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31 mars 2009 2 31 /03 /mars /2009 17:49
On ne se remet jamais tout à fait d’avoir découvert les Yeah Yeah Yeahs au Trabendo, le 6 avril 2002, à l’époque de leur premier EP. Ce soir-là, on était venu voir le Jon Spencer Blues Explosion, mais c’est subjugué par Karen O, furie de première partie, qu’on était reparti. Dès lors, on ne dirait plus jamais que les premières parties nous gavent, mais qu’elles peuvent au contraire nous offrir les plus belles surprises. C’est rare, mais ce soir-là, ce fut inespéré. Je n’avais pas entendu parler des Yeah Yeah Yeahs, rien n’avait "fuité" en France, il n’y avait pas tant de blogs musicaux, je ne téléchargeais pas encore, c’était une vraie découverte.
Non, vraiment, Russell Simins, Judah Bauer et Jon Spencer auraient pu se faire porter pâles qu’on ne leur en aurait même pas voulu.
Le lendemain, donc, encore tout estourbi, on trouve au rayon import du Virgin des Champs-Élysées le fameux EP. Cinq titres déments pour un groupe dont le premier vrai album (Fever to Tell) viendra, un an plus tard, confirmer la passion qu’on lui porte. À ce moment-là, dans nos têtes, l’équation est simple. Il y a eu Patti Smith, PJ Harvey. Il y a désormais Karen O. Les Yeah Yeah Yeahs m’ont alors tellement stupéfait que, par la suite, quand ils viennent jouer Show Your Bones en mai 2006, je fais même un aller-retour Cannes-Paris, en plein festival, pour ne pas rater leur passage à l’Elysée Montmartre. Il y a des groupes, comme ça, dont on a l’impression qu’ils sont "à nous", qu’on ne peut plus les rater. Vraiment n’importe quoi, vous dis-je.
Trois tee-shirts plus tard (un noir, un blanc, un vert), quelques miettes de fond de tiroir pour faire patienter (Is Is EP), et voici que déboule enfin le troisième album, It’s Blitz. J’ai parfois l’impression qu’il n’y a que moi qui l’attends. Même si on a beaucoup parlé d’eux entre 2002 et 2004, même si Fever to Tell fut considéré comme le meilleur album de 2003 par le New York Times, les Yeah Yeah Yeahs demeurent un groupe assez sous-estimé. En France en tout cas. Et, avec le disgracieux It’s Blitz, cela ne risque guère de changer. Je crois surtout que quiconque n’a jamais vu Karen O, Nick Zinner et Brian Chase sur scène ne peut comprendre l’engouement et l'émoi que ce trio de grande classe a pu provoquer chez quelques-uns.
It’s Blitz, donc, est déconcertant. Pour le moins. Moins de guitares, plus de claviers, des sonorités eighties dialoguant, à distance, avec celles que Franz Ferdinand a privilégié pour son excellent et autrement réussi Tonight. À lire les quelques chroniques qui accueillent ce disque ces jours-ci, on dirait que les Yeah Yeah Yeahs sont un peu devenus l’ambulance sur laquelle les blogueurs et chroniqueurs de bon goût vont se faire un plaisir de tirer. Comme si les Yeah Yeah Yeahs devaient payer aujourd’hui le fait d’avoir tant incarné la "hype", le renouveau de la scène rock new-yorkaise au début du XXIe siècle. En s’acoquinant avec Dave Sitek de TV on the Radio, pourtant un complice de longue date, les Yeah Yeah Yeahs pactisent avec la personnalité la plus emblématique de l’Ennemi nouvellement désigné ici et là : le producteur. C’est peut-être le gros handicap de cet album. Si Dave Sitek est l’orfèvre maniaque derrière le son des puissants TVOTR, c’est aussi le metteur en sons qui habilla le très mauvais disque de Scarlett Johansson l'an dernier, révélant par là-même tous ses trucs, tous ses gimmicks, comme aucun prestidigitateur ne devrait jamais le faire. Alors, si depuis des années les allers-retours entre YYY et TVOTR sont pourtant incessants (les clips des uns réalisés par les autres, des participations croisées aux albums des autres), le mariage peut paraître contre-nature tant ce qui plut d’abord chez les Yeah Yeah Yeahs fut leur son rêche, dépouillé et punk.
Pourtant, la tentation pop et le penchant coupable pour la joliesse étaient là depuis le début, nichés derrière les assauts soniques et les feulements de Karen O. Même Arcade Fire a repris Maps, c’est dire… Eu égard à ce qui précéda, It’s Blitz est ainsi relativement cohérent, pas si différent, malgré ses accents électros, ses claviers soudain mis au premier plan, son goût pour les ballades éthérées mettant en avant le chant de Karen O (voir ainsi les belles versions acoustiques en bonus du nouvel album).
Quand j’ai découvert Zero, le nouveau single, je me suis dit "Et merde !". Et bizarrement, en y revenant, passée la surprise, j’ai adoré ce morceau. Alors, oui, les Yeah Yeah Yeahs évoluent. Objectivement, c’est sans doute moins bien qu’avant, mais le mec qui, ce soir d’avril 2002, s’est pris ce trio de plein fouet et en plein cœur ne peut décemment écrire que cet album est mauvais. Commercial, ok, mauvais, non…

Voir le clip de Zero : ici

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commentaires

L
Y CONTROL - TROP GENIAL LE CLIP!!
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D
Bonsoir Ska,Beaucoup de plaisir à lire (enfin) ce billet... Comme d'hab'... Je ne connaissais pas du tout les Yeahs Yeahs Yeahs... Comme d'hab' :-)...Tu (me) donnes envie. Encore plus en tant que fan de PJ !. Je vais tâcher d'écouter Fever to tell pour commencer, et revoir le clip de Zero, dont la fin me séduit.A plus ;-)
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A
Tout à fait d'accord avec vs, trop vite descendu ce 3ème album ! au départ on se dit 'tiens c quoi ce virage pop des YYY un peu facile' puis en récoutant plusieurs fois l'album on voit bien qu'il s'agit d'un album complexe et les chansons s'enfilent irrémédiablement offrant une vraie cohésion au propos...et puis de toutes façons la vérité sera celle du live, donc rdv le 30 avril au bataclani avec Karen O !!!
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S
Aux sceptiques (que je comprends), je recommande (tout comme Thom et DPC), l'écoute immédiate du premier EP et de Fever to Tell ou alors d'aller voir par là le vrai visage du groupe : http://www.youtube.com/watch?v=_USQSu3R00A&feature=PlayList&p=431ED299C034EE1F&index=0&playnext=1Et, là, Frédéric, tu t'apercevras que, oui, décidément, on est vraiment très, très loin de Texas...
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F
oui, mais bon, pourquoi cela me fait-il immédiatement penser à Texas/sharleen Spiteri ??Et n'y avait-il pas une pétition pour interdire l'emploi de la frange et du slim en 2009 ? (mais je veux bien un blouson tout pareil que le sien...)
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