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24 janvier 2008 4 24 /01 /janvier /2008 20:59

<< (RWD) C’était la boutique d’un photographe. Il l’avait toujours connue. Enfant, adolescent, quand il passait ses vacances – à Pâques, l’été – dans cette petite ville bourgeoise où habitaient ses grands-parents. Les appareils photo, le matériel, il ne s’y intéressait pas le moins du monde, mais cette boutique était pourtant comme un phare. Pour une raison très simple : on y vendait des cassettes. Et c’était le seul endroit, en ville, où il pouvait repaître son goût balbutiant pour le rock’n’roll.
(PLAY) >
Or, ce présentoir, dehors, à l’entrée, il n’avait pas bougé. Il le retrouvait comme tel en ce jour de décembre 2007. Lui avait vingt ans de plus, mais le présentoir trônait toujours là, anachronique présence au seuil d’une boutique désormais dévolue aux accessoires numériques dernier cri. Jaquettes délavées pour photo mentale jaunie. Tel Marty McFly débarquant dans un Hill Valley fifties, il constata que rien ne semblait avoir bougé depuis cette première cassette achetée là-bas. Il s’en souvenait, ça avait dû être à l’été 1986, A Kind of Magic de Queen. Déjà une question de temps puisque pas mal de morceaux dudit album avaient été utilisés pour Highlander, film périssable sur l’immortalité, l’un de ses préférés à l’époque. Cette cassette, il avait passé tout l’été à la jouer et la rembobiner sur son Walkman pour s’enquiller Princes of the Universe ou Don’t Lose Your Head ad libitum. Il y en avait eu d’autres. Quelques unes. Pas trop. C’était toujours à regret qu’il achetait une cassette. Pour les albums, il préférait déjà les vinyles, tellement plus pratiques quand il souhaitait écouter un morceau en particulier. Mais en vacances, il n’avait pas son tourne-disque, celui sur lequel se succédaient les 45 tours qu’il achetait chaque semaine dans ce Prisunic, rue du Poteau. Les cassettes, c’était bon pour les trop longs trajets en voiture, tout au plus…
(FWD) >>
Ce jour de décembre, donc, tandis que la nuit tombait déjà, il s’approcha du présentoir. Les jaquettes l’ornant lui furent d’emblée étrangement familières. La plupart des cassettes dataient des années 90, pas mal aussi des années 80. Comme si le temps s’était arrêté au seuil de cette échoppe. Il y avait de très bonnes choses, là où on aurait plutôt attendu quelques chanteurs populaires aux idées faciles d’accès. Blur et Pulp, fleurons britpop, côtoyaient INXS, A-Ha, Prince et Terence Trent d’Arby. Plus improbables, au milieu de tout ça, d’autres cassettes d'un goût douteux jaillies d’un passé révolu par on ne sait quelle faille temporelle. À portée de main, présence incongrue, la bande originale d’un obscur film de science-fiction français mettant en scène une ex-idole des jeunes aux cheveux blanchis. À treize ans, il avait même brièvement eu une affiche de ce sous-Mad Max dans sa chambre. La cassette avait beau s’être échouée là il y a plus de vingt ans, on avait quand même changé l’étiquette lors du passage à l’euro. Elle en valait six ce jour-là.
(PLAY) >
Troublé, il continuait de parcourir le présentoir quand une musique retentit. Un truc inconnu. Médiocre forcément. À l’intérieur, ils avaient dû le voir. On lui avait mis de la musique. Là, à l’entrée, rien que pour lui. Il songea à Rod Serling, à La Quatrième dimension, et plus particulièrement à cet épisode où un homme pressé retourne dans la ville où il a grandi et la retrouve telle qu’elle était trente ans auparavant, inchangée. La chanson qui, telle une sirène enjoleuse, voulait le retenir là n’était heureusement pas d’époque. Cela le rassura un peu. Un peu seulement. Il ne valait mieux pas, c’était le cas de le dire, s’éterniser ici…
(STOP EJECT)

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commentaires

M
Wow... Encore une fois....
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D
Très ému par ce billet. Je vais de suprise en surprise, ici...Alors, sur le coup, pas envie de parler :-)
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S
Merci Christophe, tu as tout compris... :-)Après La boucle, il y a quelques semaines, il y a là aussi, en effet, une sorte de basculement vers le fantastique et l'inquiétude. Et pourtant, je n'ai rien inventé... C'était vraiment étrange. J'aurais voulu prendre une photo, mais je n'avais pas mon appareil sous la main...
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C
Plutôt de parler musique sur cassette, je dois laisser jaillir mon impression à la lecture de ce billet : ma-gni-fique !<br /> <br /> Le style s'améliore, car si le thème est toujours mélancolique, on ressent plutôt de l'angoisse (ce qui pour moi est une amélioration, allez comprendre !). Et, l'allusion à l'inoubliable Marty Mc Fly (je me suis encore tapé RVLF en vhs toute pourrie et en VF il y a 3 semaines, c'est pour dire comment je place ce film dans les authentiques plaisirs cinéphiliques) sombre dans la véritable référence qui était là, présente par l'horreur de cette situation de ce bac à cassettes pourrites chez le photographe (Mus pourrait lui expliquer comment faire le retour ? ^^) : on est entrés dans la 4e dimension. <br /> <br /> Et cet épisode, j'en ai un souvenir flou et pourtant immédiat et vivace. <br /> Par cœur, je me rappelle de l'angoisse du héros dans ce brigadoon qui n'est autre que sa vie natale. Mc Goohan (Le Prisonnier) avait tiré parti de ce rêve étrange que nous faisons tous, où nous sommes replongés dans un univers familiers venu du passé mais dont le rythme, la vie, les personnages semblent s'effacer et devenir des halos, présents mais indescriptibles. Aux premiers rôles, des détails alors insignifiants prennent une place démesurée, comme si notre histoire pouvait se réduire à ce bacs de musicassettes pourrites. Rha l'angoisse !<br /> <br /> 3xj
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S
C'est marrant comme on peut avoir eu des rapports différents à la musique, même si on a sensiblement le même âge et si on se retrouve, via nos blogs, sur pas mal de choses... :-)Moi, en effet, c'est l'inverse, j'ai toujours aimé jouer mes disques à fond dans ma chambre. Du coup, je n'associe pas tant la musique aux trajets, aux déplacements, au walkman... Et ça explique sans doute que je sois plus attaché à mes 33 ou 45 tours qu'aux cassettes (nombreuses pourtant, enregistrées surtout)...Chez moi, on écoutait peu de musique "en famille" (par contre on regardait beaucoup les films ensemble). A part avec ma grande soeur, qui me fit notamment découvrir Higelin, pas trop de souvenirs d'avoir écouté des disques "en famille". Mais si je dois me souvenir des choses écoutées avec ma soeur, là, ça a effectivement surtout à voir avec cette idée de déplacements, de trajets. Higelin par exemple, on l'a surtout écouté au walkman, avec le fameux adaptateur pour les deux casques, en voiture...Quant à la radio, non, je ne l'écoutais pas trop. Et je l'écoute toujours assez peu.Par contre, c'est vrai qu'aujourd'hui, moi aussi, que ce soit dans le train ou dans le métro, j'ai très souvent mon casque sur les oreilles. Pas trop dans la rue par contre... Pourquoi, je ne sais pas...
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