Il est des raccourcis agaçants. L’an
dernier, quand sortit l’album de Grinderman, projet parallèle de Nick Cave et de quelques Bad Seeds, on lut beaucoup que le groupe réalisait là l’album rock qu’il n’osait plus faire sous son
appellation originelle. C’était négliger un peu vite – au nom de l’argument marketing ? – la diversité d’influences de ces musiciens, oublier The Birthday Party et ranger un peu vite un Nick
Cave assagi et pianotant dans la catégorie du crooner tourmenté (celui dont il endossait les habits avec classe sur The Good Son, Murder Ballads ou The Boatman’s Call).
Mais, au final, le projet Grinderman, pris dans sa globalité, n’était pas si différent d’un album des Bad Seeds. Un peu plus électrique peut-être. Un peu moins bon aussi. Et si l’on n’imaginait
guère un titre comme No Pussy Blues* sur un disque des Bad Seeds (mais
plutôt sur une galette du Blues Explosion), bien d’autres auraient tout aussi bien pu y figurer.
Au même moment, découvrir le dvd retranscrivant la tournée Abattoir Blues/Lyre of Orpheus (dernier album – double – paru sous le nom Nick Cave & The Bad Seeeds) confirmait, s’il en
était besoin, l’énergie et l'inventivité prodigieuses du groupe sur scène. Les australiens n'allaient pas en rester là : 2008 voit débouler Nick Cave et ses mauvaises graines encore plus remontés
que sur Grinderman, prêts à en découdre, véritablement. Dig, Lazarus, Dig !!! est un disque à l’incandescence explosive, la démonstration en six points d’exclamation et onze titres
ne s’écoutant qu’au plus fort volume possible de l’incroyable supériorité du groupe sur le reste du monde. Et toujours cette question : comment cette puissance de feu, ces décibels en
fusion, s’allient-elles à des arrangements si subtils ? Chez les Bad Seeds, il y a ce plaisir éruptif et cette pure efficacité, certes, mais il y a surtout une production exemplaire, une
souplesse de tous les instants, cette recherche du détail sonore, ces fioritures essentielles qui ravissent aussi l’esthète. C’est cette faculté à marier les contraires qui toujours étonne chez
eux. Et sur ce disque-là (voir les breaks étonnants et les boucles de We Call Upon the Author par exemple) plus encore que sur d’autres.
Enfin, à ceux qui se gobergeraient de cette fronde rock’n’roll soit disant retrouvée, on conseillera de visionner ce long extrait de Nocturama, vieux de cinq ans déjà. Babe, I’m on
Fire : sa basse entêtante, son orgue dissonnant, sa batterie furieuse et Nick Cave dans le rôle du prêcheur halluciné et exultant, nous terrassant de plaisir au fil de 43 couplets
furibards…