7 novembre 2008
5
07
/11
/novembre
/2008
11:16

Pourtant, ils arrivaient trop tard. Il y avait déjà eu les Guns & Roses à la fin des années 80. Mais le groupe d’Axl Rose, croulant sous les ballades et la pluie de novembre, s’éteignait déjà à petit feu. Chez les aînés, Freddie Mercury, inspiration avérée, venait de mourir. Ils lui rendraient d’ailleurs un bien bel hommage lors du concert "all stars" de Wembley. Le sommet de leur carrière assurément. À tel point que l’on murmura même, quelque temps après, alors que bruissaient les rumeurs de reformation, que Gary Cherone irait chanter avec les rescapés de Queen. Las ! Il fit un petit tour de piste avec Van Halen pour un album atroce et le vétéran Paul Rodgers décrocha le job des années plus tard. Pour le triste résultat que l’on sait…
Mais revenons à Extreme. Puisque c’est d’Extreme qu’il s’agit. Les rock stars quadragénaires jouaient mardi soir à Paris, à l’Elysée Montmartre. Démodés déjà quand sortaient leurs deux meilleurs albums (Three Sides to Every Story et Waiting for the Punchline), tandis que, rayon guitares, la tornade grunge et les assauts de Rage Against the Machine ne leur laissaient que peu d’espace. Déjà has been. Trop grandiloquents, trop prétentieux. Délavés sur les posters d’adolescentes abusées par un tube MTV qui ferait date, mais qui entacherait pour toujours la suite de leur carrière. Cette ballade acoustique, jolie certes mais tout de même très niaise, portée comme un fardeau dont on se déleste aujourd’hui comme on peut (l’autre soir, par exemple, Nuno l’entamant, goguenard, par les arpèges célestes de Stairway to Heaven).
Le beau Nuno Bettencourt, donc, branleur de manche inspiré, passait bien sur les posters. Trop bien. Belle petite gueule. Le drame d’Extreme, peut-être, cette belle petite gueule. Et la réduction hâtive du groupe énervé à la douceur écœurante du fadasse More Than Words, leur Love of My Life à eux. Quand Extreme choisit finalement de vraiment durcir le ton (Waiting for the Punchline, bien plus âpre, essayant de chasser sur les terres arides du One Hot Minute des Red Hot Chili Peppers), il était déjà trop tard. Ceux qui ne les avaient pas vraiment écoutés avaient vite fait de les ranger à jamais dans l’Enfer du hard FM.
Treize ans après cette relégation, passés les errements artistiques de Nuno et les piteuses déclarations politiques de Gary, Extreme a osé sortir un nouveau disque. Bien dans l’esprit de ce qu’ils enregistraient au début des années 90, un album assez digne finalement, totalement hors mode, armé de quelques morceaux jouissifs qui prirent tout leur relief mardi soir sur scène.
Les nouvelles chansons, justement, et notamment Star et ses criantes citations de Tie Your Mother Down de Queen ou l’imparable Comfortably Dumb en entame d’un puissant show de deux heures à peine gâché par l’ennuyeux Ghost (avec Nuno au piano) ou par les démonstrations virtuoses et vaines du guitar-hero rendant fou, à mes côtés, les hardos du dimanche qui mouillaient leur culotte au moindre de ses plans tapping. Et puis le plus étrange… Cette bouffée de nostalgie – attendue – qui me gagna très vite tandis que résonnaient les riffs déterrés de Pornograffitti, leur disque le plus connu.
Au bout de quelques minutes de concert, c’est Decadence Dance qui me ramène, plus vite qu’en De Lorean, à une époque où je vivais encore chez mes parents, où j’écoutais mes disques en boucle. J’en avais moins qu’aujourd’hui bien entendu. Je ne téléchargeais pas. Je les appréciais différemment. À jamais gravés, après tant d’écoutes, dans mon disque dur intime. Et moi (émoi) donc de me rendre compte que Decadence Dance, It’s a Monster ou Get the Funk Out, je les connais toujours par cœur : chaque break, les paroles, les riffs, les solos même… Je ne les écoute plus aujourd’hui, ces morceaux tout ridés. Très difficile d’ailleurs de réécouter sans rire Pornograffitti tant la production en a pris un coup. Mais ces morceaux-là – aussi vulgaires et putassiers paraissent-ils désormais – ce fut, je dois l’avouer, un vrai délice que de les voir joués l’autre soir devant moi. Alors, oui, c’est sûr, j’aurais pu – sur ce blog un rien refroidi ces derniers temps – vous parler du sublime concert de Lambchop au Café de la danse, du prodigieux bassiste du groupe de Kurt Wagner. Mais non, il fallait que je vous reparle de cet amour de jeunesse croisé hier soir entre Anvers et Pigalle.
Extreme a un public fidèle. Des trentenaires qui ont attendu treize ans que le groupe revienne jouer en France, qui ont répondu présents, qui leur donnent sans doute une bonne raison de continuer. Car ils doutaient un peu, confiaient-ils au moment de la reformation. Pour moi, les voir enfin, c’était un peu me confronter au souvenir d’albums jadis adorés et jamais vraiment reniés. Me confronter à un petit mythe intime, à des héros de seconde division que l’histoire a déjà oublié… Avec mes trois potes à l’Élysée Montmartre, un groupe à nous… Qu’on écoutait alors. Qu’on a retrouvé là, intact... Et si on rentrait en 2008 maintenant…