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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 18:17
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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 18:01
Serge Gainsbourg (Initials BB) vs The Beastie Boys (Right Right Now Now)
DJ Zebra : Initials (B)eastie (B)oys
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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 15:23
Et si The Pipettes avait été le nom des Spice Girls dans les années 60 ?
Et si The Pipettes n’était que le fantasme d’un producteur « spectorien » en mal de « mur du son » ?
Et si The Pipettes n’était que la version « mainstream » de The Go Team ?
Et si The Pipettes avait été le premier « girl group » issu de la télé-réalité ?
Et si le directeur de casting de The Pipettes était aussi incompétent que leur compositeur est brillant ? (voir les clips et bâiller)
Et si quelque chose, niveau charisme, clochait vraiment avec The Pipettes ?
Et si The Pipettes avaient été signées chez Swan Records et si le réalisateur de leurs clips s'appelait Brian de Palma ?
Et si The Pipettes s'appelaient "Les Pipelettes", est-ce que Michel Polnareff leur aurait consacré une chanson ?
Et si The Pipettes n’était pas la sensation annoncée mais juste un truc joyeux, léger, anecdotique et ensoleillé pour bien terminer l’été et mieux entamer nos journées ?
Et si j'allais voir The Pipettes au Festival des Inrocks en novembre ?
Et si The Pipettes était un chewing-gum à la fraise ?
 
Site officiel : http://www.thepipettes.co.uk/


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8 septembre 2006 5 08 /09 /septembre /2006 00:30

Sonic Youth à Rock en Seine 2004

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6 septembre 2006 3 06 /09 /septembre /2006 16:14





L’ANGOISSE DE LA POPSTAR EN SON MIROIR
(texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma)

« Beau oui comme Bowie », faisait chanter Serge Gainsbourg à Isabelle Adjani. En 1999, dans le clip de Thursday’s Child, David Bowie est-il toujours si beau ? Saisi du syndrome Clint Eastwood, le voici mis en scène en homme vieillissant, laissant apparaître ses rides, ses doutes et, surtout, sa peur de ne plus être aimé, lors d’une scène domestique laissant loin derrière le souvenir des flamboyances « glam » des seventies. Dans sa salle de bains, face à un miroir, Bowie s’observe. En fond sonore, une chanson - Thursday’s Child donc - accompagne cette prise de conscience du temps qui passe, sans que l’on sache vraiment si celui que l’on voit à l’écran est bien l’interprète du titre ou un nouveau personnage que jouerait le chanteur.

Bientôt pourtant, l’image que lui renvoie le miroir n’est plus tout à fait la sienne, elle se désynchronise donnant à voir celui qu’il fut trente ans auparavant. Mais cet Ennemi dans la glace - pour reprendre le titre d’une belle chanson d’Alain Chamfort - est-ce vraiment lui ? Et cette jeune fille mutine qui, de l’autre côté du miroir, le regarde amoureusement, est-ce bien la version rajeunie de cette femme qui, juste à côté, ôte ses lentilles de contact sans plus faire attention à lui ?

Avec Thursday’s Child ce n’est évidemment pas la première fois que Bowie se confronte à son image ou à la fabrication d’un double. La pochette de l’album Hours, d’où est tiré ce morceau, figure elle-même une sorte de piéta où Bowie s’est à nouveau dédoublé. Et, même si l’on en est proche, ce clip n’annonce pas non plus tout à fait le principe de démultiplication décliné quatre ans plus tard dans la fameuse publicité pour Vittel. Dans celle-ci, au son d’une chanson opportunément intitulée Never Get Old, Bowie croisera en effet chez lui autant de clones correspondant aux multiples incarnations de sa longue carrière. Il réendossera pour la marque d’eau minérale les costumes et maquillages portés dix, vingt, trente ans auparavant, alors que le jeune homme auquel il est confronté dans Thursday’s Child ne porte pas de masque. Cette fois, pas de personnage à jouer pour mettre à distance les effets du temps qui passe.

Dans Thursday’s Child, le personnage rajeuni est incarné par un comédien qui ne lui ressemble même pas, une sorte de fantôme inexpressif et inquiétant au visage lisse, bien trop lisse. Ici, la confrontation avec celui que l’on fut ne se joue pas sur le mode de la farce et du clin d’œil (cf Vittel) mais correspond plutôt à une véritable dépossession de l’être. Elle est même plus inquiétante encore car, définitivement, pour Bowie comme pour le téléspectateur, l’image renvoyée par le miroir ce n’est pas lui !

Succédant aux clips réalisés par Sam Bayer et Floria Sigismondi - où Bowie portait à chaque fois un nouveau masque, trônant au milieu d’images hautement esthétiques en une sorte d’hyper-incarnation de lui-même - l’album Hours signifiait pour le chanteur un retour à la simplicité d’arrangements pop abandonnant les sophistications des machines et des ordinateurs. Depuis cette époque, d’ailleurs, remarquons qu’il n’est plus looké comme il le fut jusqu’alors. Il apparaît désormais, en interview ou en concert, plutôt simplement, tel qu’on pourrait l’imaginer au quotidien. Thursday’s Child correspondrait alors à un tournant, à une transition, dans la mise en scène de la figure Bowie. Celui-ci serait avant tout le clip émouvant d’un artiste qui n’est plus si sûr de plaire, celui d’un sex-symbol abordant ici le thème bien peu sexy de la routine dans le couple et du vieillissement du sentiment. Ce retrait, cette mise à distance de son image de superstar, est telle qu’il faut bien préciser que Bowie n’apparaît d’ailleurs pas vraiment ici en tant que chanteur.

Et justement cette vidéo m’avait d’abord marqué par son mixage et par sa manière inhabituelle de faire passer la musique au second plan (comme si le passage obligé du film promotionnel était devenu un prétexte pour exprimer, via l’image, quelque chose de bien plus profond). Si le reflet que renvoie le miroir n’est pas synchrone avec le présent, il en va de même de la chanson et de son interprète. Devant la glace, tandis que la radio diffuse le morceau, Bowie se tient immobile, silencieux. Libéré de la nécessité du playback, l’artiste semble las, il ne fait même plus l’effort de chanter, ne cherche plus à donner l’illusion du live. Après quelques secondes, le voici pourtant qui chantonne quelques bribes de paroles. À contretemps, absent, voire légèrement faux. La désynchronisation entre la chanson et la voix du personnage, la part grandissante des bruitages recouvrant la musique (un robinet qui coule) traduisent à quel point, plus que la performance de l’artiste (le tout-venant du clip), c’est ici l’image et le scénario qui comptent le plus.

Jamais depuis Da Funk de Daft Punk et ses bruitages urbains recouvrant la musique, un clip n’avait été si ouvertement contre-productif. A-t-on, pour preuve, souvent entendu dans un clip la toux du comédien-chanteur se superposer à la mélodie ? Très concrètement, le morceau Thursday’s Child est intégré au récit comme n’étant rien d’autre qu’une chanson pop passant à la radio tandis que l’on fait autre chose. Bref, si on y regarde de plus près, ce clip commercialement suicidaire vend un single dont on nous suggère qu’il n’est qu’un bruit de fond que l’on fera taire en tournant l’interrupteur du poste de radio (tâche incombant, de manière symbolique, à la femme qui, en l’éteignant, oblige Bowie à se taire, suspend le clip et du même coup le cours de sa rêverie). Back to Reality, pour reprendre le titre du dernier album de Bowie...

Alors sans doute fallait-il en passer par là pour nous faire oublier la classe innée de l’artiste et nous permettre de croire en cet homme flippant de se voir si vieux en son miroir, en cette popstar mélancolique consciente que son âge d’or est passé et qu’elle n’est plus qu’un produit parmi d’autres. Toutefois, on ne pourra faire l’économie d’un détour par Oscar Wilde même si l’on sait à quel point la comparaison entre l’auteur de Space Oddity et Dorian Gray est devenue un lieu commun encouragé tant par d’incessantes transformations physiques (le rôle de vampire qu’il tint en 1983 dans Les Prédateurs de Tony Scott par exemple) que par un film de fan comme le Velvet Goldmine de Todd Haynes. Toujours est-il que ce clip vient directement travailler cette analogie tout en l’inversant. Bowie ne croit plus à l’éternelle jeunesse.

Le miroir - tel un film, une photo, un vidéo-clip, bref comme tout support d’enregistrement - conserve l’image de sa jeunesse, mais David Bowie, lui, vieillit bel et bien. Fini le temps de la science-fiction et de la jeunesse éternelle pour Ziggy Stardust, l’homme qui venait d’ailleurs. Rien à dissimuler ici. Pas de portrait à cacher puisque aucun pacte faustien ne vient préserver du vieillissement les traits de la star. Étrangement, Outside et Earthling, les derniers grands albums de Bowie, ont plus de dix ans. Est-il nécessaire de préciser que tous deux ont été enregistrés avant ce Thursday’s Child ?


Les Bandes du sous-sol :

http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=3431

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6 septembre 2006 3 06 /09 /septembre /2006 16:04
À propos de Miami Vice de Michael Mann
Texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma
http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=4217
 
 
« Le détail qui tue », énième résurgence. Lors de leur escapade romantique à La Havane, le flic Sonny Crockett (Colin Farrell) et la mystérieuse Isabella (Gong Li) dégustent leurs mojitos dans un bar cubain à l’ambiance musicale enfiévrée. Suit une scène de séduction et de danse rappelant malheureusement les moments les plus kitchs du Mission : Impossible 2 de John Woo. Problème : devant les inserts du groupe cubain et du chanteur à l’œuvre, il est criant pour le spectateur qu’il n’a pas affaire ici à une prise directe de la musique, que ce que l’on entend n’est qu’une bande maladroitement plaquée sur des images voulant donner l’illusion du « live ». Le contexte filmé nécessitait une prise de son réaliste. On l’a remplacée par une facilité de post-production particulièrement choquante à l’oreille. Comment a-t-on pu laisser passer cela au mixage ? Ce hiatus soudain entre ce qui est vu et ce qui est entendu surprend d’autant plus quand on connaît le soin apporté aux moindres nuances sonores par Michael Mann dans les scènes de fusillades (tant dans Heat que dans Miami Vice, où les crépitements réalistes des armes à feu font déjà 50% de l’efficacité de ces séquences).
 
Pourtant, à bien y réfléchir, ce détail sonore – moins anodin qu’il n’y paraît – trahit surtout un problème plus général : le statut des deux personnages principaux interprétés par Colin Farrell et Jamie Foxx qui souffrent, à mon avis, d’être « surprotégés » par le scénario. Ainsi, tant dans la fiction (ils s’infiltrent au sein d’une organisation criminelle, jouent donc un rôle) que dans le déroulement du film, le simulacre et plus précisément le playback – c’est-à-dire, pour un chanteur, l’assurance de ne pas se tromper – semble être le « modus operandi » choisi par les acteurs et par le réalisateur. D’un côté, Mann « sécurise » son projet et nuance ses stimulantes velléités expérimentales en recourant plus que de raison à des morceaux FM fort embarrassants mais venant au moins reposer le spectateur malmené par un montage trépidant. De l’autre, Farrell et Foxx jouent leur partition sans se forcer et en gardant toujours l’œil sur un scénario qui, malgré son apparente précipitation, jamais ne les prendra de cours. Du look de mannequin « porte-fringues » arboré par Farrell au déploiement de moyens de transport dernier cri en passant par cette bande-son déjà datée où Moby (habile sampleur lui aussi) remplace avantageusement le Phil Collins de la série télé, l’artifice, la démonstration d’un luxe tapageur et le toc ne cessent d’interférer avec le traitement réaliste voulu sur le papier par Mann.
Dans Miami Vice, pourtant, la photo est sublime, l’ambition affichée du réalisateur est prometteuse : tout glisse à la vitesse de l’éclair (dans l’air, sur la mer, sur les routes), selon des enchaînements rythmiques et un montage heurté apparentant Mann à un stupéfiant DJ (tout du moins durant les vingt premières minutes, proprement ahurissantes). Le scénario, elliptique, dégraissé des moindres scènes de transition, ne privilégie que les mouvements, la pulsation, les gestes, les postures, les tronches et la dépense physique. Pourquoi pas. Mais cela, qui séduit au départ, handicape le film dès lors qu’il prétend nous intéresser à ses personnages et à leur psychologie de bazar.
 
Surtout, nos deux héros déroulent leur savoir-faire sans presque jamais risquer – littéralement – leur peau. Il est rare, dans ce type de polar, de ne pas voir les héros, saigner ou souffrir, bref être mis, à un moment ou un autre, physiquement en danger. En cela, Foxx et Farrell apparaissent comme les antithèses d’acteurs masochistes tels Clint Eastwood, Bruce Willis ou Mel Gibson. Pures surfaces iconiques (voir les affiches), ils paraissent toujours en léger décalage avec la violence de leur environnement. Point de torture ni de passage à tabac ici – peu, non plus, de contacts physiques avec autrui si ce n’est pour deux scènes de cul assez ratées – on risquerait de froisser les belles fringues du duo… Loin, donc, des flics pourris et vulnérables de William Friedkin, loin même du policier cabossé incarné par Al Pacino dans Heat, les deux acteurs planent au-dessus du film, icônes frimeuses pour magazine de mode (ah ! les tongs de Farrell !). Dans la sécurité de ce schéma redoublant, dans la direction d’acteur, le principe du playback, Foxx/Tubbs et Farrell/Crockett assurent tranquillement, avec professionnalisme, souvent à distance (mails, téléphones, etc.). Les autres morfleront pour eux. En l’occurrence les femmes. Dans la dernière demi-heure (assez prenante, avouons-le), la souffrance et la mise en danger sont transférées, de façon fort symétrique, sur les compagnes des deux héros, tour à tour prises en otage par de vilains trafiquants, néo-nazis de surcroît. Résultat : les deux héros archétypaux, qui jamais n’ont dérogé aux figures imposées (sagesse et retenue pour Tubbs ; passion et tentation pour Crockett), sortent du film immaculés, comme si les événements n’avaient pas vraiment eu de prise sur eux. Comme dans la série télé, ils sont prêts à rempiler pour une nouvelle mission, pour un autre épisode. Et rien n’aura vraiment changé. D’où cette impression persistante de simulacre, d’une mission effectuée sans vraiment se mouiller, assurée par un constant filet de sécurité.

Sans doute est-ce à cause de ce manque d’implication des personnages que Miami Vice sonne si creux. C’était déjà l’absence de réelle mise en danger de Foxx dans Collateral – le choix aussi d’y privilégier l’humour à la tension (la scène où il se faisait passer pour le tueur à gages) – qui trahissait la grosse faiblesse d’un film surévalué et dont le scénario banal ne valait pas une mise en scène si brillante. De mon point de vue, Michael Mann ne fut jamais aussi bon qu’au début des années 90 (Le dernier des Mohicans, Heat), paradoxal point mort de sa carrière. Il abandonnait alors le maniérisme esthétique des années 80 (La forteresse noire, Manhunter) et la cohérence du récit primait encore sur les expérimentations en HD entamées avec Collateral. C’était avant que l’industrie hollywoodienne – et la critique – lui offrent le siège en or du « super-auteur-dynamitant-les-règles-des-studios », cette place qu’un John McTiernan ou un Brian de Palma n’auraient jamais dû perdre…

Pour en revenir à Miami Vice, on pourra toujours s’amuser de l’ironie qui rattrapa l’invincible Colin Farrell dans la vraie vie. Faisant, côté coulisses, l’expérience d’une vulnérabilité méconnue par son avatar Sonny Crockett, il fut en effet, durant le tournage même, victime d’une grave surdose. Un comble pour un acteur jouant le rôle d’un flic infiltré dans une organisation de trafiquants de drogue…
 
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6 septembre 2006 3 06 /09 /septembre /2006 15:49

ÉLOGE DU FRANCHISSEMENT

(texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma)

On ne compte plus les clips alternant artificiellement scènes de concert et mini-fictions glissées par la grâce du montage dans les détours de la captation. Pesant b-a-ba du clip, l’alternance entre une musique jouée live (ou faisant semblant de l’être) et une fiction n’ayant souvent pas grand rapport avec le morceau concerné s’apparente fréquemment au symptôme par lequel des réalisateurs de clips trahissent un assez répandu complexe d’infériorité vis-à-vis du septième art.

Dans ce registre, on relève essentiellement deux cas de figure. Le premier : pour le meilleur et souvent pour le pire, l’artiste est aussi acteur de la fiction qui vient habiller son clip, celle-ci se transformant dès lors en une sorte de comédie musicale hybride où le playback s’érige en passage obligé et où l’interprète se retrouve tiraillé entre son tout nouveau statut de personnage de fiction et celui de performer auquel il est plus habitué. Le deuxième, plus courant : l’artiste ne fait rien d’autre que ce qu’il a à faire tandis que des acteurs professionnels s’ébrouent dans un simulacre de court métrage artificiellement greffé aux pulsations rythmiques du morceau. Dans ce second cas, l’usage du montage parallèle s’impose souvent comme une sorte de degré zéro de l’inventivité, le procédé renvoyant aux années 80, aux balbutiements d’un genre se rêvant en long métrage sans pour autant oser se débarrasser de la figure de l’interprète. Cette hésitation qui fut le lot du clip durant de nombreuses années, la musique électronique allait permettre de s’en affranchir dès le milieu des années 90. Avec elle, dès lors que les musiciens redevenaient anonymes, la dimension narrative caressée par de nombreux réalisateurs pouvait en effet se déployer sans complexes (cf Da Funk de Daft Punk évoqué ici il y a quelques mois).

Pourtant, nombreuses demeurent les vidéos empêtrées dans ce paradoxe. Elles ont ceci d’intéressant que leur refus d’établir un contact entre les deux champs - ou, au contraire, leur manière d’y parvenir - permet de pointer l’une des principales problématiques auquel se trouve confronté un réalisateur de clips.

Dans cette tension entre appel de la fiction et nécessité de filmer les artistes, les clips de Sonic Youth proposent une troisième voie stimulante. Dans Corporate Ghost, le dvd regroupant leurs vidéos, les membres du groupe se présentent presque toujours instruments à la main. Jamais ils n’endossent un autre rôle que le leur. L’inverse eut été difficile tant ce sont bien des teenagers qui tiennent presque systématiquement les rôles principaux de leurs clips... Sur le fil de ce déséquilibre lié à la volonté de filmer à la fois le groupe et une certaine jeunesse américaine, beaucoup de leurs vidéos paraissent donc appartenir au champ honni dans lequel les musiciens jouent en toile de fond d’une fiction à laquelle le réalisateur accorde toute son attention. Elles se rangeraient sans ambiguïté dans cette catégorie où les rôles sont clairement délimités et où le caractère fictionnel est pris en charge par des comédiens et non par le groupe. Pourtant, à y regarder de plus près, rien n’est moins sûr. Car les clips de Dirty Boots et de 100%, tous deux réalisés par Tamra Davis, évoquent justement cette tension en mettant en scène deux situations correspondant à cette délicate répartition, à ce vertigineux équilibre entre fiction et enregistrement.

On trouve tout d’abord dans ces deux vidéos une même distribution des rôles et un semblable balancement entre musique et fiction. D’un côté, Tamra Davis y filme le groupe dans ses œuvres (assumant le registre du live, de la musique, de la captation) ; de l’autre elle y met en scène de jeunes fans (assumant le registre du jeu, du cinéma et de la narration). Mais ces deux facettes sont toujours liées : s’ils racontent une histoire et alternent classiquement les deux registres, on retrouve ici la volonté que l’histoire soit bel et bien reliée à une situation musicale crédible. Bref, si l’on entend le groupe, c’est bien parce que les protagonistes se trouvent dans le même lieu que lui. Dans Dirty Boots, l’histoire se déroule ainsi pendant un concert... de Sonic Youth. Dans 100%, même si quelques flashbacks narratifs nous détournent de la prestation de Sonic Youth, c’est dans une maison où squattent une bande de jeunes skateurs que la formation de Thurston Moore se produit le plus naturellement du monde. D’un clip à l’autre, la scène où joue le groupe s’est transportée de la salle de spectacle traditionnelle au salon d’une maison de la classe moyenne. Ce qu’il faut relever avec 100%, c’est qu’en substituant au disque que l’on laisse tourner sur la platine du salon le groupe en chair et en os, sur place, la réalisatrice a fait de Sonic Youth une sorte de formation rock de proximité grâce à laquelle paraissent s’effacer les frontières entre fans et artistes.

Cette familiarité avec les musiciens à laquelle rêve tout un chacun lors d’un concert de rock, 100% en prend donc acte d’emblée (dès le début du morceau, le groupe appartient au cadre domestique, l’espace scénique n’existe plus), alors que le clip de Dirty Boots, deux ans plus tôt, ne faisait que le préparer.

L’action de Dirty Boots se déroule pendant un concert, lieu traditionnel d’exécution de la musique rock. L’espace filmé se répartit entre la scène et la salle. Ce morceau condense en réalité, en quelques minutes, les différentes phases d’un concert du point de vue du public : l’arrivée dans le lieu, l’excitation montant peu à peu, l’entame du spectacle, son crescendo. Le nombre de plans consacrés au public est au moins double au temps de présence effectif de Sonic Youth à l’image. Si ce clip est narratif, dire qu’il raconte une histoire bien précise serait exagéré. S’y distinguent très vite deux couples : d’un côté, une jeune adolescente aux yeux maquillés de noir portant un tee-shirt Nirvana et un teenager aux cheveux longs ; de l’autre, un peu plus âgés, une métisse et un jeune homme à casquette orange plutôt entreprenant. Les deux adolescents ne se connaissent pas, ils se voient de loin, se sourient. Les deux autres, à l’inverse, nous sont présentés flirtant langoureusement près du stand de tee-shirts. Les premiers sont d’abord là pour la musique, la présence de l’autre ne les distrayant d’abord que très peu du concert. Le second couple ne fait, lui, guère attention au groupe, s’affalant sur le stand de produits dérivés siglés « Sonic Youth » au grand désespoir du vendeur. En un mouvement parfaitement symétrique, les uns vont se rapprocher grâce aux oscillations de la foule tandis que les autres vont se séparer, se disputer et finir par suivre le concert chacun de leur côté.

Ce qui nous importe ici, c’est comment se distribue - via la mise en espace - ce qui tient du récit résumé ci-dessus et ce qui a trait, plus directement, à la prestation du groupe. Trois minutes durant, l’espace paraît strictement délimité : la scène/la salle. Ça ne se mélange pas, le montage alternant les plans sur les musiciens avec d’autres sur la foule des spectateurs. Si les têtes ou les mains des fans apparaissent parfois en amorce des plans sur les musiciens, le rapprochement entre les adolescents et le groupe se fait surtout indirectement, d’abord par le biais du montage et, plus précisément, grâce à de belles surimpressions les plaçant dans la même image.

Si les deux espaces ne communiquent pas, on sait bien pourtant, aujourd’hui, que le franchissement est devenu pratique courante lors des concerts de rock. La pratique du « crowd surfing », où les fans les plus téméraires grimpent sur scène et s’en élancent pour être portés à bout de bras par le public en témoigne régulièrement (le clip de Dirty Boots est d’ailleurs l’un des premiers à avoir montré cela). Ce ne sont pas seulement les spectateurs qui peuvent ainsi casser la répartition topographique de la salle de concert. Certains chanteurs (Didier Wampas, Mathias Malzieu de Dionysos) ont pris l’habitude de plonger dans la fosse et de se laisser ainsi porter par leurs fans. À côté de ces incursions intempestives, certains artistes ont aussi mis en place, de manière moins spontanée, des moments où le franchissement par les spectateurs est autorisé. Ainsi, lors de leur dernière tournée, Iggy Pop & The Stooges ou Beck faisaient-ils monter sur scène quelques dizaines d’entre eux pour la durée d’un ou deux morceaux. Chez Beck, même, les plus téméraires étaient encouragés, à s’approprier les instruments délaissés (deuxième batterie, tambourin, etc.) et à accompagner le groupe.

En 1984, dans un fameux clip de Bruce Springsteen réalisé par Brian de Palma (ici), la toute jeune Courteney Cox venait in fine rejoindre le « Boss » sur scène pour danser avec lui au rythme du tube Dancing in the Dark. C’est, étrangement, à ce clip un rien démagogique que l’on pense en voyant celui de Dirty Boots. On y retrouve un même parfum d’années 80 et surtout une semblable répartition entre espace de la fiction (celui où se tient la comédienne) et espace scénique (celui où Springsteen interprète le morceau).

Si c’est la vedette qui, ici, brise la frontière, c’est de leur propre chef que les deux adolescents de Dirty Boots finissent par grimper sur scène. Dans Dancing in the Dark, Springsteen finissait par danser avec Courteney Cox alors que Sonic Youth ne prête pas la moindre attention à la présence des deux adolescents (ce n’est pas encore le « groupe de proximité » montré par le clip de 100%...). Surtout, si danser avec l’idole correspond à l’accomplissement d’un rêve pour le personnage de Courteney Cox, les deux adolescents ne grimpent, chez Sonic Youth, sur la scène que pour se retrouver hors de la cohue, échapper au pogo qui les éloigne l’un de l’autre, et enfin échanger un baiser. Cette différence est de taille car, dans le clip de Tamra Davis, contrairement à celui réalisé par de Palma, les deux camps ne se rencontrent pas vraiment, ne communiquent pas. S’ils finissent par occuper le même espace, on ne mélange tout de même pas les comédiens avec les musiciens. La preuve ? Nos deux amoureux, enfin rassemblés, sont illico expulsés de la scène par deux roadies.

Le lien entre le public et l’artiste paraît donc moins problématique chez Springsteen. Logique tant son image est celle d’un artiste proche du peuple et tant Sonic Youth véhicule, à l’inverse, celle de musiciens arty et intellos. Le franchissement n’est pas, dans le clip de Springsteen, de l’ordre de l’intrusion. Pourtant, à y regarder de plus près, tout, dans la mise en scène, dénonce le caractère profondément artificiel de cette généreuse posture (les vidéos n’ayant d’ailleurs jamais été le fort de Springsteen). Pendant les deux tiers de la chanson, le réalisateur n’a en fait d’yeux que pour la superstar. Le public - masse informe - n’a droit à aucune considération, il n’est absolument pas filmé. Le « Boss » semble regarder chacun(e) de ses fans dans les yeux, mais de Palma s’interdit les contrechamps. Tout juste voit-on parfois, en amorce du plan, les bras tendus en l’air des groupies... Il faudra en fait attendre plus de deux minutes pour que la multitude soit identifiée par le joli minois de Courteney Cox. Et ce n’est que pour les vingt dernières secondes du morceau (durant le solo de saxophone du second rôle Clarence Clemons, quand Bruce ne chante plus), que la traversée du miroir aura lieu et qu’elle sera autorisée à le rejoindre sur scène. Certes, le fading et le fondu au noir sur lesquels se conclue le clip suggèrent que la danse continue au-delà des images, mais le franchissement s’apparente ici à une simple chute, telle celles que l’on plaque artificiellement sur de mauvais courts métrages. Aux antipodes de ce clip où de Palma se range ouvertement du côté de la star, contre un public uniquement destiné à le mettre en valeur (à chaque stade, sa jolie spectatrice élue pour la soirée, imagine-t-on...), les teenagers et l’ambiance dans la salle sont bien ce qui intéresse le plus Tamra Davis.

Enfin, si Sonic Youth reste sourd à la romance naissant sous son déluge de décibels, le lien entre les musiciens et les fans passera pourtant in extremis dans les dernières secondes. Exit les deux adolescents amoureux, fausse piste d’un récit qui leur accordait jusqu’alors les premiers rôles. Plutôt que par l’intrusion de spectateurs dans l’espace réservé au groupe, la communication entre la scène et la salle se fera par là où l’on ne l’attendait pas : à la toute fin du morceau, le batteur jette une de ses baguettes dans le public. Celle qui la réceptionne n’est autre que la jeune métisse que la réalisatrice avait abandonné deux minutes plus tôt pour se concentrer sur l’idylle naissante des deux adolescents. Le contact enfin établi entre une spectatrice et le groupe, s’il se fait par le truchement d’un simple objet, n’en est alors que plus crédible. Lié à un geste ritualisé (le lancer de baguette), il abolit la séparation spatiale scène/salle qui prévalait durant tout le clip pour conclure sur un sourire qui, cette fois, n’a plus rien de factice ni d’improbable.


Les Bandes du sous-sol :

http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=3709
 
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6 septembre 2006 3 06 /09 /septembre /2006 15:43





CLIP ET MÉTACOMMENTAIRE
(texte initialement publié sur le site Objectif Cinéma)

Comme je le disais voici quelques mois à propos d’un clip de Dominique A, tourner une vidéo pour promouvoir un single paraît, dans l’industrie du disque, être la chose la plus naturelle. Pourtant, qui parle de musique ne parle pas forcément d’image. Nous avons déjà vu que certains artistes tentent de résister à cette obligation et préféreraient sans doute ne pas apparaître à l’écran... du moins pas comme le métier entend que l’on se montre dans un clip. Avec celui que Roman Coppola signe pour le groupe Versaillais Phoenix en 2002, c’est plutôt des atermoiements du réalisateur lui-même qu’il est question. Que faire lorsque l’on ne sait plus quoi tourner pour honorer la commande ? Comment réaliser un clip original quand le budget est nul ? Comment mettre en images une chanson ayant pour principal défaut de durer neuf minutes ? C’est le récit de ces questionnements que déroule le clip de Funky Squaredance.

En 2002, cette vidéo bricolée avec les moyens du bord s’apparentait aussi au symptôme annonciateur d’une évolution conséquente quant à l’appréhension du genre. Ainsi, certains clips pouvaient être envisagés comme des œuvres à part entière, des revues de cinéma daignaient en parler et des festivals les accueillir... Une poignée d’années avant que soient édités des DVD consacrés aux réalisateurs plutôt qu’aux interprètes (la collection « Directors Label »), trois ans avant qu’un Gondry - par la grâce d’une apparition discrète dans Walkie Talkie Man de Steriogram - ne se pose au sein d’une vidéo qu’il dirige en premier « réalisateur star » de l’histoire du clip, Roman Coppola imposait déjà, avec Funky Squaredance, le réalisateur comme seul et véritable « auteur ».

Si Funky Squaredance est le clip le plus personnel qu’il m’ait été donné de voir, c’est parce que son parti pris, inhabituel, est de laisser les manettes de contrôle au seul Roman Coppola. Et c’est surtout parce que cette liberté qu’on lui octroie est le sujet même de la vidéo. Pas de compromissions ici, pas de négociations entre le groupe et le réalisateur, plutôt la délégation totale et bienveillante d’une chanson changeant de nature en même temps qu’elle change de média, en même temps qu’elle passe de la sphère musicale à la sphère cinématographique. Pour simplifier, on pourrait dire qu’au moment de faire le clip, le groupe exprime clairement qu’il n’est plus concerné, que ce n’est plus son domaine de compétence, choisissant de s’en remettre totalement à un professionnel de l’image. Celui auquel Phoenix s’adresse est l’un des réalisateurs jonglant le plus habilement avec les concepts, l’un de ceux grâce auxquels le vidéo-clip est entré de plain-pied dans cet âge de la reconnaissance.

Funky Squaredance, le film, commence donc par un carton où Coppola explique qu’en octobre 2001 Phoenix lui a demandé de réaliser le clip du troisième extrait de l’album United. Suivent des plans rapides sur les différents mails échangés par le réalisateur et les membres du groupe. Il apparaît très vite que le clip aura un budget quasiment nul puis que l’idée de Coppola est d’en faire une sorte de fourre-tout guidé par les sentiments que lui évoquent la chanson et dans lequel il s’investira autant, voire plus, que le groupe. La commande devient ainsi journal intime, carnet de notes, flux mental mélangeant petites animations sommaires, longs pavés de texte, photos de famille, extraits de films, archives vidéos, etc. Rarement l’implication d’un groupe aura été si peu visible, Phoenix s’effaçant littéralement pour ce clip que Coppola prend (avec leur bénédiction) complètement en otage. À tel point que c’est seulement vers la fin de la chanson que le réalisateur daignera - à travers une photographie noyée dans un déluge d’images - nous dévoiler le visage des musiciens. Ce n’est que deux ans plus tard, pour Everything is Everything, que Coppola - pour s’excuser ? - filmera finalement Phoenix à l’œuvre, instruments en main, sur scène.

Profondément égocentrique, malin derrière ses dehors humbles et fauchés, Funky Squaredance est aussi, reconnaissons le, un clip qui ne pourrait être celui de n’importe quel réalisateur. C’est bien celui de Roman Coppola, « fils de » et « frère de »... et cela a tellement d’importance ici que le name-dropping y fleurit, l’auteur prenant aussi le risque d’irriter le spectateur avec des phrases d’enfant gâté aussi lapidaires que « I love my family », « My parents are artists. You know about my dad’s work » ou encore « I admire Marcello Mastroianni’s style. I get my shirts made at his old tailor, Albertelli in Rome ».

À l’inverse de nombreux « fils de » ou « fille de », Roman et Sofia ne paraissent pas souffrir du poids de leur hérédité. Ils assument pleinement leur nom (contrairement à leur cousin Nicolas Cage), en joue même carrément, bien à leur place dans la logique de roman familial qu’illustre exemplairement la trilogie du Parrain. Roman n’a-t-il pas été réalisateur de deuxième équipe sur Dracula et sur Lost in Translation ? N’a-t-il pas fait jouer Jason Schwartzman, le fils de Talia Shire - la sœur de Francis - dans CQ  ? Jason Schwartzman ? Celui-là même qui fut révélé dans Rushmore, le film de Wes Anderson. Anderson ? Le jeune prodige auquel Roman Coppola prêta son concours sur les prises de vues de La vie aquatique... Un arbre généalogique touffu ne suffirait pas à dessiner les différentes imbrications existant entre ces personnalités dont le talent ne doit heureusement rien aux liens du sang. Tout cela pour dire que l’omniprésence de Roman Coppola charrie inévitablement ici et là quelques allusions à son père ou à sa sœur (évoquée à plusieurs reprises et qui apparaît en photo dès les premières minutes) ainsi qu’à leurs carrières respectives ou à quelques personnalités satellites tel le groupe Air (qui signa la musique de Virgin Suicides).

Le danger avec ce type de procédé mélangeant autobiographie et tâtonnements artistiques, c’est qu’il favorise la tentation de se réfugier dans l’autocitation et les clins d’œil complaisants. Dans sa nouvelle Octet, parue dans Brefs entretiens avec des hommes hideux, l’écrivain américain David Foster Wallace écrit, s’adressant à un auteur fictif abusant du métacommentaire, le danger qu’il encoure. Ses propos reviennent forcément à l’esprit quand on voit le clip de Coppola : « Peut-être que vous ne parviendrez qu’à avoir l’air d’un connard centripète, c’est tout à fait possible, ou d’un énième baratineur pseudo-postmoderne qui essaie de sauver sa peau en jetant son fiasco dans une dimension méta pour en faire l’éxégèse ». La question se pose alors : Funky Squaredance est-il le récit d’une impuissance à trouver de nouvelles idées ou, au contraire, la vraie « bonne idée » ? Plus important - et cela me fait pencher pour la deuxième hypothèse - le principe du collage choisi par Coppola, loin d’être gratuit, correspond idéalement à la structure hybride d’une chanson qui, elle-même, procède par juxtaposition d’influences : en neuf minutes, Funky Squaredance se divise effectivement en trois parties distinctes mélangeant des registres aussi différents que la ballade électro vaporeuse, la country, le disco, la soul ou le heavy metal.

Dès lors, Roman Coppola se permet tout. Son appropriation de l’outil informatique pour pallier l’absence de budget lui permet d’élaborer un journal filmique bâti de textes, de musique, de photos, d’images éparses rappelant fortement la manière de Jonathan Cahouette, le réalisateur du bouleversant Tarnation (2004). Dans cette logique d’assemblage proche du sampling, Coppola mélange les sources d’images, flirte avec le cinéma expérimental et intégre même à sa vidéo des extraits d’un autre clip (celui qu’il réalisa avec sa sœur pour le Playground Love de Air), quelques plans de Paris Brûle-t-il ? (dont son père co-écrivait le scénario quand il est né en 1965), voire - passage génial et gonflé - un home movie où sa petite amie, Frankie, se livre à une parodie de danse lascive, utilisé ici simplement parce qu’il faut dans tout bon clip une jolie fille qui danse (« Yeah ! Every video needs a chick in it ! (...) So here’s a clip of Frankie dancing in her apartment »).

Si l’on a l’impression, en voyant Funky Squaredance, d’être devant une chaîne musicale qui zapperait toute seule d’un clip à l’autre, c’est aussi parce que Roman Coppola profite de l’opportunité pour tester quelques idées saugrenues, des ébauches pour d’autres vidéos. Cela pourrait n’avoir ni queue ni tête. Et pourtant les cartons qui se succèdent tracent la cohérence d’une bande dont le fil directeur est tout simplement l’omniprésence du réalisateur, cette démarche « auteuriste » plus qu’assumée qui valut à ce clip d’intégrer la collection permanente du Musée d’art moderne de New-York.

On peut voir aussi dans ce clip le questionnement d’un réalisateur reconnu sur la nature de la commande, sur les bienfaits de l’artisanat, du bricolage et, surtout, sur sa place au sein de l’industrie du disque. Des interrogations peut-être pas si éloignées de celles qu’a pu avoir son père quant à sa place à Hollywood dans les années 70. CQ, le premier long métrage de Roman Coppola réalisé en 2001 et sorti en France début 2003, raconte lui aussi l’histoire d’un cinéaste confronté à la commande. Situé à la fin des années 60, il met en scène un jeune monteur pétri des influences de la Nouvelle vague qui se trouve amené à remplacer le réalisateur d’une série Z de science-fiction et à remiser ses ambitions artistiques au placard. Un tel argument résonne évidemment très fort, quoique de manière un peu décalée, avec les interrogations que formulent les neuf minutes de Funky Squaredance.

Plus précisément, CQ fait alterner deux registres qui se mêlent harmonieusement : le film intimiste (tel celui que souhaite réaliser Paul Ballard, son héros) et la série Z (les différentes séquences du film de SF qu’il doit diriger). Coexistent ainsi deux films dans le film : Dragonfly, le film officiel, et le "work in progress" de Paul, celui qu’il réalise chez lui grâce aux chutes de pellicule du tournage sur lequel il est employé. Dès lors que l’on a pu voir Funky Squaredance, cet "Untitled Project", comme Paul le baptise à l’occasion d’un « Festival international du film d’auteur », nous éclaire très nettement sur la place de Roman Coppola dans CQ. Dès le prologue, Paul est montré se filmant chez lui. Il assemble des bribes de vie quotidienne, des plans d’objets de tous les jours (sa savonnette, son passeport, son café noir, sa fougère, son Nagra, l’eau du bain, etc.), se livre face à la caméra (« Je filme tout, c’est plus fort que moi », confesse-t-il avant d’ajouter qu’il est « à la recherche du cinéma vérité, de la sincérité »). Sans compter cette courte séquence où il filme sa petite amie Marlène dansant devant la caméra, qui ne peut pas ne pas évoquer le home movie déjà mentionné où la copine de Roman se trémoussait en maillot deux pièces.

Violemment, pourtant, Marlène questionne Paul sur l’intérêt que les gens pourront trouver à son film introspectif. C’est là aussi le grand paradoxe de Funky Squaredance. Sa durée, le foisonnement de textes, sa facture primitive et l’attention qu’il sollicite sont autant de handicaps qui en font une bande improbable et difficilement diffusable (à la télé tout du moins). Pas sûr que la maison de disques ait été très contente du résultat. C’est bien la limite de la démarche arty de Roman Coppola. Sert-il le groupe, le morceau, autant que lui-même ? La question reste posée mais le clip dans nos mémoires.


Les Bandes du sous-sol :

http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=3884


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3 septembre 2006 7 03 /09 /septembre /2006 19:48
 
Un clip réalisé pour le morceau It's a Wonderful Life du groupe américain Sparklehorse.

Voici ce qu'en disait le cinéaste canadien Guy Maddin en décembre 2004 :
"Ils avaient demandé à différents cinéastes de réaliser un clip pour chaque chanson de leur dernier album. Ils m'ont donné la liberté de faire ce que je voulais. J'ai choisi It's a Wonderful Life. J'aimais la tonalité cyclique de ses arrangements même si je savais qu'existait un clip plus commercial de cette chanson. Le mien fut très simple à réaliser. Je l'ai tourné une semaine environ avant le début des prises de vues de Dracula, pages tirées du journal d'une vierge. (...) L'autre chose formidable qui en faisait plus un film qu'un clip, c'est que le groupe n'y figurait pas. Ils ne voulaient apparaître dans aucun des films. Je les ai vus peu de temps après, jouant cette chanson live dans le "David Letterman Show" : ils étaient si extraordinaires que j'aurais aimé avoir eu l'opportunité de les filmer." (Propos recueilles dans Bref n°70, janvier/février 2006)
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31 août 2006 4 31 /08 /août /2006 18:10
The Doors (Soul Kitchen) vs The Kingsmen (Louie Louie)
Jimmy Jammes - Louie's Kitchen
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