de reconnaissance, les marqueurs du temps qui passent, mais jamais ne seront évoqués ces moments où Gainsbourg est
passé de la chanson à la pop, de la pop au reggae, ou du reggae au funk… On ne demandait surtout pas au film d’être didactique, mais il gomme si vite les années séparant Chez les Yéyés
des Sucettes qu’il semble en permanence effleurer son sujet. Ainsi en va-t-il de la piste passionnante de la Lolita dévoyée, topoï gainsbourien en diable expédiée en une séquence
hilarante mais définitivement trop courte pour convaincre vraiment (on se demande d’ailleurs ce qu’en pense France Gall…). Le plus raté peut-être c’est aussi de voir soudain Gainsbourg en
Jamaïque et que cela soit imposé comme une donnée que l’on doit accepter d’emblée, qui ne sera jamais questionnée. Il est évident que Sfar, à ce moment-là, ne sait comment traiter l’irruption du
reggae dans son récit et dans le cours de la vie de son personnage, que tout ce qui l’intéresse au fond (et c'est légitime) c’est d’en arriver à l’enregistrement de La
Marseillaise, séquence qui lui permettra de filmer l’épisode des paras à Strasbourg, de la vente aux enchères du manuscrit original et d’exhumer quelques mots scandaleux écrits dans le
journal par le sinistre Michel Droit.
Il y a clairement deux films – l’un bon, l’autre pas – dans ce Gainsbourg (vie héroïque) et la
séquence la plus pertinente l’est peut-être involontairement, vers la fin : Gainsbourg est seul au bar d’une boite de nuit, un mec bourré l’aborde et lui lâche qu’il l’a vu hier dans les
Guignols, alors il commence à l’imiter comme l’imitait jadis Patrick Sébastien. Sous le grimage, sous la barbe de Gainsbarre, l’acteur Elmosnino a abdiqué, la marionnette l’a emporté. L'homme et
son double ne font plus qu'un, se mélangent. Le cliché est roi. Dans ce repli d’une scène anodine, Sfar semble nous concéder qu’il sait la vanité de son projet, qu’il ne peut plus, à ce
moment-là, contaminer de ses rêveries l’image que Gainsbourg avait patiemment construit de lui-même, qui au final l'a dévoré. C’est la limite d’un film parfois très beau, mais le plus souvent
douloureusement entravé…
On sait que c’est une chanson de Bruce Springsteen, Highway Patrolman, tirée de l’album Nebraska, qui fournit à Sean Penn la trame de son premier long métrage en
tant que réalisateur, The Indian Runner. On sait aussi que Springsteen a régulièrement signé des chansons inédites pour des films souvent assez proches, dans leurs thématiques, des
sujets envisagés dans ses propres chansons (Light of Day de Paul Schrader, Philadelphia de Jonathan Demme, La dernière marche de Tim Robbins, The Wrestler de
Darren Aronofsky). Quant au livre Born on the 4th of July de Ron Kovic (qu’Oliver Stone adapta plus tard au cinéma), il est avéré que sa lecture est pour beaucoup dans l’ébauche du
fameux morceau incompris, Born in the USA, qui met en scène un vétéran de la guerre du Vietnam. de retour chez lui, profondément inadapté. Avec ses histoires de filles, de route, de
bagnoles, de laissés pour compte du rêve américain, la discographie de Springsteen charrie évidemment dans son sillage pas mal d’images, de séquences mythiques, tout un pan, même, du cinéma
américain. Elle pourrait être à elle seule une figuration musicale du sous-genre emblématique qu’est le "road movie", genre typiquement américain s'il en est (Born to Run, titre
programmatique que ne renieraient sans doute pas les héros du Macadam à deux voies de Monte Hellman ou le Kowalski de Point Limité Zéro de Richard C. Sarafian).
Il y a trois ans, je m’étais amusé ici-même à associer quelques chansons à un cinéaste. Il s’agissait de
Lucas Belvaux dont le film La raison du plus faible sortait juste, alors, en salles (lire ici).
Bizarrement, j’avais cité The Ghost of Tom Joad, la chanson que Springsteen écrivit autour des Raisins de la colère de Steinbeck et de son héros incarné, dans le film de John
Ford, par Henry Fonda. Il y avait London Calling du Clash aussi, que Springsteen reprit, on le sait, avec Elvis Costello... Bref, des chansons qui, pour moi, résonnaient profondément
avec le film de Lucas Belvaux tragi-comédie mettant en scène des chômeurs obligés de se livrer à quelques escroqueries, à quelques vols de métaux, pour s'en sortir, pour juste s'extirper de
la mouise dans laquelle le système les laissait s'enfoncer. Alors que Rapt, du même Lucas Belvaux, sort ces jours-ci sur les écrans, opération inverse dont l’envie me titillait depuis un
moment : trouver des films m’évoquant instantanément les chansons de Bruce Springsteen. Le choix peut paraître vaste, ce n’est pas forcément si évident.
On aime Springsteen quand il se fait chroniqueur précis et pointilleux d’une certaine Amérique, de ses rêves
déçus, de ses mythologies de poche (l’album The Ghost of Tom Joad ne fut-il pas justement sous-titré à sa sortie "12 chroniques sur les oubliés de l’Amérique" ?). Aujourd’hui, réécouter
attentivement Nebraska ou The Ghost of Tom Joad, c’est véritablement se confronter à des histoires puissantes, dont la teneur constituerait le carburant narratif de bien des
longs métrages. Car Springsteen est de ses rares auteurs/compositeurs dont on utilisera volontiers le nom pour évoquer une ambiance, pour qualifier un film (ce que fit récemment Serge Kaganski
des Inrockuptibles pour The Wrestler, film du retour de Mickey Rourke, ex-Motorcycle Boy de Coppola, et c’était fort pertinent).
Alors, c'est quoi ces quelques films dont on aurait bien vu la trame énoncée en quelques vers par Bruce
Springsteen ?
Panique à Needle Park & L’épouvantail de Jerry Schatzberg
On a d’ailleurs souvent pointé la ressemblance physique ou vestimentaire, entre le Pacino seventies – celui,
aussi, de Sidney Lumet dans Serpico ou Un après-midi de chien – et Bruce Springsteen… (dans Incident on 57th Street, dans le rôle de Spannish Johnny, on croit vraiment
voir Pacino)
Taxi Driver de Martin Scorsese & Le retour de Hal Hashby
On aurait pu citer le premier Rambo pour enfoncer le clou sur l’axe Born in the USA mais
ç’eut été fourbir les armes de ceux qui pensent encore qu’il s’agit là d’un hymne reaganien… Variantes : Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (pour sa première partie
surtout) & Né un 4 juillet de Oliver Stone
Et puis si les seventies américaines furent marquées par la Guerre du Vietnam, n’oublions pas Devils
& Dust où Springsteen chroniquait récemment le quotidien d’un soldat américain en Irak…
La dernière séance de Peter Bogdanovich
Le film de Bogdanovich est basé sur le roman éponyme de Larry McMurtry, chronique tendre et acerbe
d’une petite bourgade américaine. Le fils de ce dernier, James McMurtry, sortit quelques disques précieux dans les années 90 (Too Long in the Wasteland, Candy Land). Ils étaient
d’ailleurs produits par John Mellencamp, un autre chroniqueur musclé de l’Amérique des années 80 (réécouter Pink Houses, ici, par exemple). Tous deux sont évidemment, dans leur manière d’envisager une chanson comme une narration, de dignes héritiers de Springsteen.
Rocky de John G. Avildsen et La fièvre du samedi soir de John Badham
Ça peut surprendre, mais, à bien y regarder, quoi de plus « springsteenien » que ces trajectoires
de jeunes italo-américains partant de pas grand chose pour arriver au sommet de leur art, pour s'extirper de leur milieu, de leur quartier miteux (la boxe pour l'un, la danse pour l'autre).
Trajectoires somme toute assez similaires pour deux visions assez mélancoliques, presque désenchantées–tout du moins dans le tout premier Rocky et dans
le film de Badham–de l'"american dream". Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est Sylvester Stallone himself qui réalisa, quelques années après le film de John Badham,
Staying Alive, la suite, bien plus "eighties triomphantes", des aventures de Tony Manero.
Sinon, une autre histoire de boxeur (et de corruption) avec The Hitter sur Devils &
Dust (où l’on pense alors plutôt, du coup, à ce superbe film noir qu'est Nous avons gagné ce soir de Robert Wise).
Quant à ce titre de The Ghost of Tom Joad, Balboa Park, eh bien, même s'il n'a pas de
rapport direct avec le film d'Avildsen, forcément il laisse songeur puisqu'il utilise le patronyme du boxeur de cinéma...
Je ne sais pas pourquoi, ce n'est pas si évident, mais, pour moi, le personnage que joue James Bridges face à
Clint Eastwood dans ce film pourrait aussi être le protagoniste d’un paquet de chansons de Springsteen, de Thunder Road à Born to Run en passant par Jungleland ou
Racing in the Streets, soit un jeune homme qui s’ennuie, qui a peur de ce morne quotidien que l'avenir lui promet et qui se barre, qui plaque tout, quitte à emprunter le mauvais
chemin... Bobby said he'd pull out Bobby stayed in / Janey had a baby it wasn't any sin / They were set to marry on a summer day / Bobby got scared and he ran away (Spare
Parts)
Sauf que c’est Springsteen qui a piqué ce titre au septième art pour en faire un de ses hymnes repris à
pleins poumons dans les stades… Oui, c'est vrai...
Pourtant... Histoires de fuite, romantisme criminel... Il y a d’autres Bonnie and Clyde chez Springsteen,
dans le morceau Nebraska (I saw her standin' on her front lawn just twirlin' her baton / Me and her went for a ride sir and ten innocent people died) ou dans Highway
29par exemple(It was a small town bank, it was a mess / Well I had a gun, you know the rest / Money on thefloorboards, shirt was covered in blood / And she was cryin', her and me we headed south / On highway
29)
Normal quand on base son tout premier film (The Indian Runner) sur les paroles d’une chanson de
Bruce Springsteen de ne pas vraiment s’en remettre et d’aller même demander à Eddie Vedder de Pearl Jam – fan avéré – de composer la B.O. du film(Into the Wild)où, enfin, Penn avait , semble-t-il, réussi à s’affranchir de l’influence manifeste du leader du E Street Band. Raté, donc...
The Yards : Le déterminisme de classe, les liens du sang, est-ce qu’on peut s’en
sortir ?
Two Lovers : Non, on ne s'en sort pas. De son milieu, de la pression sociale,
familiale... Pas si loin des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (tiens, encore une histoire d'appelé et de retour douloureux : comme dans Né un 4 juillet, comme dans
Voyage au bout de l'enfer), on peut envisager ce film comme un triste éloge de la resignation, du choix par défaut… Mais justement, c'est beau parce que c'est triste, cet aveu d'échec,
beau comme l'un des plus grands morceaux de Springsteen en fait : I come from down in the valley / where mister when you're young / They bring you up to do like your daddy done (The
River)
Parce que c’est l’histoire de deux frères ennemis, comme dans Highway Patrolman (aka The Indian
Runner) ? Parce qu’il y a cette figure du père comme dans Adam Raised A Cain ?
Shotgun Stories de Jeff Nichols et L’autre rive de David Gordon Green
Des histoires de fratries qui s'opposent, des brimades ordinaires qui tournent mal, des faits divers
sanglants (Johnny 99).
L'Amérique rurale, profonde, comme on dit... Elle est là, souvent, comme un étau dont on voudrait
s'échapper... Et la route, alors, c'est l'horizon...
Outsiders & Rusty James de Francis Ford Coppola, La fureur de vivre de Nicholas Ray, West Side Story
de Robert Wise
Les bandes qui s’affrontent, la jeunesse, les couteaux la violence, tout est dans Jungleland, l'un
des morceaux les plus cinématographiques de Springsteen (The midnight gang's assembled and picked a rendezvous for the night / They'll meet 'neath that giant Exxon sign that brings this fair
city light / Man there's an opera out on the Turnpike / There's a ballet being fought out in the alley / Until the local cops, Cherry Tops, rips this holy night / The street's alive as secret
debts are paid).
Variante nostalgique : Remember all the movies, Terry, we'd go see / Trying to learn how to walk like
heroes we thought we had to be (Backstreets)
Et puis en vrac : La vingt cinquième heure de Spike Lee, Macadam Cowboy de John
Schlesinger, One From the Heart de Francis Ford Coppola, Paris Texas de Wim Wenders, Un monde parfait de Clint Eastwood, Les moissons du ciel de Terence Malick, De
sang froid de Richard Brooks...
Deux textes écrits récemment pour Bref, le magazine du court métrage, pour deux
très beaux films interrogeant notre rapport à la musique. Ou comment, dans le premier, les chansons de variété les plus banales, reflets de la fiction sentimentale qui se déroule à l'écran,
touchent parfois à l'essentiel. Mais aussi comment , dans le deuxième, le simple fait de filmer des proches se passant un disque en dit souvent bien plus sur eux (et sur qui filme) que bien des
longs discours...
Puisque tu
parsde Julien Hilmoine
La fuite, les regrets, l’élan, les adieux. Quatre séquences pour un film “en chanté” au propos plutôt anodin
mais à la manière enthousiasmante.
Pierre, jeune musicien, part vivre en Australie. Il laisse ici Aurélie. Elle l’aime. Lui non plus. Comment
lui dire adieu… Sentiments rebattus de chansons en chansons : les histoires d’amour finissent mal en général et c’est le lot de la pop song que de nous le rappeler comme s’il s’agissait à chaque
fois d’une toute première fois.
Puisque tu pars prend le parti d’illustrer cela avec trois tubes signés Jean-Jacques Goldman.
Entreprise risquée s’il en est tant les chansons de celui-ci, ancrées dans la mémoire collective, paraissent peu propices à féconder le champ d’un jeune cinéma d’auteur se rêvant plus pop que
“variétoche”. Pourtant la magie opère car le dispositif met à nu ces “banales songs”, les révèle dans une beauté paradoxale qui doit tout au cinéma et à la mise en perspective opérée par le
réalisateur (secondé, pour les arrangements, par Jean- Charles Versari*).
Quand arrivent les premiers mots de C’est pas d’l’amour, au détour d’une scène de rupture, on
craint le clin d’œil stérile (une sorte d’On connaît la chanson du pauvre), mais Julien Hilmoine s’empare sans embarras d’un corpus trivial pour creuser une intuition
passionnante. Celle selon laquelle une chanson, aussi facile fût-elle, pourrait contenir en quelques mots toute une histoire, les tournants de nos vies ne valant peut-être pas plus que quelques
vers. C’est le paradoxe de Puisque tu pars : ne plus trop savoir ce qui des chansons ou du scénario préexista à l’autre, ne plus savoir si on se trouve face à l’œuvre d’un fan ou
d’un esthète conceptuel fasciné par les refrains populaires et leur faculté à doubler nos vies tel un écho.
Surtout – et c’est le plus important – on sent ici une sincérité si prégnante qu’elle rend le film assez
bouleversant. D’une voix malhabile, hésitante, souvent fausse, les deux comédiens principaux s’emparent sans cynisme des émotions contenues dans les mots de Goldman, les incarnent littéralement,
elle avec ses grands yeux tristes et embués, lui avec sa gêne de ne plus aimer. Perpétuellement sur le fil du ridicule – notamment lors de la séquence chorale des adieux – c’est finalement la
grâce qui l’emporte, faisant de ce film fragile un objet atypique et vraiment emballant.
SK
Puisque tu pars, 2008, 35 mm, couleur, 20 mn.
Réalisation et scénario : Julien Hilmoine. Image: Julien Poupard. Montage : Julien Lacheray. Son : Mathieu Perrot. Interprétation : Jeanne Gogny, Valentin Plessy, Julie Débès et Sylvain Sayard.
Production : Elena films.
* Jean-Charles Versari qui fut par
le passé chanteur du groupe Hurleurs et d'un autre projet portant son nom, Versari, et qui est aussi cofondateur du label T-Rec (Zone libre, etc)
But We Have the Musicde Shanti Masud
Après Compilation, 12 instants d’amour non partagé de Franck Beauvais ou Puisque tu
pars de Julien Hilmoine, force est de constater que les jeunes cinéastes se confrontent beaucoup plus qu’avant à la pop et à sa place dans nos vies.
Étrange et paradoxal précipité générationnel, le film de Shanti Masud ne trahit pas son beau titre emprunté à
Leonard Cohen. Le dispositif est très simple: filmer, le temps d’une bobine Super 8 noir et blanc, des proches écoutant une chanson. Il y en aura quinze, best of intime idéal où le rock
rugueux du Gun Club côtoie le folk céleste de Nick Drake ou la variété racée de Christophe. Une playlist au bon goût un rien ostentatoire et où frappent l’absence quasi totale de
morceaux postérieurs aux années 80, l’ancrage dans le passé glorieux et maudit du rock (Robert Johnson, les Beach Boys, Leonard Cohen en balises indémodables).
Si le projet intéresse en se confrontant à la question toujours stimulante du filmage de la musique et du
fan, il trouve sa limite dans une certaine affectation, dans un traitement visuel vintage assumé certes mais qui traduit aussi une approche un peu muséale du rock et de la pop. Entre clichés du
genre et approche documentaire, le film ne choisit pas, se plaît dans l’imagerie (les deux dernières séquences semblent prélevées de films du début des années 80 comme Entrées de
secours de Jérôme de Missolz), ne respire pas toujours autant qu’il le devrait.
Pour cela, les scènes les plus convaincantes sont finalement les plus simples, les moins mises en scène (en
apparence du moins) : deux quadras écoutant Blitzkieg Bop des Ramones au bord d’un canal, secouant la tête énergiquement sans presque se soucier de qui les filme ; celles où la
réalisatrice se contente de capter les regards, le spleen, l’attention portée à la musique. Car, quand l’un, du fond de son lit, marmonne (faux) sur la musique, quand d’autres étouffent leur
rire, hésitant à se regarder devant la caméra, le film semble dévoiler les êtres plus qu’il ne les fige.
Comment filmer l’écoute ? Comment se comporter face à une caméra scrutant notre visage au moment où passe une
chanson aimée ? Plusieurs attitudes où le mouvement succède à l’immobilité, où la posture concentrée de l’un laisse la place au numéro de l’autre, voire, à deux reprises, à une performance live.
Et puis ces cuirs, ces clopes, ces canettes, cette flasque, comme accessoires immuables de toute mythologie rock’n’roll de poche. C’est souvent dérisoire, parfois ridicule ; c’est aussi, par
moments, très beau.
SK
But We Have the Music, France, 2008, vidéo, noir et blanc, 41 mn.
Réalisation et production : Shanti Masud. Son: Shanti Masud et Arthur Harari. Musique: Leonard Cohen, The Beach Boys, Jackson C. Frank, Gino Paoli, Christophe, The Gun Club, Nick Drake, Les
Olivensteins… Montage: Shanti Masud et Roland Nivière.
Violent Days, premier long métrage de Lucile Chaufour, est sorti en salles ce mercredi. Entre
documentaire et fiction, ce manifeste prolétaire nourri de mythologie américaine et de rock & roll des origines est un objet cinématographique radical, rare et intrigant qu'il serait dommage
de rater...
Il aura fallu attendre plusieurs années avant que Violent Days (maintes fois primé, maintes
fois annoncé pourtant) sorte enfin en salles. Le temps de découvrir L’amertume du chocolat, court métrage amorcé il y a longtemps mais finalisé l’an dernier seulement. Et d’un
film à l’autre, des échos manifestes : deux héroïnes prolétaires, de la détresse, un noir et blanc figeant la temporalité comme les existences de personnages bloqués dans une imagerie
fifties idéalisée. La mère dans L’amertume du chocolat, la blonde platine de Violent Days : deux solitudes, deux prisonnières des rôles qu’on leur a
distribués, mais qu’elles subissent, visiblement. L’une, au foyer, ne sachant élever ses enfants ; l’autre, simili-Marilyn jouant à contrecœur la figurante dans un univers viril qui ne peut (ne
sait) la tolérer (celui, donc, des amateurs de rock’n’roll des origines).
Cette figure tragique (la femme qui aime sans retour) illumine en creux le passionnant long métrage de Lucile
Chaufour. Scindé en deux parties, Violent Days se déroule d’abord en road trip dérisoire entre Paris et Le Havre. On roule vite, on picole, on fait les cons, on pourrait
se crasher sur la route comme James Dean ou Jayne Mansfield. “No Future” à cet horizon de miteux road movie sur lequel s’amoncellent de pesants nuages. Le but pourtant, trouée de bonheur
dans ce morne quotidien d’ouvriers (ce sont eux qui le disent…), c’est ce concert des Flying Saucers, rassemblement promis de bananes, de cuirs et de choucroutes, loin, bien loin de tout
revival rock, urbain et hype, dicté par le marketing des années 2000. Deuxième partie : le concert et ce qui l’entoure, la violence, la misère, la banlieue autour, réactivant,
dans une scène de baston sidérante de vérité, la mythologie du blouson noir…
Cet apparent anachronisme du film, c’est aussi la forme choisie – à contre-courant, libre – qui l’entretient.
Car Violent Days n’est pas une fiction. Pas plus qu’un documentaire. Au fil narratif somme toute ténu, se juxtaposent les propos de ceux que la réalisatrice suit sans jamais les
juger. Entre fiction et documentaire, le film ne choisit pas. Et c’est là, dans cet entre-deux, qu’il devient passionnant, rendant dérisoire – un peu à la manière du mythique Rude
Boy de Jack Hazan (qui suivait un fan de The Clash) – la volonté de trier le vrai du faux. Fondé sur de nombreux entretiens, de nombreuses rencontres, Violent Days
échappe, par son âpreté, son empathie et sa sincérité, à tout écueil folklorique, à tout point de vue condescendant. C’était bien le plus important face à un tel sujet.
Parce qu’elle participe de ce rêve “rockabilly” tout en restant à sa marge – préférant parfois la vraie vie
(la plage) au fantasme (le concert) – la blonde (pauvre fille influençable évoquant l’héroïne de The Misfits de John Huston) finit par nous émouvoir, se soustrayant au dispositif
dans quelques plans cotonneux où, durant le générique, la fiction pure reprend le dessus. Signe peut-être, pour elle, d’une provisoire émancipation…
S.K.
Texte initialement publié dans Bref, le magazine du court métrage (n°89, septembre 2009)
Au hasard d’un film (le nouveau Star Trek en l’occurrence), c'est une sensation jubilatoire. On ne
s’y attend pas : un morceau qu’on adore déboule comme ça, vient réellement (utilement) dynamiser une séquence. Le morceau dure, il est utilisé à dessein, pas seulement comme un signe pop ou comme
du remplissage stérile... Ça fonctionnait admirablement avec The Times They Are A-Changin' de Bob Dylan sur le générique uchronique des Watchmen. Et dimanche soir, ça résumait
pas mal l’entreprise de J.J. Abrams s'attaquant à Star Trek.
Sabotage des Beastie Boys pour illustrer l’une des premières séquences du film, celle visant à nous présenter James T. Kirk enfant rebelle, pas encore capitaine de l’Enterprise… C’est la
première bonne surprise d’un film qui en recèle de nombreuses et qui réussit à la fois à satisfaire qui n’a jamais été le moins du monde intéressé par Star Trek (votre serviteur) et qui
déteste la seconde trilogie des Star Wars (moi itou). C’est sûr, J.J. Abrams et Damon Lindelof, après la quatrième saison de Lost (ce que j’ai pu voir de plus stimulant l’an
dernier), sont très forts… En situant leur blockbuster dans une réalité et un espace/temps parallèles à ceux que vénèrent les "trekkies", en préférant les personnages et les sentiments à la
surenchère d’action et à la vaine agitation, ils ont réussi l’impensable : renouveler de fond en comble une série intouchable et me faire aimer les mecs en pyjamas…
Parce qu’on ne s’en lasse pas, Sabotage, le clip réalisé par Spike Jonze, et un détournement plus
anecdotique dudit clip à l’aune d’une autre odyssée intergalactique…
Entre les Watchmen de Zack Snyder et Gran Torino de Clint
Eastwood, et quelques mois après The Dark Knight de Christopher Nolan, le cinéma hollywoodien s’interroge plus que jamais sur la figure du "vigilante", quitte à théoriser désormais
très clairement sur lesambiguïtés droitières qu’il gommait jusqu’alors sous le vernis du
divertissement et des figures imposées par le genre. De Dirty Harry à Gran Torino, il y a pourtant un gouffre, qui passenotamment par l’abandon du genre policier au profit de la chronique banlieusarde. Si Eastwood joue toujours au justicier, s’il impressionne les sauvageons par sa seule dégaine, le détour par la fable
humaniste, par les bons sentiments, vient rendre "acceptable" et "drôle" son personnage de vieux bougon raciste. On aime Gran Torino, certes, mais on est aussi en droit de le trouver
plus qu'ambigu (lire ici une voix discordante plutôt bienvenue au sein de
l’enthousiasme critique). De l’autre côté, la bande dessinée d’Alan Moore et Dave Gibbons a plus de vingt ans, se déroule dans des eightiesuchroniques, et pourtant on se dit, à la vision de cette adaptation plutôt réussie, que les questions passionnantes qui
étaient soulevées par le scénariste de V pour Vendetta valaient bien qu’on s’y arrête encore aujourd’hui et qu’il n’y a guère que le look des justiciers et certains choix plastiques
qui paraissent aujourd’hui anachroniques. Revenant sur des mythologies populaires typiquement américaines – celle des super héros et celle du
justicier dans la ville – les films de Snyder et d’Eastwood stimulent par leur manière de retourner soudain les coutures convenues du divertissement d’action hollywoodien, d’interroger ses
fondements et sa propension à l’apologie de l’auto-défense. Plaisir du vieil acteur ridé à composer le pire des salauds, à jouer sur les souvenirs d'un spectateur compagnon de route, à
ressortir la punchline assassine et le rictus afférent comme il le faisait, sans y réfléchir, il y a tant d’années. Mais comme pour se trouver des excuses, déplaçant le personnage ambigu des
seventies dans les atours du cinéaste à Oscars (celui qu’il est devenu depuis Bird et auquel tout le monde excuse aujourd’hui ce retour du refoulé qui est aussi, sans doute, très
calculé). Alors, cure de jouvence, petit film craché dans l’urgence, film de vieux réactionnaire ou tour de passe-passe auteuriste pour théoricien eastwoodien, Gran Torino pose toutes
ces questions passionnantes sans jamais vraiment y répondre. À l’inverse, The Watchmen (comme l’été dernier The Dark Knight) se veut très lisible dans ses intentions et ne
parle finalement que du pacte paradoxal liant les justiciers à leurs ennemis jurés, l’existence du Mal ayant pour principale–et paradoxale–vertu de
légitimer leur fonction (voir les scènes entre Rorsach et Moloch, et bien sûr les motivations complexes du meurtrier, révélées dans la dernière bobine)… Hasard du calendrier, ces deux films passionnants, et dont on n’attendait pas qu’il correspondent ainsi
l’un avec l’autre, sont visibles en salles en même temps...
Les films sortent avec des titres français abscons. Ils sont mal distribués. On ne sait comment les vendre. Il faut se dépêcher pour les voir… Pourtant, avec 40 ans, toujours puceau, Supergrave, Ron Burgundy, présentateur
vedette, Ricky Bobby, roi du circuit, Serial noceurs, Zoolander, En cloque, mode d’emploi, Les femmes de mes rêves ou Sans Sarah, rien ne
va, le cinéma comique américain offre le plus stimulant des renouveaux tandis que la comédie française populaire agonise dans sa bêtise crasse (voir l’affligeante bande-annonce et le pitch
du Agathe Cléry de Chatiliez). Là où la critique intelligente (des Inrocks aux Cahiers en passant par Chronicart) commence à reconnaître à
ces films un intérêt véritable (parfois, quand même, sans véritable discernement), les salles de cinéma et les distributeurs traînent encore la patte. Trop subtiles, ces comédies ? On ne croirait
pas avec des titres pareils. Pourtant, dans pas mal d’entre elles – derrière le délire de l’argument et de certaines situations – on apprécie une belle empathie, une vraie tendresse envers
des personnages de losers attachants. C’est ce qui frappe le plus dans Supergrave, Tenacious D and The Pick of Destiny ou 40 ans, toujours puceau : il ne s’agit plus de
films bouffés par le cynisme, cette plaie qui gangrenait la comédie américaine depuis un paquet d’années. De l’humain, de l’étrangeté parfois, affleurent sous la vulgarité de surface. Il suffit
de bien regarder… Si c’est dans le cinéma d’action que le cinéma américain se réinventa dans les années 80/90, c’est
aujourd’hui dans les comédies qu’il respire le mieux, le mélange entre les deux n’étant pas toujours, pourtant, des plus réussis (voir l’hybridation des genres, décevante dans le récent
Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller, et insupportable dans l’épouvantable Délire Express de David Gordon Green). Ce doux revirement, on le doit aux défricheurs que furent
les frères Farelly (revoir Deux en un ou L’amour extra-large, œuvres discrètes et émouvantes en lesquelles s’origine le courant actuel), au mélancolique Wes Anderson, à quelques
acteurs/scénaristes passionnants (Ben Stiller, Owen Wilson, Will Ferrell, Jack Black) et, surtout, à un producteur/réalisateur – Judd Apatow – capable du meilleur (Supergrave), mais
aussi du pire (Rien que pour vos cheveux). Dans ces films, à côté des stars quadragénaires issues du Saturday Night Live, de jeunes comédiens explosent
(mention spéciale à Paul Rudd), passant d’un film à l’autre, produisant un stimulant effet de troupe. Paradoxe, toutefois : il s’agit là bien plus de films d’acteurs ou de producteurs que
d’œuvres de cinéastes. Non, ne cherchez pas, pas de Blake Edwards dans le lot. Tout entiers au service de scénarios savamment échafaudés, les réalisateurs y semblent interchangeables, leur
personnalité – quand ils en ont une, forte – se diluant même parfois au contact de la bande à Apatow (voir le pauvre David Gordon Green, auteur du beau L’autre rive, sombrer dans une
Tarantinerie crétine avec Délire Express).
Et la musique dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien, j’y arrive. Car la scène la plus drôle de l’année figure
dans Frangins malgré eux (Step Brothers), excellente comédie régressive d’Adam McKay. Où l’on apprend comment définir quatre personnages secondaires en une minute trente chrono
et une chanson. C’est la première apparition de cette famille dans le film. Une minute trente, donc, et on les déteste déjà. Ce sont aussi les Guns & Roses, dont le tant attendu ( ?)
Chinese Democracy vient enfin de sortir, qui en prennent pour leur grade. Et même si on vénère leur chef-d’œuvre, Appetite for Destruction, c’est, ici, absolument tordant.
Sweet Child of Mine vs Les Choristes. À ranger juste à côté de l’hommage à Bohemian Rhapsody dans Wayne’s World…
Il y a trop de mauvais documentaires sur le rock, basés sur des
images d’archives ou sur des témoignages de has been, pour ne pas s’attarder sur le splendide film qu’A.J. Schnack a consacré à Kurt Cobain. Ici, pas de décor neutre interchangeable, de fond
noir, de canapé moche et de lumière artificielle de studio, pas la moindre image recyclée (hormis quelques photos de Charles Peterson en fin de dernière bobine), pas de musicien bedonnant ou
perdant ses cheveux, pas de témoignages de pairs admiratifs ou de stars moisies servant de caution people. On est bien à mille lieux du film de Julian Temple sur Joe Strummer, loin de ce truc ne
valant guère plus qu’un pâle bonus dvd qu’a pondu Grant Gee sur Joy Division, très loin aussi du pourtant beau travail d’archiviste de Scorsese sur Dylan. Ce qui différencie About a Son de tant d’autres films du même tonneau, c’est sa radicalité formelle,
ses partis pris esthétiques et narratifs qui devrait aussi – du coup – frustrer pas mal de spectateurs. On ne voit pas Cobain dans le film d’A.J. Schnack. On n’entend pas une note de Nirvana.
Pourtant, on entend Kurt. On n'entend que lui. Qui se livre longuement au journaliste Michael Azerrad. Et ces longs entretiens de fin 1992 et début 1993 forment la matière sonore d’un film
s’envisageant beaucoup plus comme une bal(l)ade au cœur de l’Amérique des eighties (mais aussi d’aujourd’hui) que comme un documentaire de plus sur la rock star grunge. Car entendre le chanteur
parler, c’est finalement entendre un jeune Américain pas si différent des autres. Quand il évoque son enfance, son père, le divorce de ses parents, son mal-être au collège, son apprentissage de
la musique, sa volonté de concilier mélodies pop et énergie punk rock, peu importe qu’il soit la star que l’on sait. C’est finalement une histoire américaine assez simple qui se raconte là, une
histoire à laquelle les images superbes de Schnack offrent un contrepoint impressionniste et photographique envoûtant. Des paysages, des portraits d’habitants (d’Aberdeen, d’Olympia, de Seattle),
des zones industrielles, des routes, pas grand chose d’autre, et c’est pourtant magnifique. Car ce qui s’apparente – pour trouver un équivalent – à un bel album de photographies glanées dans
l’État de Washington est ici rythmé par un montage très inspiré et par des musiques qui sont celles que Kurt évoquait dans ses témoignages, celles qu’il écoutait, celles dont il s’est nourri.
C’est dans cette matière musicale intime, comme une sorte de playlist idéale, que le film trouve de belles résonances avec nos pratiques les plus contemporaines. De Queen à Creedence Clearwater
Revival en passant par Arlo Guthrie, les pistes musicales empruntées – loin du punk rock attendu, souvent – ne surprennent pas qui a lu le Journal de Cobain édité chez 10/18. Finalement,
en s’appuyant sur ces entretiens, About a Son est, de fait, le film le plus fidèle, le plus documenté qui ait été consacré à Nirvana. Et c’est aussi celui – paradoxe – qui se permet de
prendre le plus le large par rapport à son sujet initial… Ne pas se méprendre donc : en s’appropriant dans une séquence étonnante – la seule qui semble un temps
emprunter la voie de la fiction – les travellings d’Elephant (le film de Gus Van Sant), le cinéaste signifie clairement qu’il s’agit plus pour lui de parler de l’Amérique et de sa
jeunesse que de contenter les fans de Nirvana. L’effet n’est pas aussi radical et perturbant qu’avec Last Days, mais on ne cesse de se dire que le film ferait un beau diptyque avec celui
de GVS… Mais aussi, plus bizarrement, avec des films d’errance récents comme Old Joy de Kelly Reichardt ou Gerry de GVS encore… Sans doute parce qu’une même mélancolie, une même
tristesse diffuse s’en dégage… Sans doute parce que les fantômes nous y parlent au creux de l’oreille… Sans doute parce qu’il s’agit, surtout, de films sur la jeunesse, sur ses espoirs déçus
(entendre comme Cobain n’est pas dupe du succès, comme il lui pèse, bien loin des clichés de la rock star fantasque, loin des tabloïds érigeant une figure peu conforme à ce qu’il était
vraiment)… Un an après la fin des entretiens, Cobain se suicide. L’entendre – aujourd’hui dans une salle parisienne, en
2008 – parler de sa fille Frances, de Courtney, de l’avenir du groupe (son envie de dissoudre Nirvana et d’aller jouer avec d’autres musiciens, de retourner à l'anonymat), des massacres dans les
lycées, de son addiction à la drogue pour calmer ses terribles souffrances d’estomac, jette évidemment un voile funeste sur l’ensemble de ce film. Une œuvre triste et belle comme une chanson
d’Elliott Smith, comme une bande dessinée de Craig Thompson, comme une route sous la neige…
(En cherchant bien, le film est visible, dans son intégralité, sur YouTube. Mais le
visionner ainsi, c’est sans doute le meilleur moyen pour gâcher le voyage que le cinéaste propose et que l’immersion dans une salle obscure, seule, saura dignement restituer…)
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