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28 juin 2008 6 28 /06 /juin /2008 13:06

On avait attendu en vain devant Bercy dans le froid de décembre, suivant des yeux, atterrés, le manège des revendeurs. Nous étions repartis bredouilles, transis de froid, frustrés de ne pas le voir jouer à Paris ce soir-là… On avait pourtant déjà nos places pour le Parc des Princes, qu’il investirait sept mois plus tard. Mais rater un tel rendez-vous, non, il fallait bien que l’on force notre chance… Même si nous avions bien passé l’âge de ces conneries-là…
Hier, ce fut incroyable. Nous étions là, tous les deux. Encore une fois. Comme pour le concert solo acoustique de 2005. Comme pour le show des Seeger Sessions en 2006. Comme, surtout, au Stade de France en 2003.
Il y a cinq ans, il pleuvait. Le E Street Band entrait en scène et Bruce Springsteen entonnait avec ferveur le Who’ll Stop the Rain de Creedence Clearwater Revival. La pluie s’arrêterait bientôt. C’était le Boss, c’était clair. Deux bonnes heures plus tard, aussi, ce souvenir : péter les plombs sur Dancing in the Dark, chanson mineure mais plaisir suprême, tandis que la pluie finalement indomptée redoublait d’intensité. On était trempés, on s’en foutait. Un beau soir de mai.
Hier, ce beau soir de juin, le soleil dardait encore ses rayons sur les tribunes quand ils pénétrèrent sur scène, hilares. Après deux bonnes heures d’attente, assis dans la fosse, il était temps. Tu avais mal au crâne. J’avais trop peu dormi. Mais voilà que ça commençait. Il y avait un truc dans l’air, ces sourires sur leurs visages, la soirée serait exceptionnelle. Malgré l’absence de Danny Federici. Durant trente minutes, toi et moi, on va à peine oser se regarder, car la bulle de rêve qui nous englobe risque forcément d’éclater à un moment. Pourtant, c’est bien réel. Le E Street Band fait machine arrière. C’est la septième fois que je voie Springsteen à Paris, la troisième fois avec son groupe historique. Et c’est inespéré.
Adam Raised a Cain, No Surrender, The Promised Land, Spirit in the Night. On a à peine entendu Radio Nowhere, recent tube lourdaud placé en deuxième position (pour rassurer de récents convertis ?) tant l’entame de la setlist surprend et nous enchante. Les très sobres et racés tee-shirts Born to Run 1975 vendus à l’entrée auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. Le E Street Band nous a réservé les surprises que l’on n’espérait même plus. Et puis, forcément, quand Max Weinberg fait claquer la rythmique d’Atlantic City, un frisson, un regard, un sourire. Parce qu’on sait, c’est sûr, qu’on ira. Bientôt. On a mentalement déjà préparé les cassettes pour la route.
Bientôt, je n’en peux plus, faut que ça sorte, j’envoie un sms à un autre ami qui, lui, se trouve dans les gradins. « Le Boss est éternel », me répond le E Street Buddy. C’est clair. Je me souviens que neuf ans plus tôt, avec lui déjà, sortant de Bercy où le E Street Band tout juste reformé venait de donner un concert tant attendu, je lui confiais avoir été un peu déçu parce qu’ils avaient joué trop de tubes, cédé à la facilité. Toi, à l’époque, tu n’étais pas en France, tu ne l’avais pas encore vu sur scène, le mythe. Tu m’enviais. Or, ce soir, c’est revival. Comme s’ils jouaient juste pour nous, les fans. Non, ce n’est pas une tournée Greatest Hits. Vraiment pas. Encore moins une tournée visant à promouvoir le dernier album (dont ne seront joués que cinq titres). On ne les a pas vus dans les années 70 ni dans les années 80, on était trop jeunes. Moi, je l’ai vu, Bruce, pour la première fois en 1992, le soir des oraux du bac, alors qu’il se remettait difficilement – artistiquement en tout cas – de sa rupture d’avec le E Street Band. Et le meilleur souvenir jusqu’alors, c’était au Palais des Congrès, quelques années plus tard, en 1996, quand il s’était présenté en solo pour revisiter The Ghost of Tom Joad et Nebaraska. Maintenant, il va peut-être falloir revoir cette hiérarchie…
Hier soir, donc, c’était juste incroyable. On aurait voulu pleurer mais nous étions trop heureux pour ça. Encore qu’à l’entame de The River, tu m’as presque fait peur. Il doit y avoir un truc entre toi et cette chanson, ce n’est pas possible autrement. Tout cela était si inattendu que les ternes Rendez-vous et autres Girls in Their Summer Clothes ne pouvaient même pas atténuer le plaisir d’entendre tant de morceaux des albums Darkness in the Edge of Town (Candy’s Room, Badlands) ou Born to Run (Tenth Avenue Freeze Out, She’s the One, Born to Run bien sûr, avec Elliott Murphy et son ado de fils invités à la guitare). Sans parler de Bobby Jean, de Because the Night, de Out in the Streets, de Darlington County ou de l’antique For You jouée sobrement au piano. Une setlist exceptionnelle, vraiment ! Comme si chaque chanson était un cadeau offert au public. Comme si, tout simplement, cela avait été leur tout dernier show.
C’est bien simple, tout était possible. Une chanson s’achevait et tout pouvait arriver. Je me souviens même avoir formulé l’impensable : qu’ils jouent E Street Shuffle, perle soul du tout premier album. Bon, c’était beaucoup demander, je te l’accorde…
Maintenant, nous avons les mêmes tee-shirts. Un noir et un gris.
Un Born to Run et un Thunder Road. C’est malin ! Heureusement que dans quelques mois plusieurs milliers de kilomètres et un océan nous sépareront. Cela évitera les situations embarrassantes.
Oui, durant 2h45, nous avons été sur un nuage. D’ailleurs, je n’ai toujours pas retrouvé l’échelle.
Bien à toi.


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commentaires

S
Bienvenue sur mon nuage, Yayachka. Cela fait plaisir de voir des fans du E Street Band atterrir par ici... :-) 5e rang, quelle chance ! Bruce descendant si souvent vers le public, vous avez dû le voir de près, peut-être même lui tendre une pancarte pour lui demander d'interpréter l'un de vos morceaux préférés...Et ce concert de Bercy en décembre... L'avoir raté décupla l'attente de celui de juin. Et pourtant je n'aurais jamais pensé en sortir si enthousiaste...
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Y
On est pas mal sur notre petit nuage dites donc... déjà après le concert de Bercy en décembre (Jungleland m'a mise KO) je volais. Et là en juin, rebelote. Remarquez je l'ai bien cherché en étant placée genre au 5e rang dans le pit ! Encore plus intense ! C'est possible ? Ben oui !  Quelle générosité, quel partage. HE'S THE ONE !
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D
Je ne connais pas du tout Springsteen, mais content pour toi !... Et c'est vrai que ça me fait réviser un peu une "phobie" que je ressens à l'égard des stades, etc...
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R
eh bien dis-donc ! autant je regrettais vraiment d'avoir raté Bercy, autant j'avais fait une crois sur le Parc, trop déçue par d'autres concerts dans des stades.Mais là j'ai vraiment raté quelque chose on dirait, il va falloir que je révise mon opinion sur les stades. Après tout c'est vrai, il n'y a qu'à le prendre comme un festival.Très beau compte-rendu  en tout cas :-)
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S
Arbobo : Je viens seulement, à l'instant, de comprendre ton jeu de mots... Et pourtant, mon E Street Buddy te dirait que j'en fais des bien pires...Tom Joad : On se connait, non ? Merci pour l'expression que tu sais :-)Pyrox : La prochaine fois, n'hésite pas une seconde. Un stade, finalement, à partir du moment où tu es dans la fosse, ce n'est pas pire qu'un festival...Mister K : Bah, le faire comme ça, ce compte-rendu, c'était une évidence... Tout comme résister à l'envie de me rapprocher encore un peu plus de la scène pour plutôt vivre ces quelques heures à tes côtés... :-)
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